Plus de 2 600 réfugiés nigérians, installés dans le nord du Cameroun par crainte des attaques du groupe djihadiste Boko Haram, ont été rapatriés de force depuis le début de l’année malgré la signature d’un accord entre les autorités d’Abuja et Yaoundé destiné à éviter ces reconduites à la frontière, a dénoncé, mardi 21 mars, le Haut-Commissariat de l’ONU pour les réfugiés (HCR).
« Depuis le début de l’année, le Cameroun a renvoyé de force plus de 2 600 réfugiés dans des villages frontaliers au Nigeria », a déclaré un porte-parole du HCR, Babar Baloch, lors d’un point de presse.
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D’après le personnel du HCR au Nigeria, les réfugiés qui sont renvoyés manu militari ont expliqué que l’armée camerounaise les embarquait « contre leur gré », « sans leur laisser le temps de rassembler leurs affaires », soulignant que ces renvois de force sont contraires au droit international. Parmi les expulsés figurent des jeunes enfants et des femmes enceintes. Certaines familles sont séparées et des mères ont été obligées de laisser leurs enfants derrière elles.
Déplacés internes
Le HCR se dit « particulièrement préoccupé » par le fait que ces rapatriements forcés, qui semblent être motivés par des questions de « sécurité », se poursuivent alors même que l’agence de l’ONU a signé le 2 mars avec le Cameroun et le Nigeria un accord pour le retour volontaire des réfugiés nigérians. Selon les Nations unies, le Cameroun héberge environ 85 000 réfugiés nigérians.
« L’insécurité persiste dans des zones du nord-est du Nigeria, et l’accès aux services de base reste limité », a expliqué Babar Baloch, soulignant que la plupart des réfugiés qui sont revenus au Nigeria ne peuvent pas retourner dans leurs villages d’origine et deviennent des déplacés internes.
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La crise affectant la région du lac Tchad, que les Nations unies ont qualifiée de « plus grande crise sur le continent africain », a déplacé plus de 2,7 millions de personnes, dont 200 000 réfugiés, selon le HCR.
La région du lac Tchad regroupe le nord-est du Nigeria, l’extrême nord du Cameroun, l’ouest du Tchad et le sud-est du Niger. Ces pays partagent des frontières communes et poreuses sur ce lac peu profond, parsemé de centaines d’îlots.
Boko Haram, qui a pris les armes en 2009 pour imposer sa propre version d’un salafisme radical dans le nord-est du Nigeria, a mené ces dernières années de nombreux raids meurtriers et attentats-suicides dans les quatre pays.
Le Monde.fr avec AFP et Reuters
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Cameroun – Refoulement des réfugiés nigérians du Cameroun: Le ministre de la Communication Issa Tchiroma Bakary dément les allégations du HCR
Issa Tchiroma, le ministre de de la Communication apporte un démenti au porte-parole du Haut-commissariat des réfugiés (HCR) Babar Baloch, qui a déclaré au cours d’une conférence de presse le 21 mars 2017 à Genève: «A l’intérieur du Nigéria, les équipes du HCR ont reçu des témoignages au sujet des troupes camerounaises ayant renvoyé des réfugiés contre leur gré – sans même leur laisser le temps de récupérer leurs biens».
Issa Tchiroma Bakary, de son côté, martèle: «Je démens formellement cette rumeur selon laquelle le Cameroun aurait forcé des réfugiés Nigérians à rentrer au Nigéria. Le Cameroun a signé récemment l’Accord tripartite relatif au rapatriement librement consenti des réfugiés nigérians vivant au Cameroun. Et le Cameroun respecte ses engagements», rapporte ce mercredi le magazine Investir au Cameroun.
Lors de la conférence de presse de mardi dernier à Genève, Babar Baloch a fait savoir que cette année, le Cameroun a déjà procédé au retour forcé vers le Nigéria de plus de 2600 réfugiés qui avait trouvé refuge dans des villages frontaliers. L’Agence des Nations Unies pour les réfugiés se dit particulièrement préoccupée par le fait que ces retours forcés se sont poursuivis sans relâche après la signature d’un accord tripartite par les gouvernements du Nigéria et du Cameroun ainsi que le HCR, à Yaoundé le 2 mars dernier, pour faciliter le retour librement consenti des réfugiés nigérians lorsque les conditions le permettent.
L’organisation a également souligné que la plupart des réfugiés qui sont revenus au Nigéria ne peuvent pas retourner dans leurs foyers et deviennent des déplacés internes. «Le HCR se félicite de la générosité du Gouvernement camerounais et des communautés locales qui accueillent plus de 85 000 réfugiés nigérians et appelle toutefois le gouvernement camerounais à honorer ses obligations découlant des législations internationales et régionales sur la protection des réfugiés, ainsi que de la loi camerounaise», a conclu Babar Baloch.