A une semaine de la fin officielle du mandat de Joseph Kabila, l’Union européenne (UE) et les États-Unis ont tous deux infligé, lundi 12 décembre, une série de sanctions à de hauts responsables de l’appareil sécuritaire de la République démocratique du Congo (RDC), accusés de violences ou d’entrave au processus électoral. Avec une différence de cible : les Etats-Unis visent désormais des personnages de haut rang, alors que l’Europe, de son propre aveu, a évité de sanctionner des responsables politiques de premier ordre.
Lire aussi : L’Eglise congolaise tente la médiation de la dernière chance à Kinshasa
Les sanctions financières du Trésor américain – gel des avoirs aux États-Unis et interdiction de mener des transactions avec les sanctionnés – visent en effet deux personnalités centrales du pouvoir en RDC. Il s’agit du vice-premier ministre et ministre de l’intérieur du gouvernement sortant, Evariste Boshab et du chef de l’Agence nationale de renseignement (ANR), Kalev Mutondo, tous deux accusés de « saper le processus démocratique » en RDC.
Achat de députés
Selon le Trésor américain, M. Boshab est « un acteur clé dans la stratégie de maintien au pouvoir du président Kabila après le 19 décembre 2016 ». Il lui est notamment reproché d’avoir tenté d’acheter des députés en vue de prolonger le mandat du chef de l’Etat. Kalev Mutondo est quant à lui accusé d’avoir « soutenu la neutralisation des manifestations de l’opposition, des arrestations extrajudiciaires de membres de l’opposition, dont beaucoup ont été torturés ». Selon Washington, il pourrait également être lié à des « exportations illégales de minerais ».
Lire aussi : Kinshasa va-t-elle exploser le 19 décembre ?
Ces nouvelles sanctions complètent la « liste noire » américaine, où ont déjà été inscrits cette année des hauts responsables de l’armée et de la police congolaise : Gabriel Amisi Kuma, Célestin Kanyama et John Numbi. Trois noms qui sont aussi depuis lundi dans le collimateur de l’UE.
A Bruxelles, en vertu d’une décision des 28 ministres des affaires étrangères de l’UE, sept responsables sécuritaires congolais en tout se retrouvent désormais interdits de séjour et avec des comptes bancaires gelés dans l’Union.
Une première pour l’UE
C’est la première fois que l’UE accuse explicitement des proches de Joseph Kabila, mis en cause principalement pour la répression meurtrière des manifestations d’opposants à Kinshasa les 19 et 20 septembre. Ces violences ont fait une cinquantaine de morts.
Sont visés par les mesures européennes « quatre membres de la garde républicaine, de l’armée ou de la police congolaise », auxquels sont imputées « de graves violations des droits de l’homme » les 19 et 20 septembre, a souligné dans un communiqué le Conseil de l’UE, qui représente les Vingt-Huit. Il s’agit d’Ilunga Kampete, Gabriel Amisi Kumba, Ferdinand Ilunga Luyoyo et Célestin Kanyama.
Lire aussi : Le « Macron congolais », lui, reste fidèle à son président Joseph Kabila
Vient ensuite un autre groupe où figurent John Numbi, Roger Kibelisa et Delphin Kaimbi, à qui il est reproché de « faire obstacle » à la tenue d’élections « notamment par des actes de violence, de répression ou d’incitation à la violence ».
« Nous avons ciblé délibérément des numéros deux. Ces sanctions sont un avertissement pour mettre la pression sur les autorités afin d’amener à une sortie de crise. Nous ne voulions pas couper les ponts avec les plus hauts dirigeants du pays », souffle au Monde une source officielle à Bruxelles.
Tous ces individus sont sanctionnés au moment où des négociations, considérées comme celles de la dernière chance, sont menées sous l’égide de la Conférence épiscopale nationale du Congo (Cenco), pour trouver un accord sur une transition politique jusqu’à l’élection du successeur du président.
Ces sanctions « sont illégales, car elles procèdent d’une sorte de droit impérial qui est aux antipodes du droit international », a immédiatement réagi auprès de l’AFP le porte-parole du gouvernement congolais, Lambert Mende, en promettant des suites judiciaires.
La France craint une escalade de la violence
Joseph Kabila, au pouvoir depuis 2001, ne donne aucun signe de vouloir en partir, alors que la Constitution lui interdit de se représenter. Le 20 décembre marque la fin de son mandat, mais l’élection présidentielle n’aura pas lieu cette année comme initialement prévu, ce que l’opposition dénonce depuis des mois.
Dans leurs conclusions, les vingt-huit ministres européens assurent que « l’UE suivra avec une attention accrue l’évolution politique cruciale que connaîtra la RDC dans les prochaines semaines (…) Des mesures restrictives supplémentaires pourront être envisagées en cas d’obstruction du processus politique ou de nouvelles violences ».
« Nous craignons vraiment une escalade de la violence », a fait valoir lundi le chef de la diplomatie française Jean-Marc Ayrault, estimant que M. Kabila avait une responsabilité particulière pour éviter ce scénario. « Ça dépend beaucoup des décisions qu’[il] sera amené à prendre dans les prochains jours, c’est-à-dire le respect de sa Constitution, l’engagement à ne pas se représenter et tout faire pour organiser de nouvelles élections », a ajouté le ministre français des affaires étrangères.
Didier Reynders, son homologue belge, a assuré qu’au-delà des sanctions liées aux violences de septembre, l’UE voulait aussi marquer son « soutien au dialogue inclusif de la Cenco pour aller aux élections ».
Par Cyril Bensimon Le Monde.fr avec AFP