Après 6 mois jour pour jour de sa sortie de prison, Me Lydienne Yen Eyoum vous adresse le message suivant:
«Mes chers amis,
6 mois déjà depuis le 04 juillet 2016, jour de ma libération, my freedom day !
Là-bas dans l’autre monde de pleurs, de souffrances et de douleurs, de solitude malgré l’extrême promiscuité, il s’est passé 2367 jours et chaque année qui s’achevait s’ajoutait aux précédentes et la nouvelle arrivait, plus lourde encore et je me disais : « surtout ne pas compter ! » mais je savais que je me mentirais à moi-même et c’eut été la pire des choses.
Alors j’allais au fond de moi pour puiser encore et encore l’énergie nécessaire pour résister et rester debout.
Cette force c’est vous qui me l’avez insufflée par votre soutien, votre persévérance, votre courage, votre confiance, votre amour, votre amitié, votre empathie, votre bienveillance, votre dévouement et votre fidélité.
Sans vous ma famille, qui a arpenté les routes dangereuses à pieds, en voiture, par train et par tous les temps de Douala à Yaoundé, de Yaoundé à Kondengui tous les jours pour me réconforter, me donner à manger, à boire, le nécessaire pour me laver, me soigner, me permettre de préparer mes dossiers et qui même à distance êtes restée présente et confiante, sans jamais douter, je n’aurais pas eu la force de me battre.
Sans vous mes amis, qui braviez tous les obstacles et pas des moindres pour parvenir jusqu’à moi, en vous retenant de pleurer, je n’aurais pas pu m’accrocher.
Sans vous mes anges gardiens, mes petites fées, mes reines des sables et des fourmis laborieuses, mes grandes et belles tours de contrôles je n’y serais pas parvenue.
Sans vous, mes avocats et conseils qui avez porté mon combat pour la vérité, pour ma liberté et mon honneur remuant ciel et terre, gravissant les montagnes pour me sortir de ce trou qui semblait sans fin et inhospitalier, je n’aurais pas pu trouver la force de remonter à la surface.
Sans vous, mes confrères des Barreaux de France et d’Europe et toutes les organisations internationales d’avocats ainsi que les organismes nationaux et internationaux de défenses des droits de l’homme et des libertés, je ne serais pas restée debout et fière d’être avocate, le plus beau métier du monde….
Sans vous, mes consœurs, mes chères sœurs, mes confrères, mes chers frères, membres du Barreau du Cameroun, de Paris et de Genève qui par votre présence quotidienne avez courageusement assumé nos liens et n’avez à aucun moment même les pires, renoncé à vous tenir à mes côtés et à afficher votre soutien et votre confiance, je n’aurais pas tenu.
Sans vous mes amis du Comité de soutien, courageux, persévérants pour démontrer, expliquer la vérité simple, rendue complexe par la force des choses et la volonté des procureurs de tous bords, dans un environnement rendu hostile pour les besoins de la cause, une grande partie de l’opinion sincère, n’aurait pas compris l’injustice de ma situation.
Sans vous , les journalistes que j’ai surnommé « les sauveurs de vie » parce que par votre intérêt pour la vérité et l’information, vous m’avez approché, les miens, les institutions, vous êtes venus parfois de très loin, souvent incognito pour me voir, vous avez enquêté, vous avez alerté l’opinion nationale et internationale à travers les plus illustres organes de presse et partant les politiques, les parlementaires, les gouvernements français et camerounais et leur diplomatie jusqu’à leurs sommets, vous avez parfois posé les questions qui fâchent car toujours pertinentes et celle en or, adressée aux deux présidents Hollande et Biya, au cours de la conférence de presse du 05 juillet 2015. Sans cela je serais effondrée et encore emprisonnée.
Sans vous les prisonniers de Kondengui, que je surnommais mes filles et mes fils, qui m’avez apporté toute la logistique de survie nécessaire dans ce véritable camp de concentration, tant pour s’asseoir, fabriquer sa couchette que les prisonniers appellent avec beaucoup d’humour « mandat de dépôt » lorsqu’on peut se le payer et trouver un petit espace pour se coucher, tant pour puiser de l’eau, faire sa toilette, préserver son hygiène, s’éclairer d’une ampoule, se protéger des agressions de toutes sorte, respirer tout simplement, je n’en serais pas sortie vivante et en entier.
Pour cela j’ai une pensée triste pour celui que j’avais surnommé Freedom, mort empoisonné quelques jours seulement avant ma libération et tous les autres compagnons de misères dont je ne citerai qu’un seul ici, le ministre Henri Engoulou qui n’ont pas survécu à cette prison.
Je voudrais vous dire qu’on ne laisse pas derrière soi autant de souffrance sans y penser, s’en être hantée par elle, sans le désir et la volonté d’aider ceux qui souffrent comme on a souffert soi-même. Alors tenez bon ! Accrochez- vous et continuez le combat pour vos droits et pour la vie. Je ne vous oublie pas, tout comme ceux des gardiens et membres de l’administration pénitentiaire qui en dépit de tout se montrent humains envers les prisonniers.
Sans vous enfin, les très nombreux lecteurs du « groupe de soutien de Me Lydienne Yen Eyoum » sur Facebook, ceux qui aiment, ceux qui partagent, ceux qui commentent ou qui se contentent simplement de lire et de s’informer,cette page Facebook n’aurait pas eu un tel impact.
Vous serez surpris de savoir que j’ai cherché dans tous les dictionnaires le mot assez fort, assez puissant et profond pour vous dire ma gratitude et qu’à la fin le seul que j’ai retenu est le plus simple et s’écrit en 5 petites lettres : merci.
Merci pour tout!
Merci du plus profond de mon cœur car c’est grâce à vous tous que je suis libre et que j’ai retrouvé mon identité, mon honneur et ma dignité, ce pourquoi je me suis battue de toutes mes forces.
Une page s’est fermée, sans amertume ni esprit de revanche, mais avec bonheur et espérance!
Une autre s’entrouvre parce qu’elle a vocation à s’écrire, parce que la lumière éclaire toujours l’obscurité, et que même si les erreurs judiciaires sont difficiles à admettre par ceux qui en sont responsables, la vérité, immuable, finit par surgir.
A tous ceux qui ont souffert, qui ont subi la perte d’un être cher ou ont été meurtris par la maladie, je dis ayez confiance en l’avenir, en la vie!
Alors prenez soin de vous et de vos proches.
Bonne et heureuse année 2017»