Puisque chacun possède son “Monsieur Afrique”, interlocuteur attitré des roitelets de l’ancien pré-carré français, qu’il faut rassurer du maintien de indéfectible soutien de la France à leurs dictatures en cas de changement à l’Élysée, en échange – tout le monde l’aura aussi compris – de “cadeaux” non avouables et surtout non traçables.
C’est précisément cette relation incestueuse et infantilisante dont les Peuples d’Afrique n’en veulent plus !
Joël Didier Engo, Président du CL2P
[spacer style="1"]
Décryptage
L’Afrique, grande absente de la primaire de la droite
Lors du débat du second tour de la primaire de la droite, François Fillon et Alain Juppé n’ont jamais évoqué les relations de la France avec le continent.
Par Cyril Bensimon – LE MONDE
Les enjeux de l’Afrique n’ont manifestement pas passionné les candidats à la primaire de la droite. La relation à la Russie de Vladimir Poutine, à l’Amérique de Donald Trump, les tumultes du Moyen-Orient ont fait l’objet d’âpres débats, mais l’Afrique est passée sous leurs radars. La France y dispose pourtant de sérieux engagements, et la droite de vieux réseaux.
Le désintérêt n’est cependant pas toujours réciproque. Dès les résultats du premier tour connu, des commentaires acerbes en provenance du continent ont fleuri sur les réseaux sociaux. Première victime : Nicolas Sarkozy. Dans la foulée de son élimination et de son discours laissant supposer son abandon de la vie politique, l’ancien président est « sorti de l’Histoire », ont raillé nombre d’internautes. Le discours prononcé en 2007 à Dakar, où M. Sarkozy avait jugé que « l’homme africain n’est pas assez entré dans l’Histoire » est devenu avec le temps une sorte d’archétype d’une certaine suffisance française, toujours prête à donner des leçons à ses anciens colonisés sans jamais revenir sur ses propres fautes.
« Pure invention »
A ce sujet, François Fillon enregistre, à son passif, deux propos qui, eux aussi, ont pu marquer les consciences. En contradiction avec les travaux effectués par des historiens sur la répression menée par l’armée française puis sous son encadrement contre les indépendantistes camerounais de l’UPC au tournant des années 1960, le premier ministre d’alors avait assené en 2009 à Yaoundé : « Tout cela est de la pure invention. »
Quatre ans plus tard, en 2013, François Hollande avait pris son contre-pied, reconnaissant « qu’il y a eu des épisodes tragiques dans l’Histoire. Il y a eu une répression dans la Sanaga-Maritime en pays Bamiléké. » M. Fillon n’est donc pas un adepte de la repentance et, le 28 août, il avait donné sa perception de la colonisation : « Non, la France n’est pas coupable d’avoir voulu faire partager sa culture aux peuples d’Afrique, d’Asie et d’Amérique du Nord. » Et de conclure : « Pourquoi devrions-nous nous en excuser ? » « C’est choquant !, réagit depuis Dakar Gilles Yabi, le fondateur du cercle de réflexion Wathi. Plus encore quand tout ce qui vient convoquer la responsabilité de la France est si bien accueilli par toute une partie de la jeunesse africaine. Cela démontre que la ligne politique de Fillon n’est pas différente de celle de Sarkozy. »
Dans une tribune publiée dans Le Monde du vendredi 25 novembre, M. Fillon, qui ne dispose d’« aucun réseau sur le continent » à en croire un diplomate marqué à droite, s’est fendu d’une appréciation convenue, décrivant l’Afrique comme « continent d’avenir ».
« Un partenariat d’égal à égal »
Plus inspiré, Alain Juppé estime, lui, que c’est en Afrique, « ce continent jeune qui vit des mutations d’une extraordinaire intensité et dont dépend le destin de notre langue », que se joue une partie de « l’avenir du monde ». Deux fois ministres des affaires étrangères, le maire de Bordeaux est un habitué du continent africain. Il y a ses réseaux. Son adjoint à la mairie, le Franco-Camerounais Pierre de Gaétan Njikam Mouliom lui a ouvert son carnet d’adresses. Ancien comptoir négrier, Bordeaux a organisé cette année les 4es Journées nationales des diasporas africaines. Dans un entretien accordé au Monde et à RFI, M. Juppé plaidait pour « un partenariat d’égal à égal avec le continent », considérant que Paris n’a pas à peser sur les choix politiques des Africains et qu’« il faut privilégier l’investissement et le commerce plutôt que l’aide ».
Reste dans son histoire politique un dossier africain qui continue de faire polémique : le Rwanda. Malgré les ambiguïtés de la France et les critiques sur son soutien au régime génocidaire de Kigali, Alain Juppé, chef de la diplomatie au moment des faits en 1994, a toujours défendu l’opération « Turquoise ». « Elle est à l’honneur de la France », martelait-il encore il y a quelques semaines. Paul Kagamé, le président rwandais, qui ne manque pas une occasion d’épingler la France, a menacé de couper les relations diplomatiques, déjà exécrables, avec Paris si Alain Juppé accédait à l’Elysée.
Cyril Bensimon