Exilé en France depuis 2010, l’ancien ministre des Travaux publics et ancien député du parti au pouvoir est à nouveau attendu devant le conseil de discipline du Contrôle supérieur de l’Etat le 15 mars prochain pour répondre des faits pour lesquels il a écopé d’une condamnation à vie au pénal en juin 2015. Au cours de la session, il sera également question de faits nouveaux non compris dans le rapport de vérification. De quoi faire penser à un innommable acharnement. Retour sur une procédure judiciaro-administrative d’une curiosité planétaire.
Rien à faire. Le régime de Yaoundé en a après Dieudonné Ambassa Zang. Malgré son exil en France depuis 2010. Loin de sa famille. Il ne recule devant rien pour le démontrer. Il ne s’embarrasse d’aucun scrupule. Se comporte en hors-la-loi et ne respectes rien, ni les textes, ni la procédure. S’acharner sur un « indiscipliné du système » sous quelques arguties judiciaires que ce soit, tel semble être le fort du pouvoir camerounais depuis le lancement de la campagne anti-corruption (Opération Epervier) en 2006.
Dans une correspondance datée du 24 février dernier, la ministre déléguée à la présidence chargée du Contrôle supérieur de l’État, Mba Acha Rose, convoque à nouveau l’ancien ministre des Travaux publics et ancien député du Rassemblement démocratique du peuple camerounais (parti au pouvoir) devant le Conseil de discipline budgétaire et financière (Cdbf) du Contrôle supérieur de l’Etat (Consupe) pour le 15 mars prochain.
Il est question pour Ambassa Zang (du moins par l’intermédiaire de son conseil, Me Eba’a Manga) de s’expliquer sur les irrégularités de gestion pour lesquelles il a pourtant été condamné le 18 juin 2015 à la prison à vie par contumace par le Tribunal criminel spécial (Tcs). La première session de ce conseil s’était tenue le 25 mai dernier.
Député gênant
Cette nouvelle « affaire Ambassa Zang » qui se profile à l’horizon devant le Cdbf en plus de révéler bien de curiosités vient mettre à nu une certaine précipitation du régime en place. Tout porte à croire qu’au mépris des règles procédurales qui régissent le fonctionnement du Consupe, il fallait se débarrasser très vite d’un député « gênant » parmi les rares que comptaient le RDPC à l’époque à l’Assemblée nationale.
Car, Siegfried David Etame Massoma, ministre chargé du Consupe et président du Cdbf courant 2009, n’a pas cru bon, comme l’exige la loi du 5 décembre 1974 portant contrôle des ordonnateurs et gestionnaires des crédits publics, de convoquer au préalable Dieudonné Ambassa Zang devant cette instance. Le temps pressait. La procédure devant le Cdbf est très longue. Le député de la Mefou Afamba embarrassait de plus en plus les membres du gouvernement au parlement lors des questions orales et pour sa liberté de ton. Il n’était plus lié par « la discipline du parti ». Il fallait donc s’en défaire au plus vite.
Et pour ce faire, le juge pénal a été saisi. Et la procédure judiciaire s’est enclenchée. Nous sommes en Avril 2009. Suite à la décision de condamnation rendue par le Tcs et à la saisine par l’ancien ministre de la Cour suprême, le Cdbf va-t-il dans ses délibérations remettre en question ladite décision en le déclarant coupable d’irrégularités de gestion visées dans le rapport de vérification du Consupe du 30 janvier 2009 ? Une telle éventualité ferait date dans les annales judiciaires.
Des faits nouveaux
Le Cdbf va-t-il recommander les poursuites judiciaires contre Ambassa Zang pour les faits déjà jugés par le Tcs et contenus dans le rapport de mission des vérificateurs du Consupe cité plus haut ? Cette possibilité est à exclure non plus.
Autre curiosité dans cette affaire, l’introduction par le rapporteur désigné le 15 Octobre 2012 par le ministre en charge du Consupe de l’époque, Henri Eyebe Ayissi, de faits nouveaux non compris dans le rapport de mission du Consupe. Pourtant, dans sa communication adressée en mai 2014 à l’Union interparlementaire, ce dernier a pourtant précisé que « le Rapporteur jouit des pouvoirs les plus étendus pour mener à bien son instruction, sans toutefois sortir du cadre de la vérification (période de gestion), encore moins de l’objet (faits) tel que circonscrit dans le ou les rapports de base ».
Mais le Cdbf se penchera sur ces nouvelles irrégularités de gestion qui n’ont fait l’objet d’aucune vérification par les Contrôleurs d’Etat et pour lesquelles le mis en cause n’a fait l’objet d’aucune demande de renseignements par la mission de vérification. Connaissant le système Biya qui n’est pas à un rouleau compresseur près, sont-ce ces faits nouveaux qui seront portés devant le Tcs, histoire de réduire au silence un ancien ministre déterminé à se battre pour son honneur malgré son exil ? Just wait and see !
Par Michel Biem Tong – hurinews.com