De passage à Paris puis à Bruxelles, Jean Ping qui se présente comme le « président du Gabon » enchaine les réunions et prépare l’avenir.
“Je ne suis pas ici pour rencontrer les hommes politiques qui ont une vision erronée!” Attablé dans un café parisien, celui que les proches appellent “Monsieur le président” adresse cette petite remarque acerbe à Manuel Valls. Le Premier ministre français en marge d’un déplacement en Côte d’Ivoire, vient d’appeler les acteurs politiques gabonais au “dialogue”. Manière d’installer Ali Bongo Odimba –dont aucun pays occidental n’a reconnu la victoire- dans le fauteuil présidentiel. La réplique cinglante des opposants gabonais ne se fait pas attendre: “que Manuel Valls essaye donc de dialoguer avec Daech”. Plus mesuré, Jean Ping ne cite pas le nom de Valls, mais il n’en pense pas moins.
Il aura d’autres bonnes surprises lors de ce déplacement parisien qui a des allures de campagne. Vendredi 4 novembre, l’ancien ministre gabonais déjeune avec son premier soutien : Jean-Luc Mélenchon. Le Leader de “la France insoumise” était le seul homme politique français présent à la manifestation du 3 septembre dernier au Trocadéro avec l’opposition gabonaise. “On dit toujours que les hommes politiques aiment faire le buzz, mais j’aurais préféré ne pas être le seul à cette manifestation”, confie le député européen qui fait référence à l’embarras de la classe politique française sur la question gabonaise. “Quelles que soient les opinions politiques de M. Ping, il faut accepter l’idée qu’au Gabon ce sont les Gabonais qui décident”, tranche Mélenchon en sortant de sa rencontre avec Ping. “Si vous venez à Libreville, vous serez accueilli par 100.000 personnes à l’aéroport!”, lui répond le “président”.
Applaudi au Sénat et reçu par Claude Bartolone à l’Assemblée Nationale
La veille de cette rencontre, Jean Ping est invité à un colloque organisé au Sénat par l’ex ministre Jean-Marie Bockel. Le patron de l’Union des Démocrates et Indépendants Jean-Christophe Lagarde y prononce un discours vibrant réclamant le départ d’Ali Bongo et appelant le président Hollande à reconnaître la victoire de Jean Ping. Certains baissent la tête, d’autres comme le sénateur Yves Pozzo di Borgo tentent de déminer ce qui ressemble à une attaque en règle contre le régime gabonais.
A la tribune, l’ancien ministre de la Justice d’Ali Bongo prend la parole. Séraphin Moudounga a rejoint l’opposition après avoir fui le Gabon à bord d’un ULM. Il est là pour témoigner du fiasco électoral auquel il a assisté et fustige “l’escroquerie démocratique d’Ali Bongo. Il se fait chaudement applaudir par un public composé d’anciens ministres, de ministres en exercice (André Vallini, Jean-Vincent Placé), de diplomates et d’élus de tous bords. Au Parti socialiste (PS), Ping sera reçu par Arnaud Montebourg puis par le député Olivier Faure. Mais ce n’est pas tout. Le Président de l’Assemblée nationale Claude Bartolone et la présidente de la Commission des Affaires étrangères Elisabeth Guigou reçoivent aujourd’hui mardi 8 novembre le Leader Gabonais. Une belle surprise après une escale à Bruxelles, où il a pu rencontrer le député allemand Jo Leinen (SPD).
Le mauvais traitement réservé par Ali Bongo à la mission d’observation de l’Union européenne a évidemment déplu aux autorités de Bruxelles. Elus et haut-fonctionnaires européens y attendent le rapport final de la mission d’observation dirigée par la députée bulgare Mariya Gabriel. Son contenu déterminera la future ligne de conduite de l’institution européenne.
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Parallèlement, l’équipe des avocats de Jean Ping menée par Me Emmanuel Altit et Me Jennifer Naouri est sur le point de compléter le dossier d’accusation constitué d’une centaine d’attestations et d’autant de témoignages transmis à la Cour pénale internationale (CPI).
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“Le 31 août 2016, des attaques contre les populations civiles non armées ont causé des dizaines de morts au Gabon”, souligne Me Altit, qui veut poursuivre le régime gabonais pour crime contre l’humanité. Ce dernier espère que la procureur de la CPI Fatou Bensouda conduise un examen préliminaire qui permettra le cas échéant l’ouverture d’une enquête judiciaire. Le rapport devrait être remis à la magistrate au moment où sera publié le rapport définitif de la mission d’observation de l’Union européenne. Pour Ping, la voie judiciaire reste la meilleure solution pour sortir le Gabon de la crise qui, dit-il, pourrait à nouveau sombrer dans la violence. L’opposant gabonais a pu se rendre compte, à Paris, à quel point la question gabonaise divise la classe politique et qu’il peut y compter des soutiens de choix. Manque celui de François Hollande. “Il sait que je suis le président élu de la République gabonaise, lui qui a basé toute sa vie sur la démocratie, le respect des droits de l’homme devrait se prononcer clairement pour soutenir la volonté populaire du peuple gabonais.”