« Au Congo Brazzaville, il y a actuellement quelque 80 prisonniers politiques », affirme un collectif de partis politiques et de mouvements de la société civile, qui a déposé, le 11 août dernier, un rapport très documenté auprès du Conseil des droits de l’ONU, à Genève en Suisse. L’un des auteurs de ce rapport, Me Massengo-Tiassé – invité de RFI le 13 septembre dernier -, s’inquiète vivement pour la santé de plusieurs de ces prisonniers. Réponse ce jeudi de Pierre Mabiala, le ministre congolais de la Justice. En ligne de Brazzaville, il répond aux questions de Christophe Boisbouvier.
RFI : Dans un rapport remis au Conseil des droits de l’homme de l’ONU, un collectif de partis politiques et de mouvements de la société civile affirme qu’il y a quelque 80 prisonniers politiques au Congo, que répondez-vous ?
Pierre Mabiala : Au Congo, il n’y a pas de prisonniers politiques. La qualité de responsable de parti politique ne suffit nullement à conférer la qualité de prisonnier politique. Chez nous, au Congo, tout citoyen est lié à la justice de son pays par un serment d’observation de la loi. Et la qualité d’homme politique ne confère aucune immunité juridictionnelle à qui que ce soit.
Parmi ces prisonniers, l’un des plus emblématiques, c’est Paulin Makaya, le président du parti Unis pour le Congo (UPC). Arrêté en novembre 2015, il a été condamné en juillet 2016 à deux ans de prison ferme pour « atteinte à la sûreté intérieure de l’Etat ». Mais quel est son crime ? Est-ce d’avoir été l’une des figures de proue des manifestations de l’an dernier contre le changement de Constitution ?
Mais Paulin Makaya a transgressé la loi pénale congolaise. Paulin Makaya a été parmi les émeutiers du 19-20 octobre 2015. Le procès offrant la possibilité d’exercer les voies de recours, monsieur Paulin Makaya, a relevé appel contre le jugement qui le condamne. Il reste à la cour d’appel de dire le droit en l’espèce.
En fait, ce qu’on reproche à Paulin Makaya, c’est d’être un leader politique. On a voulu faire un exemple ?
Mais pas du tout. La loi congolaise ne fait de distinction entre un homme politique ou un citoyen simple.
Parmi les quelque 80 prisonniers soumis à l’examen du Conseil des droits de l’homme de l’ONU, l’autre cas emblématique, c’est bien sûr le général Jean-Marie Michel Mokoko, l’un des principaux adversaires de Denis Sassou-Nguesso à la présidentielle de mars 2016. Il n’a été arrêté qu’au mois de juin, c’est-à-dire trois mois après le scrutin. Est-ce que malgré de multiples pressions, le général a refusé de reconnaître la victoire de Denis Sassou-Nguesso ?
Pas du tout. Vous savez bien ce que le général a fait, certains faits viennent de la France.
Le général est inculpé pour « atteinte à la sûreté intérieure de l’Etat ». Que lui reproche-t-on précisément ?
Il n’y a pas que cela. Il y a « détention illégale d’armes et munitions de guerre ».
D’accord, mais sur le cas particulier d’« atteinte à la sûreté intérieure de l’Etat », de quoi s’agit-il ?
Il s’agit de la perturbation de l’ordre intérieur établi. Il a pris des contacts séditieux avec un certain nombre de citoyens dont je ne saurais vous dire la nationalité.
Vous parlez de la vidéo enregistrée à Paris en 2007 ?
Il y a cette vidéo et il y a aussi tout récemment également, parce qu’il est en intelligence avec les forces hostiles étrangères.
Et il y a des éléments de preuves dans ce sens ?
Nous le saurons lorsque le juge d’instruction aura terminé son travail.
En août, deux mois après son arrestation, le général Mokoko s’est vu notifier une nouvelle inculpation pour « troubles à l’ordre public ». Pourquoi le parquet a-t-il chargé la barque ? Pour s’assurer qu’il ne puisse pas être mis en liberté provisoire ?
Alors « troubles à l’ordre public » parce que là aussi, il était en connivence avec un certain nombre d’autres citoyens congolais, en l’occurrence Jacques Banangandzala et Jean Ngouabi parce que c’est un autre dossier celui-là. Il y a là donc deux procédures pénales.
Vous parlez de Jean Ngouabi Akondzo qui est en effet un proche du général Mokoko. Lors de son arrestation, il a reçu de violents coups sur la tête. Aujourd’hui, il est en train de perdre la vue. Est-ce qu’il ne serait pas temps d’arrêter son calvaire ?
Mais il ne s’agit peut-être pas d’un calvaire. Le médecin, chef du service médical de la maison d’arrêt, mentionne bien que monsieur Jean Ngouabi a des antécédents de presbytie depuis 26 ans. Donc attention, ne liez pas cela à son arrestation.
Selon son avocat, il voyait avant d’être arrêté et depuis son arrestation, il ne voit plus et il a subi des coups ?
S’il a subi des coups, moi je ne le sais pas.
Autre prisonnier malade, Jacques Banangandzala, l’ancien président du Conseil supérieur de la liberté de communication. Il souffre d’un diabète et il est très mal soigné. Est-ce qu’il n’est pas victime de mauvais traitements ?
Il doit avoir un traitement. Il suffit donc de suivre son traitement.
Vous ne craignez pas d’avoir un jour un prisonnier qui meurt en prison ?
Mais personne ne va mourir en prison. Ils sont suivis. Ils sont très bien suivis. Nous avons un médecin-chef à la maison d’arrêt et la maison carcérale est bien organisée.
Le 4 avril, au lendemain de l’annonce des résultats de la présidentielle, il y a eu des arrestations massives dans le quartier Bacongo de Brazzaville. Que sont devenues ces personnes ?
Il y a eu une information pénale qui s’est ouverte contre cette personne. L’instruction de leur dossier se fait de la manière la plus régulière. C’était justement le forfait commis par monsieur Ntumi [pasteur Frédéric Bintsamou] et ses hommes qui sont actuellement détenus à la maison d’arrêt.
Combien sont-ils aujourd’hui à la maison d’arrêt ?
Une vingtaine. Bientôt, ils vont être jugés pour crimes flagrants.
Ont-ils subi des mauvais traitements ?
Pas du tout. Pourquoi vous ne pensez qu’à ça ?