Le raidissement des positions observé dans la crise qui secoue les Régions du Nord-Ouest et du Sud-ouest de notre pays nous dicte le présent appel à la retenue, au rejet des provocations et aux dérives, à l’escalade de la violence, à la création des conditions de l’instauration de la confiance préalable à un dialogue républicain apaisé et patriotique.
Le Mouvement pour la Renaissance du Cameroun (MRC) regrette profondément l’échec des laborieuses discussions péniblement ouvertes entre le Gouvernement et les leaders anglophones dans la crise en cours dans les Régions du Nord-Ouest et du Sud-ouest. Cet échec, qui a été sanctionné, le mardi 17 janvier 2017, par l’interdiction de la Cameroon Anglophone Civil Society Consortium (CACSC) et de la Southern Cameroons National Council (SCNC), et l’adoption par le porte-parole du Gouvernement d’un ton guerrier fait redouter une montée de la violence dans ces deux Régions de notre pays. En effet, la nouvelle posture du Gouvernement fait courir un risque réel à la paix et l’unité nationale.
D’un autre côté, l’agitation du spectre de la sécession ne créé pas un climat propice au dialogue. Pour des raisons tenant à notre histoire nationale qu’il convient de ne jamais perdre de vue, chacun sait que l’option sécessionniste est simplement inacceptable. On présente la revendication du fédéralisme dans la confusion avec cette idée de sécession. J’ai la conviction qu’une large majorité des Camerounais, anglophones et francophones qui observent le silence, ne seraient pas favorables à un retour pure et simple de notre pays à la situation de 1961. Un peuple, une nation, n’écrit pas son histoire à reculons. Néanmoins, je crois qu’il est bon, dans un contexte effervescent et volatile comme celui qui règne à l’heure actuelle, de convenir que les différentes options soient au menu du dialogue. Il nous faut clarifier les problèmes et rechercher ensemble, de façon patriotique et dans le respect des uns et des autres, les solutions adéquates pour les résoudre durablement. On ne devra pas perdre de vue que sur une question comme la forme de l’Etat, politiquement aussi sensible pour des raisons historiques propres à notre pays, la décision ultime appartient au peuple camerounais, parce qu’une telle décision peut affecter le vivre ensemble et notre avenir commun.
Dans l’effort engagé en vue de résoudre la crise, l’invocation par le Gouvernement de la loi anti-terroriste concomitamment à l’échec des négociations avec les protagonistes de la partie anglophone est incohérente. En effet, agir de la sorte revient pour le Gouvernement à dire que des personnes avec qui il discute officiellement depuis plusieurs semaines sont des terroristes; c’est aussi un aveu d’impuissance, car une telle posture montre que face à la difficulté, le Gouvernement a choisi la fuite en avant à travers le recours à la violence multiforme. Le MRC s’inquiète de cette instrumentalisation politique de la loi anti-terroriste contre lequel il s’était élevé fermement et avait mis en garde le peuple camerounais dès son adoption en 2015; car il avait bien vu que derrière cette fameuse loi, se cachait une volonté de s’en servir pour caporaliser la société. Ceux qui en doutaient en ont désormais la preuve.
S’agissant du problème anglophone, le MRC est la première, et à vrai dire, la seule organisation politique du pays à l’avoir identifié et reconnu comme tel: il l’avait inscrit dans son projet de société dès son lancement en août 2012 et déclaré clairement que ce problème ne pouvait être résolu que dans le cadre d’un dialogue républicain. Cette question dont le RDPC et le Gouvernement n’ont jusqu’ici pas officiellement admis l’existence est, en raison du fait qu’il touche au vivre ensemble dans notre pays, un authentique problème politique.
Lors de son meeting du 25 juin 2016 à Bamenda, notre parti a réaffirmé l’existence de ce problème et réitéré la voie du dialogue, en soulignant l’importance de sa résolution pour l’enracinement d’un sentiment national partagé par tous, ainsi que pour l’unité et la concorde nationales. Cette exhortation a été réitérée lors de notre meeting tenu à Ngaoundéré, le 10 décembre 2016, alors que la crise commençait à prendre une tournure préoccupante. Malheureusement, nous n’avons pas été entendus.
La crise politique profonde qui secoue les Régions du Sud-ouest et du Nord-ouest étale l’ampleur de la crise de confiance entre les élites anglophones du RDPC, qui sont présentes à tous les niveaux de l’État, tant en ce qui concerne les postes électifs que les postes ministériels et administratifs, et les populations de ces deux régions. Les nombreuses personnes tuées ou blessées par les forces de maintien de l’ordre, notamment après la scandaleuse provocation du RDPC du 8 décembre 2016 à Bamenda, la torture et les traitements cruels inhumains et dégradants infligés à des étudiants et autres jeunes tirés de leurs logements, principalement à Buéa, et l’absence de résultats dans l’enquête ordonnée à la suite de ces actes indignes de notre pays ont ruiné toute confiance entre le Gouvernement et les nouveaux leaders légitimes des populations des deux Régions anglophones.
C’est en considération de cette situation peu propice à un dialogue constructif que j’ai donné la position du MRC, au cours de notre meeting du 10 décembre 2016 à Ngaoundéré.
Après avoir souligné avec force que la sécession ne saurait être la solution au problème anglophone, j’ai proposé au Gouvernement la mise en place d’un groupe de personnalités de différents bords politiques, d’autorités traditionnelles, de leaders religieux et de membres de la société civile, constitué en une Délégation.
Cette Délégation aurait pour mission de se rendre dans les Régions anglophones du pays pour essayer d’apaiser la situation et préparer le terrain à un dialogue républicain dont le Chef de l’Etat devrait organiser le cadre. Il s’agit en somme d’une démarche en deux temps. D’abord, le temps de l’apaisement par un geste à la fois politique et symbolique, conforme à nos traditions, qui permettra de restaurer la confiance, car il devra comporter un certain nombre de mesures de désescalade qui aideront à détendre le climat qui prévaut actuellement. Puis, le temps du dialogue, faisant appel au patriotisme et à un sens élevé des responsabilités des parties qui seront impliquées dans les discussions républicaines qui s’imposent. J’insiste sur le fait que pour être productif, le dialogue dans un tel contexte doit être précédé par de véritables mesures de confiance.
Je réitère cette proposition au Gouvernement, ceci d’autant plus qu’il n’y a pas d’alternative au dialogue dans cette crise politique qui tourne progressivement en un drame national. A cet égard, je fais ici état, à l’intention du Gouvernement ainsi qu’à celle de ses interlocuteurs anglophones dans cette crise, de mon entière disponibilité, au service de la Nation et de son Unité, lesquelles avaient dicté aux pères de la Réunification leur choix sage et patriotique.
Dans la recherche de la solution à cette situation qui peut mettre en péril l’unité nationale, le président de la République ne doit pas céder aux faucons de son camp politique, notamment à certains responsables politiques francophones discrédités et aux élites anglophones du RDPC publiquement désavouées, qui ruminent leur rage et rêvent de revanche sur les populations et leurs nouveaux légitimes leaders.
La situation politique et sécuritaire dans les deux régions est préoccupante. Leur militarisation et les arrestations de ceux avec qui le Gouvernement discutait hier encore ne résoudront pas la crise.
De leur côté, les leaders des populations des deux régions anglophones doivent condamner fermement les dérives violentes contre les personnes et les atteintes aux biens, qu’ils soient publics ou privés. Il est insoutenable et par conséquent inacceptable de voir un écolier bastonné pour avoir osé prendre le chemin de l’école, des élèves chassés des classes par des individus incontrôlables.
L’urgence de la recherche d’une solution politique pertinente à la crise ne laisse de place ni aux grandiloquents « temps du président », ni aux dommageables « silences présidentiels ». Le président de la République, dont le rôle est central dans la résolution de cette grave crise en raison de ses attributions constitutionnelles, ne doit pas perdre de vue que l’absence de la mise en place des Régions depuis 20 ans, notamment des Conseils régionaux prévus par la Constitution du 18 janvier 1996, est incontestablement une des causes majeures de la résurgence brutale de ce problème anglophone. A la vérité, le régionalisme introduit dans cette Constitution de 1996 fut une sorte de compromis entre les thèses qui étaient alors en présence sur la forme de l’Etat.
Le MRC appelle le Gouvernement, les forces de maintien de l’ordre, les populations du Nord-ouest et du Sud-ouest et leurs nouveaux leaders légitimes au rejet des provocations et des dérives violentes, au sens élevé des responsabilités et à l’esprit patriotique qui doivent animer et animent, j’en suis convaincu, les uns et les autres, frères et sœurs de sang et citoyens égaux dans la République au sein de laquelle chaque composante de la Nation doit trouver toute sa place. Assez de sang versé ! Assez de larmes coulées dans notre Maison commune ! Nous avons une seule patrie qui nous est chère à nous tous. La colère légitime et les maladresses arrogantes ne doivent pas la détruire. Il n’y a rien que nous ne puissions régler entre Camerounais !
Le Président National du MRC
Pr. Maurice KAMTO.
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Crisis in Anglophone regions
Call for patriotism and the sense of republican responsibilities.
The hardening of positions observed in the crisis that is shaking the Northwest and South-Western Regions of our country dictates the present call for restraint, rejection of provocations and diversion, escalation of violence, putting in place of conditions for the establishment of trust before a peaceful and patriotic republican dialogue.
The Cameroon Renaissance Movement deeply regrets the failure of the laborious discussions painfully started between the Government and Anglophone leaders in the current crisis in the Northwest and Southwest Regions. This failure, that culminated on Tuesday, January 17th, 2017, in the ban of the Cameroon Anglophone Civil Society Consortium (CACSC) and the Southern Cameroons National Council (SCNC), and the adoption by the spokesman of the Government of a warlike tone, dreads a rise in violence in these two regions of our country. Indeed, the new posture of the Government poses a real risk to peace and national unity.
On the other hand, the agitation of the spectre of secession does not create a climate conducive to dialogue. For reasons related to our national history that we must never forget, everyone knows that the secessionist option is simply unacceptable. The claim of federalism is presented in confusion with this idea of secession. I am convinced that a large majority of Anglophone and francophone Cameroonians who are silent will not be in favour of a pure return of our country to the situation of 1961; A people, a nation, does not write its history backwards. Nevertheless, I think it is good, in an effervescent and evanescent context like the one that prevails at the moment, to agree that various options be on the dialogue table. We need to clarify problems and seek together, in a patriotic way and with respect for each other, appropriate solutions to resolve them in the long term. We must not forget the fact that on a question such as the form of the State, which is politically so sensitive for historical reasons peculiar to our country, the ultimate decision belongs to the Cameroonian people because such a decision can affect our living-together and our common future.
In an effort to resolve the crisis, the Government’s use of the anti-terrorist law as a consequence of the failure of negotiations with the protagonists of the Anglophone regions is inconsistent.
Indeed, doing that means that the people with whom the government has been officially discussing for several weeks are terrorists; It is also a confession of powerlessness, for such a posture shows that faced with the difficulty, the Government has chosen to forge ahead through the use of multiform violence. The CRM is concerned about this political instrumentalisation of the anti-terrorist law against which it had stood firmly and warned the Cameroonian people as soon as it was adopted in 2015; For it had clearly seen that behind this famous law was concealed a desire to make use of it in order to control society. Those who doubted it now have proof of this.
As far as the Anglophone problem is concerned, the CRM is the first and, indeed, the only political organization in the country to have identified it and recognized it as such: it had included it in its political plan right from its launch in August 2012 and made it clear that this problem could only be solved through a republican dialogue. This question, which the CPDM and the Government have so far not officially acknowledged is a genuine political problem because of the fact that it affects our living-together in this country.
At its meeting on June 25th 2016 in Bamenda, our party reaffirmed the existence of this problem and reiterated the path of dialogue, stressing the importance of its resolution for the establishment of a national sentiment shared by all, and for national unity and concord. This exhortation was reiterated at our meeting held in N’Gaoundéré on December 10th 2016, when the crisis began to take a disturbing turn. Unfortunately, we were not heard.
The deep political crisis in the South West and Northwest Regions shows how serious is the distrust between the Anglophone elites of the CPDM who are present at all levels of government, elective positions as ministerial and administrative posts, and the populations of these two regions.
The many people killed or injured by law enforcement officials, including the scandalous provocation of the CPDM of 8 December 2016 in Bamenda, torture and cruel, inhuman and degrading treatment of students and other young people pulled from their homes, mainly in Buea, and the lack of results in the investigation ordered as a consequence of these acts unworthy of our country have ruined any trust between the Government and the new legitimate leaders of populations of the two Anglophone Regions.
It is in view of this situation, which was not conducive to constructive dialogue, that I gave the position of the CRM during our meeting on 10 December 2016 in N’Gaoundéré.
After having strongly emphasized that secession cannot be the solution to the Anglophone problem, I proposed to the Government the establishment of a group of personalities from different political backgrounds, traditional authorities, religious leaders and the civil society, constituted in a Delegation.
The Delegation’s mission would be to visit the Anglophone regions of the country to try to calm the situation and prepare the ground for a republican dialogue which the Head of State should organize the framework. In short, this is a two-step process. First, the time of appeasement by a gesture that is both political and symbolic, in keeping with our traditions, which will restore confidence, because it will have to include a number of de-escalation measures that will help cool down the prevailing climate. Then, the time for dialogue, calling on the patriotism and the high sense of responsibilities of the parties involved in the necessary republican discussions. I emphasize that in order to be productive, dialogue in such a context must be preceded by genuine confidence-building measures.
I reiterate this proposal to the Government, especially since there is no alternative to dialogue in this serious political crisis. In this connection, I hereby point out to the Government and the Anglophone representatives in this crisis, that I am available to serve the Nation and its Unity, which have dictated their wise and patriotic choice to the fathers of Reunification.
In the search for a solution to this situation, which could jeopardize national unity, the President of the Republic must not give in to the warlike people of his political camp, in particular to certain discredited francophone politicians and the Anglophone elites of the CPDM publicly rejected, who are pondering on their failure and dream of revenge on the populations and their new legitimate leaders.
The political and security situation in both regions is worrying. Their militarization and the arrests of those with whom the Government had been discussing would not solve the crisis.
For their part, the leaders of the populations of the two Anglophone regions must firmly condemn violent abuses against people and attacks on property, whether public or private. It is unbearable, and therefore unacceptable, to see a pupil beaten for having dared to go to school, students chased from classrooms by uncontrollable individuals.
The urgency of finding a political solution relevant to the crisis leaves no room for the grandiloquent “time of the president” nor for the damaging “presidential silence”. The President of the Republic, whose role is central to resolving this serious crisis because of his constitutional powers, must not forget the fact that the absence of the Regions for 20 years, in particular of Regional Councils provided for by the Constitution of 18 January 1996, is undoubtedly one of the major causes of the sudden resurgence of this Anglophone problem. In fact, the regionalism introduced in the 1996 Constitution was a sort of compromise between the then prevailing opinions on the form of the State.
The CRM calls on the Government, security forces, the people of the north-west and south-west and their new legitimate leaders to reject provocations and violent excesses; the high sense of responsibility and the sense of patriotism present, I am convinced, in brothers and sisters of blood and equal citizens in the Republic, within which each component of the nation must find its full place. Enough bloodshed! Enough tears in our Common House! We have a single homeland that is dear to all of us. Legitimate anger and arrogant mistakes must not destroy it. There is nothing that we cannot agree on between Cameroonians!
National National President
Maurice KAMTO.