Consultant Jeunesse, Éducation Populaire
Cette tribune est une réponse à celle de Bernard Debré (http://www.huffingtonpost.fr/
Monsieur le député, au nom de ma double nationalité franco-gabonaise, au nom de l’aspiration du peuple gabonais à la démocratie, au nom du souhait d’alternance et surtout par respect pour les victimes des violences post-électorales orchestrées par Ali Bongo, je me permets de vous répondre.
Dans votre tribune, vous vous laissez aller à un commentaire sur la situation de mon pays de naissance avec une légèreté coupable et tout simplement scandaleuse.
Votre facilité à minimiser les événements que traverse mon deuxième pays m’interpelle et pose question sur l’opportunité d’une telle prise de position aux relents peu masqués de soutien à Ali Bongo.
Etes-vous en service commandé?
Monsieur le député, des familles recherchent encore leurs proches dans les morgues, ces mêmes morgues interdites d’accès par le “pouvoir” d’Ali Bongo.
Les journalistes présents sur place (pour ceux qui ont pu avoir un visa), sont refoulés, ils ne peuvent pas enquêter en toute transparence sur les exactions post-électorales.
Monsieur le député, les témoignages accablants se succèdent, en dépit de l’obstruction faite par le “pouvoir” à la diffusion de l’information. Pour rappel, internet est fortement restreint après avoir été tout simplement coupé.
Monsieur le député, vous semblez pointer du doigt le fait que Jean Ping ait pu faire en sorte d’épuiser les voies légales en posant un recours auprès de la Cour Constitutionnelle, dont les Gabonais doutent ouvertement de la partialité. Pourquoi?
Allez-vous à contre-courant des institutions internationales œuvrant pour la paix, qui ont elles aussi recommandé à Jean Ping de procéder ainsi?
Monsieur le député, vous demandez à la France de ne pas prendre parti. Vous ne retenez donc pas les leçons, vous ne savez pas que le soutien aux dictatures n’est plus toléré par les Françaises et les Français?
Monsieur le député, vous invoquez l’amitié franco-gabonaise. Quel ami pourrait soutenir la mort du peuple de son ami?
Monsieur le député, n’avez-vous donc aucune clairvoyance?
Monsieur le député, ne comprenez-vous pas le risque majeur et sans précédent de déstabilisation et de guerre pour ce pays et pour toute la sous-région, mais aussi, d’expansion de la secte Boko Haram et des conséquences qui vont avec?
En effet, ce risque majeur est confirmé par tous les experts. Et encore, pas besoin d’être expert pour comprendre que si Mme Mborantsuo, la présidente de la Cour constitutionnelle, ne dit pas le droit, le pire est à venir! Monsieur le député, soyez un peu moderne et saisissez l’enjeu!
Oui, nous voyons ici naître une nouvelle manière de fonctionner en termes de politique extérieure de l’Union européenne.
Mesdames Federica Mogherini et Mariya Gabriel posent en effet, avec brio et fermeté, les jalons d’une politique extérieure européenne responsable, soucieuse des intérêts communautaires, de la nécessité de coordonner les efforts de paix à cette échelle, et d’éviter une exposition diplomatique des Etats membres qui laisserait croire à une forme d’ingérence malvenue, alors même que dans certaines situations -celle du Gabon en est une- l’ingérence est un devoir!
L’action de l’Union européenne, qui a été tant décriée, mérite aujourd’hui d’être saluée et soutenue!
Monsieur le député, vous n’allez pas nous faire croire que ce que tout le monde (UA, UE, OIF, ONU, France, Etats-Unis et bien sûr, le peuple gabonais) constate comme étant noir, est finalement blanc, parce que le dictateur l’a décrété pour s’imposer par la force, au détriment du respect du choix des urnes et des libertés fondamentales.
Quand on est représentant du peuple, on a tout de même la décence de prétendre défendre l’intérêt de ce dernier, où qu’il soit, et non pas les petits intérêts particuliers.
Si le Gabon en est là, c’est aussi à cause des errances, de la cupidité et des agissements coupables de la France. Si ce n’était pas le cas, tout le monde, y compris en France, ne crierait pas “il faut en finir avec la Françafrique!”.
De grâce, un peu de respect pour le choix du peuple, un peu de respect pour les victimes de cette dictature, un peu de respect pour les morts, mais surtout, un peu de respect pour vous-même! Malheureusement, les consciences des uns et des autres peuvent avoir un prix, en revanche la liberté n’en a pas!