Cher confrère et grand frère,
Je vous adresse cette lettre ouverte pour réagir au sujet de votre émission dénommée « La voix des sans voix » diffusée tous les jours de lundi à vendredi sur la radio Universel FM (88.1 FM à Yaoundé et environ) entre 14h et 16h. Si je vous écris c’est parce que hier mardi 8 novembre 2016 comme ce jour 9 novembre 2016, vous avez consacré les éditions de votre émission au communiqué de l’ONG française Comité de Libération des Prisonniers Politiques (CL2P) rendu public le 3 novembre dernier suite à la condamnation de M.Polycarpe Abah Abah à 20 ans de prison ferme par le TCS.
Après avoir écouté l’émission cet après-midi, deux questions ont taraudé mon esprit : pourquoi consacrer plus d’une heure de temps et des émissions entières pour parler du CL2P ? Pourquoi tant d’acharnement sur cette ONG parisienne (dont je suis le point focal au Cameroun) qui n’a fait que voler au secours d’un homme victime comme bien d’autres d’un arbitraire politico-judiciaire depuis bientôt 9 ans ?
Je ne veux surtout pas croire que vous n’agissez pas de votre propre chef (même si vous avez réussi à obtenir je ne sais trop comment la décision du TCS du 13 janvier 2015 le condamnant à 25 ans de prison ferme). Animateur expérimenté et chevronné que vous êtes, je suis convaincu qu’une fois avoir lu le communiqué du CL2P et heurté dans votre sensibilité, vous avez cherché à contredire, après investigations, le contenu de cette réaction du comité parisien.
« NON-REVERSEMENT DE LA TVA AU CREDIT FONCIER » ET NON « DETOURNEMENT DE DENIERS PUBLICS »
Au risque de vous décevoir, je voudrais cependant vous faire savoir qu’il vous sera difficile de démontrer que les décisions du TCS condamnant Abah Abah à 25 ans de prison ferme le 13 janvier 2015 puis à 20 ans de prison ferme récemment s’appuient sur une base légale.
S’agissant de la première condamnation, je vous renvois à l’article 74 (2) et 184 du Code pénal sur le détournement de fonds publics et dites à vos auditeurs en quoi le « non-reversement de la part de TVA dévolue au Crédit foncier » est un détournement de deniers publics au sens de ces dispositions du Code pénal.
En effet (comme je l’ai dis lors de mon intervention téléphonique cet après-midi), le 20 décembre 2003, le Premier Ministre signe un décret qui transforme les comptes de l’administration publique (y compris de la Direction des Impôts) en compte Trésor.
Dès cet instant, le directeur des Impôts ne pouvait mouvementer ce compte qu’après autorisation du ministère de l’Economie et des Finances. Mais M. Abah Abah n’a pas eu cette autorisation pour payer le Crédit foncier jusqu’à sa nomination en décembre 2004 comme ministre de l’Economie et des Finances.
Par ailleurs, après le décret du 20 décembre 2003, tous les soldes des comptes de la direction des Impôts ont été reversés au Trésor Public. Comment peut-on condamner Abah Abah pour le détournement de 4,9 milliards de F CFA reversés au Trésor public ?
ABAH ABAH PAYE POUR UNE ERREUR DE LA CBC
Pour la condamnation récente à 20 ans de prison ferme, c’est une affaire simple. Un agent de la CBC remet à un collaborateur de Polycarpe Abah Abah le chéquier personnel de ce dernier plutôt que celui du compte « Remboursement de la TVA ». Abah Abah le constate lors de la cérémonie de remise de 40 chèques aux bénéficiaires des crédits TVA le 28 avril 2000.
Il envoit une lettre d’opposition à la banque et appelle le chef de l’agence CBC-Yaoundé pour arrêter les paiements. La banque s’excuse, promet de rectifier le tir mais dit qu’elle ne peut pas arrêter les paiements pour ne pas pénaliser les bénéficiaires. Elle décide donc d’elle-même de déplacer 1 158 352 393 F du compte remboursement TVA pour celui de Polycarpe Abah Abah le 5 mai 2000.
Comme convenu avec Polycarpe Abah Abah, la CBC a extourné (retiré) ce virement le 8 mai 2000 (date de valeur de l’opération) de son compte perso pour le reverser dans le compte de la direction des Impôts. Les services comptables de la CBC ont signé 40 tickets comptables qui prouvent que les paiements effectués sur son compte ont été extournés et reversés dans le compte de la Direction des Impôts. Tous les titulaires des 40 chèques (y compris la Direction du Trésor) ont été payés.
POLEMIQUE INUTILE SUR LA « FORTUNE » D’ABAH ABAH
Non-content de toutes ces explications que j’ai mis à votre disposition, vous vous êtes lancé dans un exercice ayant consisté à égrener une litanie de biens dont serait propriétaire Polycarpe Abah Abah en vous appuyant sur le jugement du TCS du 13 janvier 2015.
D’abord, je n’arrive pas à comprendre cette polémique sur la prétendue fortune de M. Abah Abah pour un homme qui a exercé pendant plus de 20 ans au sein de l’administration fiscale et au conseil d’administration de la SNH ainsi que comme expert UDEAC (aujourd’hui CEMAC) et membre de la Commission nationale des marchés publics. Devrait-on en être surpris au regard des primes de rendement annuel que perçoit un directeur des Impôts ? Quelle est la loi qui interdit à un fonctionnaire de s’offrir un certain standard de vie ?
Pour revenir sur les fameux 29 immeubles d’Abah Abah, selon le TCS, il s’agit en réalité d’un terrain nu morcelé en près d’une trentaine de titres fonciers (un terrain titré est l’équivalent d’un immeuble) dont M. Abah Abah se sert dans son village aux fins d’exploitations agricoles. En plus de cela, M.Abah Abah possède un appartement au camp SIC Mendong, deux autres au camp SIC Mfandena, une résidence à Efoulan, une mini-cité à Soa, une résidence à Odza, une maison dans son village à Meyila par Zoetélé.
A PROPOS DES TOURS JUMELLES DE BALI A DOUALA
Pendant l’émission qui s’est voulue interactive, un auditeur a attribué les fameuses « tours jumelles » de Nkogmondo-Bali à M.Abah Abah. Ce qui est archi-faux. Cet immeuble appartient à une dame propriétaire d’un hôtel situé au carrefour Tropicana au prénom de Xaviera, épouse d’un homme d’affaires français.
C’est au cours d’une perquisition ordonnée dans cet immeuble au début des ennuis judiciaires d’Abah Abah qu’Amadou Ali a fait croire, à travers certains journaux à sa solde à l’époque, que cet immeuble appartenait à Abah Abah. Les OPJ chargés de la perquisition vont y trouver Xaviera qui va les éconduire en leur disant que c’est son immeuble.
Voila, cher confrère, ce qu’il faut retenir de M.Abah Abah, loin des ragots répandus au sein de l’opinion par des individus tapis au sommet de l’Etat pour les besoins de la cause, loin de toutes ces condamnations à caractère politique. Puisque vous avez promis de revenir au cours de votre prochaine émission, j’espère pouvoir disposer de temps pour vous apporter plus d’éclaircissements sur cette affaire.
Cordialement
Michel Biem Tong
Cyber-journaliste
Responsable du journal en ligne d’actualité des droits de l’homme hurinews.com
Point focal au Cameroun du Comité de libération des prisonniers politiques