Osons le dire sans ambages. Ce qu’il est convenu d’appeler « l’affaire Antoine Félix Samba » n’est pas seulement venu révéler la frénésie avec laquelle certains fonctionnaires camerounais s’enrichissent. Elle a aussi le don de confirmer de ce que je n’ai de cesse de soutenir chaque fois que j’en ai l’occasion: le Cameroun est depuis le 6 novembre 1982 sous la direction d’un lobby familial qui contrôle tous les secteurs de la vie politique, économique et sociale du pays.
Ce lobby est constitué du fils, des fils adoptifs, des neveux, des oncles, des cousins du président camerounais, Paul Biya. Un autre démembrement de ce lobby non moins important c’est celui qu’on appelle vulgairement au Cameroun « le réseau nanga » rattaché à la Première Dame, Chantal Biya. Il s’agit pour la plupart des membres de sa famille à elle, originaire soit du département de la Haute Sanaga, soit de Dimako, dans la région de l’Est. Sans oublier le directeur du Cabinet Civil, Martin Belinga Eboutou, camarade de classe, confident et homme de main de Paul Biya, qui est l’un des piliers de ce lobby.
C’est donc ce noyau dur qui constitue ce que les spécialistes de la science administrative appellent « le réseau informel du pouvoir » au Cameroun. C’est ce groupuscule qui détient les réels pouvoirs et contrôle tous les pans de l’économie du pays. Au sein de l’appareil politique, administratif et sécuritaire, ils ont placé leur pion. Ils jouissent d’une immunité presqu’acquise. Empêtrés dans de graves scandales financiers, aucun magistrat du Tribunal criminel spécial (qui du reste est leur fabrication) n’oserait toquer à leur porte.
«APRES BIYA, C’EST BIYA»
Antoine Samba dont la proximité avec la Première Dame de par son épouse est connue de tous ne donnera jamais les noms des entreprises qui l’aident à exporter son cacao. Sans doute parce que son « bras long » lui permet de contourner le fisc et la douane et d’engranger d’énormes bénéfices lui permettant de se bâtir une demeure de nabab comme celle qui fait le tour des réseaux sociaux depuis quelques jours.
N’allez surtout pas remettre en question le fait pour l’État du Cameroun d’avoir affecté 100 millions de F CFA du Budget d’investissement public de 2016 à un établissement scolaire appartenant à Martin Belinga Eboutou. Personne ne vous écoutera. Tout comme Jean Foumane Akame, conseiller juridique du chef de l’Etat, ne s’expliquera jamais sur le milliard qu’il a fait virer en février 2005 sans le compte d’une société fictive appelée ATT/B à Monaco alors que ce pactole était destiné à une société sud-africaine ATT Ltd recrutée pour auditer les contrats de maintenance d’avion de la défunte Cameroon Airlines.
Franck Biya peut jongler avec les obligations du Trésor à coupon zéro (OTZ) et y engranger des milliards de F CFA sans avoir à s’expliquer devant la justice. Bref, ils sont intouchables et s’offrent des passe-droits. Ce lobby ne jure que par la confiscation du pouvoir. Un de ses représentants sur les réseaux sociaux qui se présentent comme le président d’un mouvement des hommes d’affaires en est convaincu : « APRES BIYA, C’EST BIYA ».
OPERATION EPERVIER
La plupart d’anciens hauts commis de l’Etat que ce lobby a jetés en prison dans le cadre de l’Opération Epervier (et qui sont des détenus politiques) sont ceux dont le dynamisme et la compétence mettaient à mal ses desseins. Celui de confisquer le pouvoir. Les membres de cette famille royale ont aussi la particularité d’avoir une certaine presse à ses côtés.
Jamais vous ne trouverez un journal camerounais consacrer des articles sur un scandale financier dans lequel Foumane Akame, Belinga Eboutou ou Franck Biya par exemple sont impliqués. Jamais. Il s’en trouve toujours des hommes politiques ou des hommes de médias pour défendre leur cause. Privilège dont beaucoup dans ce système gouvernant ne jouiront jamais.
Par Michel Biem Tong, journaliste, Hurinews.com