Assez terrifiante la mémoire sélective des décideurs politiques français, notamment par rapport aux atteintes aux droits de l’Homme en Afrique noire.
Mme Hidalgo peut donc le plus normalement du monde aller vendre ses jeux olympiques à l’un des derniers dictateurs les plus sanguinaires d’Afrique (Dénis Sassou Nguesso pour ne pas le citer), sans un seul instant avoir une pensée pour les populations civiles qu’il vient de massacrer, ou les opposants (dont certains ont la double nationalité) qu’il a jetés dans ses prisons mouroirs après son dernier coup d’état électoral.
C’est aussi cela la prévalence de ce tropisme néo-colonial, condescendant avec des relents nauséabonds …dont une grande partie de la classe politique française (de droite comme de gauche) semble décidément incapable de s’en détacher.
Quelle tristesse!!!
Joël Didier Engo, Président du CL2P
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Un an après sa réélection contestée, Sassou-Nguesso toujours maître du Congo
Par Maria Malagardis — Libération 19 mars 2017
Disparitions, arrestations, censure… L’homme fort du Congo-Brazzaville reste sourd aux critiques internationales et aux procédures judiciaires contre lui et son clan.
- Un an après sa réélection contestée, Sassou-Nguesso toujours maître du Congo
«Bon, nous violons au quotidien les droits de l’homme. Alors aujourd’hui il y a eu quelle violation des droits de l’homme ? Si c’est au quotidien, aujourd’hui, au moment où nous parlons, il y a eu quoi ?» demandait vendredi Pierre Mabiala. Le ministre congolais de la Justice réagissait, sur RFI, à plusieurs rapports publiés par des organisations des droits humains, mais aussi par le département d’Etat américain. Lequel juge «alarmante» la situation qui prévaut dans ce pays d’Afrique centrale, où Nguesso, 73 ans, cumule trente-trois ans de pouvoir. Arrestations arbitraires, disparitions, censure des médias, restriction de l’aide humanitaire dans la région du Pool, considérée comme «rebelle» et systématiquement bombardée… Cette litanie d’abus décrit pourtant la vie au quotidien des 4 millions de Congolais, un an tout juste après la présidentielle anticipée qui a permis à l’inamovible maître du pays, Denis Sassou-Nguesso, de se maintenir une fois de plus au pouvoir.
Après avoir réussi à faire modifier la Constitution en octobre 2015 pour pouvoir se représenter, Sassou s’est déclaré vainqueur dès le premier tour du scrutin du 20 mars. Ce jour-là, le pays avait été coupé du monde : ni téléphone ni Internet pour rendre compte des opérations de vote, alors que l’opposition s’était cette fois-ci majoritairement regroupée derrière la candidature du général Jean-Marie Michel Mokoko. Lequel a été assigné à résidence le 4 avril, jour de la proclamation des résultats. Puis arrêté et jeté en prison à la mi-juin. Un an après, Mokoko est toujours sous les verrous, sans avoir encore été jugé alors que la détention préventive est censée se limiter à quatre mois. Il n’est pas le seul.
«La plupart des candidats à la présidentielle sont désormais derrière les barreaux, ainsi que plus d’une centaine de militants de l’opposition», souligne Norbert Tricaud, l’avocat français de Mokoko, qui rappelle qu’une plainte contre X est examinée en France pour «crimes contre l’humanité» au Congo Brazzaville. Elle pourrait prochainement donner lieu, selon l’avocat, à une demande de commission rogatoire internationale pour avoir accès à la maison d’arrêt où sont détenus Mokoko et André Okombi Salissa, autre candidat à la présidentielle arrêté en janvier après avoir vécu six mois caché à Brazzaville.
Etrange décès. Car les opposants, emprisonnés souvent sans jugement, ne se sentent guère en sécurité. «Mon client ne mange que la nourriture apportée de l’extérieur lors des visites, auxquelles il n’a plus droit que deux fois par semaine depuis janvier», souligne l’avocat. Les craintes des prisonniers se sont renforcées depuis l’étrange décès, le 17 février, de l’ex-numéro 2 des services de renseignements, le colonel Marcel Ntsourou, condamné après une fusillade entre sa propre garde rapprochée et les forces de l’ordre en 2013. L’ancien fidèle entré en dissidence aurait glissé dans sa cellule et serait mort juste après son transfert à l’hôpital militaire.
Le ministre de la Justice a pourtant vanté récemment la bonne tenue des hôpitaux congolais. Il répondait alors à ceux qui s’inquiètent du sort de Modeste Boukadia. Ce Franco-Congolais, marié à une Française et emprisonné lui aussi sans jugement depuis janvier 2016, est hospitalisé depuis fin janvier dans un état critique. Violemment agressé à la mi-novembre par ses gardes à la prison de Pointe-Noire, la capitale économique du pays, Modeste Boukadia en est à sa troisième hospitalisation, souffrant de difficultés respiratoires et d’hypertension cardiaque avec risque d’hémorragie interne. En France, son épouse Nadine remue ciel et terre pour tenter de le ramener auprès d’elle «avant qu’il ne soit trop tard». Elle était avec lui ce 15 janvier 2016, deux mois avant les élections, lorsque son époux est rentré au Congo avec l’intention lui aussi de se présenter à la présidentielle. «Dès notre arrivée à l’aéroport, nous avons été accueillis par près de 2 000 policiers et militaires. Mon mari a été aussitôt arrêté et transféré à la prison de Pointe-Noire», raconte-t-elle.
Patrimoine. Depuis, ses demandes de libération provisoire ont été rejetées, sauf la troisième, en juin. Mais elle aurait été bloquée in extremis par le ministre de la Justice en personne, qui n’a pas donné suite aux questions de Libération. En décembre, Nadine a déposé une plainte à Chartres, où elle vit, au nom de Modeste, citoyen français. Une enquête préliminaire a été ouverte par le parquet de Paris.
La justice française s’intéresse aussi au fabuleux patrimoine accumulé en France par le clan présidentiel. Le 9 mars, elle a pour la première fois mis en examen pour «blanchiment d’argent» un proche de Sassou-Nguesso, son neveu Wilfrid, également interdit de séjour au Canada et suspecté d’appartenir «à une organisation criminelle». L’étau judiciaire se resserre mais il semble encore bien abstrait aux yeux des opposants emprisonnés, qui comptent certainement les jours sans «violations des droits de l’homme» comme un répit supplémentaire pour leur survie.
Maria Malagardis, Libération