Leur position est contenue dans le rapport ci-dessous de la Commission des Droits de l’Homme du Barreau, signé par son président Me Eteme Eteme.
ET QUE DIT LA COMMISSION DES DROITS DE L’HOMME DU BARREAU DU CAMEROUN?
Source: Jean-Marie NKOUSSA | Cameroon-Info.Net
D’emblée, la Commission relève pour le regretter, que la communication du Ministre de la Santé Publique M. André Mama Fouda a par son orientation éditoriale, rendu peu ou pas fécondes, les sorties des responsables de santé public et même privé sans doute au nom d’une crainte révérencielle parfaitement compréhensible au regard des enjeux et des postures des uns et des autres. La Commission des Droits de l’Homme du Barreau note, au terme de son analyse des faits et données objectives, que tous les médecins rencontrés soutiennent la thèse selon laquelle c’est la dépouille et non la personne de Monique KOUMATEKE qui leur a été présentée en ce triste jour du 12 mars 2016, que ce soit en matinée au Centre médical de PK 13 ou à l’hôpital de district de santé de Nylon ou encore en début d’après-midi à l’hôpital Laquintinie. Même si elle ne peut manquer de s’interroger sur la cohérence de telles assertions, au regard de l’écart de plus de 4 heures (8h45- 13h) ayant existé entre le passage dans les deux dernières formations hospitalières, en relation avec l’intérêt à balader un corps aussi longuement.
Ce faisant, le Rapport du Directeur de l’hôpital Laquintinie du 13 mars 2016 fait clairement état de ce qu’à l’origine de l’incident, il y a «l’un des morguiers de service qui évoque la possibilité de survie du foetus sur la base de certains mouvements abdominaux observés et reconduit la famille à la maternité».
Ledit rapport poursuit en ces termes: «Rendu à la maternité, les infirmières en service ont maintenu le diagnostic des décès maternel et infantile. Ce qui déclenche des altercations entre la famille et le personnel de soin. Le personnel infirmier se sentant en insécurité se réfère vers la gynécologue de garde qui aurait pu poser l’acte légal de constat de décès, mais cette dernière est en pleine intervention chirurgicale. L’agitation grandit au sein de la famille, ce qui attire une foule de curieux. Face à cette agressivité grandissante de la foule, le personnel décide de fermer la porte d’entrée de la maternité et d’appeler les secours.» Selon la Commission, ce rapport est, du moins sur ce point précis, en parfaite concordance avec la position de la famille de Monique KOUMATEKE. À savoir qu’il est fort plausible qu’en se rendant à l’hôpital, il y avait encore espoir de sauver la vie, au moins du foetus dont la survie au moment des faits a aussi été soupçonnée par «l’un des morguiers de service» comme le martèle si bien le rapport sus mentionné, de sorte qu’il n’est plus difficile de comprendre la passion qui va s’emparer de la famille, pressée de voir sauver ledit foetus.
Au demeurant, la Commission estime qu’en décidant «de fermer la porte d’entrée de la maternité et d’appeler les secours» comme le relève le rapport du Directeur de Laquintinie, tout en reconnaissant que «la gynécologue de garde qui aurait pu poser l’acte légal de constat de décès, mais cette dernière est en pleine intervention chirurgicale», il y a là encore un rapprochement à faire avec la version de la famille selon laquelle «la défunte n’a pas été admise au sein de cette maternité et le médecin qui l’aurait consultée de l’extérieur a déclaré son décès et serait reparti sans plus de formalisme».
La Commission est donc en mesure de penser que de l’admission de l’infortunée à l’hôpital jusqu’à l’incident. Il y a eu peu ou pas de prise en charge, dès lors et surtout que le préposé à la morgue ayant pronostiqué la survie du foetus, la famille était en droit de s’attendre de la part de l’hôpital à une attention aussi bien immédiate que diligente. Sans aller jusqu’à imputer un quelconque des décès (mère et foetus) à qui que ce soit, cela n’étant ni le rôle de la Commission, ni l’objet de la présente enquête, la Commission des Droits de l’Homme du Barreau est en mesure de dire que la prise en charge de la famille KOUMATEKE est fortement sujette à caution, comme pourrait le montrer le seul fait qu’on leur ait fermé les portes au nez et que l’hôpital soit resté totalement passif face à l’extraction des foetus entreprise par la suite au sein même de son enceinte.
VOICI DANS SON INTÉGRALITÉ LE RAPPORT DE LA COMMISSION DES DROITS DE L’HOMME DU BARREAU SUR L’AFFAIRE MONIQUE KOUMATEKE
I- CONSIDÉRATIONS INTRODUCTIVES
Le présent rapport est soumis au Bâtonnier de l’Ordre des Avocats conformément à la loi, au Règlement Intérieur et aux Usages du Barreau.
La Commission y rend compte des enquêtes qu’elle a effectuées sur les circonstances du décès de Dame Monique KOUMATEKE âgée de 33 ans dont la dépouille mortelle a été violée publiquement et les images partagées en mondovision dans l’enceinte de l’Hôpital Laquintinie le samedi 12 mars 2016, aux environs de 13 heures, par un de ses parents, ce dernier ayant prétendu, dans un élan désespéré, sauver la grossesse de l’infortunée.
A. Objet de l’enquête
Il se sera agi pour Monsieur le Bâtonnier de l’Ordre de se faire une idée exacte sur les circonstances exactes de ce tragique incident dans un contexte où deux versions des faits s’opposent radicalement.
B. Contexte de l’enquête
En effet, alors qu’un communiqué du Ministre de la Santé Publique a fait état de ce que Monique KOUMATEKE serait arrivée à l’hôpital étant déjà décédée, la famille de cette dernière soutient qu’elle était bel et bien en vie et ne demandait qu’à être sauvée.
Or, le Cameroun est un État de droit qui a inscrit le « droit à la vie » au rang des droits fondamentaux ainsi que cela ressort de sa loi fondamentale, laquelle affirme du reste clairement son attachement aux dispositions de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, de la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples, et plus généralement aux Traités et Conventions Internationales des Droits de l’Homme qu’il a ratifiés.
Le Code Pénal camerounais s’inscrit tout aussi normalement dans ce même sillage puisqu’il protège non seulement contre les atteintes à la vie, mais aussi contre les atteintes à la dignité de l’Homme, même mort.
Dans ce contexte, il va de soi que les conséquences de ce drame au niveau des responsabilités va dépendre des circonstances, seule chose à même de renseigner sur le niveau d’implication et la proportion du fait fautif, le cas échéant, d’où la nécessité d’y procéder avec extrême parcimonie.
C- Problématique de l’enquête
D’où la problématique de la présente enquête formulée sous la question des circonstances dans lesquelles Monique KOUMATEKE est arrivée à l’hôpital Laquintinie le samedi 12 mars 2016.
D- Axe méthodologique
La méthode utilisée a été celle généralement consacrée par les commissions d’enquête des Droits de l’Homme. La Commission s’est essentiellement appuyée sur les récits de première main auprès des témoins, des médecins et des Avocats pressentis, connus ou reconnus comme défenseurs dans cette cause dont la justice a été parallèlement saisie.
La démarche a ainsi permis des interviews directes d’Avocats échantillonnés auparavant comme tels. L’enquête portant sur une cible précise et dans le souci de privilégier ces informations de première main, la technique utilisée a consisté, à partir des enquêtes individuelles de chacun des membres de la Commission d’interviewer les personnes clé ayant vécu ou posé des actes dans l’itinéraire de la défunte. Le moyen utilisé aura été le questionnaire via des échanges en tête à tête.
Aussi, la Commission des Droits de l’Homme du Barreau du Cameroun a-t-elle exploité la position du Gouvernement au travers de la conférence de presse donnée par Monsieur le Ministre de la Santé Publique, du communiqué daté du 13 mars de l’Hôpital Laquintinie d’une part, et a, d’autre part, procédé à une descente au sein des formations hospitalières concernées, notamment l’Hôpital de District de Nylon et l’Hôpital Laquintinie où les membres de la Commission des Droits de l’Homme du Barreau (CDHB) ont été reçus par leurs Directeurs respectifs. La CDHB a par ailleurs entendu le comité d’Avocats constitués pro bono dans cette affaire.
C’est donc la somme de ces investigations individuelles qui ont été mises ensemble et recoupées au titre du présent rapport.
II- CONSIDÉRATIONS INVESTIGATRICES
La Commission analyse (B) les données recueillies dans le cadre de ses investigations, notamment les communiqués et les auditions. (A)
A. Des Auditions
Primo, le Directeur de l’hôpital de district de santé de Nylon, le Docteur ESSAGA Clément rencontré le mardi 29 mars 2016, a déclaré que feue KOUMATEKE Monique est arrivée à l’hôpital de Tergal le jour de son décès aux environs de 8 h 45, après qu’elle ait été accueillie dans le centre de santé de PK 13, où son décès aurait été constaté pour la première fois par le médecin de service après l’avoir auscultée.
C’est pendant que le médecin de service se chargeait des formalités de dépôt du corps à la morgue dudit hôpital que la famille se serait rétractée et aurait décidé de faire transporter le corps de feue KOUMATEKE Monique pour l’hôpital Laquintinie, dans l’espoir de sauver la vie des enfants qu’elle portait en son sein.
Secundo, la position de la famille de feue KOUMATEKE Monique, ainsi que celle de dame TACKE Rose qui a procédé à la « chirurgie publique » querellée et dont les intérêts sont défendus par un comité d’Avocats conduits par Maître FOUSSE ETEKI Dominique, demeure que la défunte était encore en vie lorsqu’elle arrivait à l’Hôpital Laquintinie.
La famille soutient que dame KOUMATEKE n’a pas été reçue aux urgences de cet hôpital, en raison de l’indisponibilité du chirurgien occupé par un autre cas, et que les infirmières du service des urgences auraient demandé de transporter la femme enceinte à la maternité.
Transportée à la Maternité, dame KOUMATEKE n’y a pas été admise, le médecin qui l’a consultée de l’extérieur ayant déclaré son décès et étant reparti sans plus de formalisme.
Tertio, c’est alors désemparée et mue par un courage sans précédent, que dame TACKE Rose va, pour tenter de sauver la vie du bébé de feu KOUMATEKE Monique qui à ses yeux « bougeait dans le sein de sa mère par des battements », décider de procéder sur place à une césarienne de circonstance en dehors d’un plateau technique approprié.
B. Analyse des données par la Commission
D’emblée, la Commission relève pour le regretter que la communication à brule pourpoint du Ministre de la Santé a, par son orientation éditoriale, rendu peu ou pas fécondes, les sorties des Responsables de santé publics et même privés sans doute au nom d’une crainte (gêne ?) révérencielle parfaitement compréhensible au regard des enjeux en cause et des postures des uns et des autres.
La Commission des Droits de l’Homme du Barreau note, au terme de son analyse des faits et données objectives, que tous les médecins rencontrés soutiennent la thèse suivant laquelle c’est la dépouille et non la personne de Monique KOUMATEKE qui leur a été présentée en ce triste jour du 12 mars 2016 que ce soit en matinée au Centre médical de PK 13 ou à l’hôpital de district de santé de Nylon) ou que ce soit en début d’après midi à l’hôpital Laquintinie, même si elle ne peut manquer de s’interroger sur la cohérence de telles assertions au regard de l’écart de plus de 4 heures (8h45- 13h) ayant existé entre le passage dans les deux dernières formations hospitalières, en relation avec l’intérêt à balader un corps aussi longuement.
Ce faisant, le Rapport du Directeur de l’hôpital Laquintinie du 13 mars 2016 fait clairement état de ce qu’à l’origine de l’incident se trouve le fait que c’est « l’un des morguiers de service (qui) évoque la possibilité de survie du fœtus sur la base de certains mouvements abdominaux observés et reconduit la famille à la maternité ».
Ledit rapport poursuit en ces termes :
« Rendu à la maternité, les infirmières en service ont maintenu le diagnostic des décès maternel et infantile. Ce qui déclenche des altercations entre la famille et le personnel de soin.
Le personnel infirmier se sentant en insécurité se réfère vers la gynécologue de garde qui aurait pu poser l’acte légal de constat de décès, mais cette dernière est en pleine intervention chirurgicale. L’agitation grandit au sein de la famille, ce qui attire une foule de curieux. Face à cette agressivité grandissante de la foule, le personnel décide de fermer la porte d’entrée de la maternité et d’appeler les secours. »
Selon la Commission, ce rapport est, du moins sur ce point précis, en parfaite concordance avec la position de la famille de Monique KOUMATEKE, à savoir qu’il est fort plausible qu’en se rendant à l’hôpital, il y avait encore espoir de sauver la vie, a minima, celle du fœtus dont la survie au moment des faits a aussi été soupçonnée par « l’un des morguiers de service » comme le martèle si bien le rapport sus mentionné, de sorte qu’il n’est plus difficile de comprendre la passion qui va s’emparer de la famille, pressée de voir sauver ledit fœtus.
Au demeurant, la Commission estime qu’en décidant « de fermer la porte d’entrée de la maternité et d’appeler les secours » comme le relève le rapport du Directeur de Laquintinie, tout en reconnaissant que « la gynécologue de garde qui aurait pu poser l’acte légal de constat de décès, mais cette dernière est en pleine intervention chirurgicale », il y a là encore un rapprochement à faire avec la version de la famille selon laquelle « la défunte n’a pas été admise au sein de cette maternité et le médecin qui l’aurait consultée de l’extérieur a déclaré son décès et serait reparti sans plus de formalisme »(voir supra).
La Commission est donc en mesure de penser que de l’admission de l’infortunée à l’hôpital jusqu’à l’incident, il y a eu peu ou pas de prise en charge, dès lors et surtout que le préposé à la morgue ayant pronostiqué la survie du fœtus, la famille était en droit de s’attendre de la part de l’hôpital à une attention aussi bien immédiate que diligente.
Sans aller jusqu’à imputer l’un quelconque des décès (mère et fœtus) à qui que ce soit, cela n’étant ni le rôle de la Commission, ni l’objet de la présente enquête, la Commission des Droits de l’Homme du Barreau est en mesure de dire que la prise en charge de la famille KOUMATEKE est fortement sujette à caution, comme pourrait le montrer le seul fait qu’on leur ait fermé les portes au nez et que l’hôpital soit restée totalement passif face à l’extraction des fœtus entreprise par la suite au sein même de son enceinte.
Pareille situation est d’autant plus regrettable qu’au nombre des droits fondamentaux garantis par la Constitution de la République, figurent celui à la sécurité et celui à la vie.
II- CONSIDÉRATIONS INVESTIGATRICES
La Commission des Droits de l’Homme du Barreau n’a pas pu arriver à la conclusion que Monique KOUMATEKE est arrivée vivante ou non à l’hôpital Laquintinie.
Elle pense cependant pouvoir dire en toute indépendance au regard de l’analyse qu’elle a des faits, que la riposte sanitaire due n’a pas été apportée à sa situation.
Dans un contexte d’incidents similaires à répétition, le Barreau du Cameroun déplore que les formations hospitalières du Cameroun soient transformées en lieux de déshumanisation, et exhorte le Gouvernement de la République à un diagnostic sans complaisance et intégral du système de santé publique, au besoin par la convocation des Etats Généraux du système de santé publique et privée, aux fins d’amélioration de la situation devenue particulièrement préoccupante, et appelant comme telle une réaction d’urgence.
Le Barreau qui appelle la publication des manuels de procédures de prise en charge dans les formations hospitalières, de même que l’institution d’un mécanisme d’assurance maladie pour tous les citoyens, et notamment les plus démunis, réitère sa prédisposition à accompagner le Gouvernement dans toutes actions tendant à la réalisation du droit à la santé entendu par ailleurs comme dérivé du droit à la vie.
Pour LA COMMISSION DES DROITS DE L’HOMME DU BARREAU AGISSANT À L’UNANIMITÉ,
Le Président de la Commission,
(É)
Me ETEME ETEME