APE: LE CAMEROUN PERD 220 MILLIONS EN CINQ (05) MOIS
Libre échangiste dans l’âme, je suis toujours surpris par cet instinct protectionniste qui s’empare des plus grands bénéficiaires du déséquilibre économique mondial dès qu’un autre “grand” partenaire leur propose un partenariat équitable.
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Que diraient donc ces millions d’Africains et singulièrement leurs opérateurs économiques qui devront subir les effets dévastateurs des Accords de partenariat économique (APE) littéralement imposés à leurs pays par les mêmes dirigeants réfractaires au traité de libre-échange entre le Canada et l’Union européenne (CETA) en Europe, alors que ce dernier est d’abord le fruit d’une longue négociation entre égaux? Là où les APE ne sont que la contrepartie offerte par les dictateurs africains pour leur “légitimation” par les institutions européennes.
Dans une économie mondiale ouverte, ne soyons pas des libre échangistes à géométrie variable, selon que nous serions les seuls à en tirer profit, au grand détriment de tous les autres peuples présentés grossièrement comme des partenaires, alors que nous nous arrangeons à les réduire à l’extrême pauvreté en érigeant toutes les barrières à leur libre circulation ou à la commercialisation de leurs productions chez nous.
Ça ne peut plus indéfiniment se passer comme cela.
Joël Didier Engo, Président du CL2P
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Faut-il avoir peur du Ceta ? 6 exemples concrets pour vous faire une idée
Le traité de libre-échange entre le Canada et l’Union européenne, qui a suscité de vives critiques, a été approuvé mercredi par le Parlement européen.
Par Donald Hebert Donald Hebert NouvelObs
Le Parlement européen a approuvé mercredi 15 février le traité de libre-échange avec le Canada (CETA). Cet accord avait suscité de vives critiques émanant de la société civile, notamment en Belgique, où Paul Magnette, le ministre-président de la Wallonie, s’était illustré dans un discours qui l’avait rendu célèbre à l’automne 2016.
10 choses à savoir sur Paul Magnette, le Wallon qui dit non au CETA
Mais que craignaient exactement la Wallonie et son irréductible chef de file ? Et au-delà, tous ceux qui sont montés au créneau ces dernières semaines pour dénoncer le texte ? Cet accord est-il défavorable aux Européens, comme semblait l’être son homologue américain, le fameux Tafta ? Menace-t-il aussi la santé les consommateurs, les emplois des travailleurs, voire la démocratie, comme le dénonce certaines associations ?
Pas de poulet au chlore cette fois, assurent les autorités, françaises notamment, qui ont présenté ce projet d’accord commercial comme “l’anti-Tafta”. Il est toutefois difficile de se faire une idée sur un texte qui comporte tout de même 2.314 pages, 1.793 pages d’annexe dans jargon juridique et très technique… Amélie Canonne, porte-parole de l’Association internationale de techniciens, experts et chercheurs (Aitec), et Edouard Bourcieu, représentant de la Commission européenne en France et en Belgique pour les questions commerciales, nous aident à y voir plus clair.
Ce que prévoit le Ceta. Comme pour le Tafta, c’est le point qui inquiète le plus. Si les Etats ne respectent pas les règles du Ceta, ils pourront être poursuivis par les entreprises.
Le texte a pourtant évolué dans un sens positif depuis sa première version. Il était prévu que les litiges soient arbitrés par des tribunaux ad hoc, composés de trois arbitres nommés par les parties de manière plus ou moins claire. Or dans la version finale du texte, ce tribunal est composé de 15 juges rémunérés par les Etats, dont la désignation et la révocation sont encadrées par des règles de déontologie plus strictes.
L’évolution a été saluée par de nombreux partis, notamment des sociaux-démocrates européens. Mais Amélie Canonne met en garde :
“Il s’agit toujours d’un pool d’arbitres, pas de magistrats.”
Exemple avec le secteur de l’énergie. Une directive européenne sur les carburants, qui aurait pénalisé les pétroles bitumineux de l’Alberta (Canada), a échoué. Mais tel aurait pu ne pas être le cas. “Imaginons qu’en Europe, pour respecter l’accord de Paris sur le climat, on décide de voter cette directive, ou que l’on fixe aux entreprises du secteur un pourcentage minimum d’énergies propres qu’elles doivent produire, ou des plafonds d’émissions de gaz au secteur automobile…”
“Si cela ne convenait pas à une entreprise canadienne déjà présente sur le marché européen et qu’elle estimait être discriminée, elle pourrait attaquer les Etats. Et peut-être gagner.”
De nouveaux OGM approuvés en Europe ?
Ce que prévoit le Ceta. L’UE et le Canada souhaitent limiter les barrières non-tarifaires aux exportations. Aujourd’hui, un produit peut être autorisé en Europe mais pas au Canada, alors même que les deux pays ont la même exigence de qualité. En vertu de ces barrières, les entreprises doivent faire valider deux fois un même produit de part et d’autre de l’Atlantique. Une perte de temps et d’argent pour les entreprises.
Il est donc prévu dans le Ceta que les régulateurs, agences et autres organismes en charge d’établir ces normes, coopèrent :
– soit ils parviennent à établir de futures réglementations communes,
– soit ils n’y parviennent pas et tentent alors de reconnaître mutuellement les règles de leurs homologues – notamment via la reconnaissance des tests d’homologations -,
– soit, enfin, ils échangent au moins des informations afin d’être plus pertinents.
Pour Amélie Canonne, c’est une source d’inquiétude réelle.
Exemple avec le secteur des OGM. “Au Canada, les lobbys du soja OGM ont déjà dit qu’ils attendaient que l’Europe leur ouvre davantage son marché”, explique la spécialiste. “Il n’y aurait pas de souci si nous avions confiance dans nos agences de régulation. Mais il y a déjà des conflits d’intérêts en Europe. A Bruxelles, les autorités sont déjà sous l’énorme pression des lobbys. Les agences recrutent au sein des industries qu’elles sont censées réguler. Elles travaillent de manière opaque, sans un vrai contrôle parlementaire.” Résultat :
“On sait que cette coopération ne mènerait pas à des réglementations de meilleures qualité pour les citoyens.”
Mais Edouard Bourcieu, lui, voit les avantages. “Le Canada et l’UE ont convenu d’accepter les certificats d’évaluation de la conformité émis par leurs organismes compétents dans un certain nombre de secteurs, tels que l’équipement électrique, les jouets, les machines, les appareils de mesure.” Cela signifie qu’un organisme d’évaluation de la conformité de l’Union peut tester des produits de l’UE destinés à l’exportation vers le Canada conformément à la réglementation canadienne, et vice versa.
La réalisation des mêmes essais par les deux parties sera ainsi évitée et les coûts, tant pour les entreprises que pour les consommateurs, pourraient être réduits.
“Cette mesure aidera particulièrement les entreprises plus petites, pour lesquelles le coût de deux essais identiques peut s’avérer prohibitif.”
Du porc et du bœuf aux hormones dans nos assiettes
Ce que prévoit le Ceta. Autre source de préoccupation : les emplois pour la filière agricole européenne. Le Ceta autorise l’importation de quelque 45.000 tonnes de bœuf et de 75.000 tonnes de porc. Alors que les filières sont déjà en difficulté en Europe, et plus particulièrement en France.
Exemple avec les produits aux hormones. La militante de l’Aitec ne cache pas son inquiétude pour le dynamisme de la filière en France : “C’est énorme. Les professionnels craignent la destruction de 10.000 emplois.” En revanche, l’inquiétude sanitaire, liée au fait que les éleveurs canadiens vendent du bœuf aux hormones et du porc à la ractopamine, un anabolisant, n’a pas lieu d’être. Car l’UE a imposé dans le Ceta une importation de bœuf et de porc de bonne qualité. Donc sans hormone, ni ractopamine. Conséquence, selon Amélie Canonne :
“Cela suppose que le Canada développe une filière sans hormone. Ce qui prendra du temps. Le quota sera à plein régime dans sept ans.”
Suffisant pour que les éleveurs européens se préparent à l’arrivée du porc canadien ?
Alstom traité comme Bombardier ?
Ce que prévoit le Ceta. Même pour les services publics, l’accord inquiète. “Le Ceta introduit la possibilité d’ouvrir n’importe quel service, y compris public, à la concurrence des entreprises canadiennes”, indique l’Aitec.
Exemple avec Bombardier et Alstom. Le texte prévoit cependant d’ouvrir davantage l’accès aux marchés publics canadiens pour les entreprises européennes. Sachant que les marchés publics européens sont déjà largement ouverts aux entreprises étrangères, notamment canadiennes, explique Edouard Bourcieu, ancien chef de la stratégie commerciale de la Commission européenne:
“En 2010, Nicolas Sarkozy avait tapé du poing sur la table au Conseil européen, parce que Bombardier venait de remporter un marché dans les transports en Île-de-France, alors qu’au même moment son concurrent français Alstom se voyait refuser la possibilité de soumissionner sur un marché équivalent au Canada.”
Au député européen José Bové, qui expliquait encore jeudi matin sur France Inter qu’Alstom et Bombardier avaient “fait ensemble un projet sur Montréal”, que Sodexo alimentait 30% des cantines au Canada, et donc qu’il n’y avait pas de problème, Edouard Bourcieu répond :
“C’est quand même problématique pour une entreprise de devoir chercher une alliance avec son concurrent pour pouvoir avoir accès à un marché. Bombardier n’a pas besoin de faire ça en Europe. Des groupes comme Alstom ou Sodexo peuvent surmonter certains obstacles. Mais pour une PME qui n’a pas les mêmes moyens, ce n’est pas seulement coûteux, c’est tout simplement insurmontable. Il faudrait savoir si on fait la politique des grands groupes ou si l’on s’intéresse aux PME.”
Du jambon de Parme… de Parme ?
Ce que prévoit le Ceta. Le Ceta pose la reconnaissance par le Canada de 143 indications géographiques européennes. Pourquoi les quelque 1.200 autres indications ne sont-elles pas, elles aussi, reconnues ? Les opposants au Ceta, comme José Bové, dénoncent une inégalité de traitement.
C’est un début, répondent les négociateurs, qui ont sélectionné en priorité les appellations les plus connues, les plus échangées internationalement, et qui se heurtent à des difficultés au Canada.
Edouard Bourcieu :
“L’essentiel est qu’il n’y ait aucune diminution du niveau de protection pour aucune appellation. La liste de celles dont la protection est accrue pourra être élargie à l’avenir.”
Exemple avec le jambon de Parme. Tout repose sur la différence entre le concept européen d’indication géographique et celui de marque au Canada. Déjà vendu sous le nom de “jambon de Parme” au Canada par un producteur canadien, les producteurs italiens se sont vus refuser l’accès à ce marché, car, du point de vue du droit, ils étaient vus comme des contrefacteurs !
Dans un pareil cas, pour que le producteur canadien ne mette pas la clé sous la porte parce que ses produits seraient interdits le lendemain de l’entrée en application du traité, il est prévu une application qui acte la reconnaissance de l’appellation européenne, mais progressive. Au moins, on trouvera enfin au Canada du jambon de Parme… de Parme !
Faut-il s’inquiéter pour les fromages français ?
Du vin du Loiret moins cher dans les rayons canadiens ?
Ce que prévoit le Ceta. L’accord impose une baisse des tarifs douaniers. Faut-il craindre une concurrence exacerbée qui menace des milliers d’emplois, comme le craint l’Aitec ? Edouard Bourcieu reconnaît que la concurrence ne fait pas que des gagnants : “Entre pays de niveau de développement comparable qui échangent beaucoup de biens similaires, les ajustements ne se font pas entre secteurs mais à l’intérieur de chaque secteur : les entreprises les plus performantes grandissent alors que les moins performantes en pâtissent.”
Mais selon le fonctionnaire européen, un avantage de ce type d’accord est souvent oublié : “Il s’agit aussi d’avantager les entreprises européennes au Canada par rapport à leurs concurrentes des pays tiers ; de même pour les entreprises canadiennes en Europe.”
Exemple avec le vin du Loiret. Edouard Bourcieu cite pour exemple le vignoble de Pascal Jolivet, dans le Val-de-Loire, à qui la baisse des droits de douane au Canada donnera un avantage substantiel par rapport à ses concurrents argentins, californiens ou australiens. Sachant qu’au Canada, où l’alcool est très taxé, le prix joue beaucoup dans le choix des consommateurs. En la matière, il y a un précédent :
“En 2003, la Corée du Sud avait signé un accord avec le Chili et les entreprises de vin chiliennes avaient taillé des croupières aux vins français là-bas. L’accord entre l’UE et la Corée a, depuis, permis de corriger la situation.”
La Commission européenne, qui n’a visiblement pas peur des clichés, a établi une brochure où elle cite des exemples d’entreprises exportatrices qui auraient tout intérêt à ce que cet accord de libre-échange soit signé.
On y trouve notamment des calissons d’Aix, des huiles essentielles belges et un producteur de vinaigres italien, mais aussi des pommes polonaises, et des nœuds papillon italiens. Il n’est cependant pas certain que cela suffise à convaincre les irréductibles opposants au Ceta. Qu’ils soient wallons, romains ou wisigoths.
Donald Hebert
Journaliste, NouvelObs