L’entrée en vigueur de cette loi fin décembre 2014 a installé le Cameroun dans le non-droit où certaines libertés fondamentales sont foulées aux pieds au nom de la lutte contre le terrorisme.
Elle fut salutaire dès le départ. L’idée d’adopter une loi visant à sanctionner des personnes coupables d’actes de terrorisme. Le Cameroun, on le sait, est officiellement en guerre contre la secte islamiste Boko Haram depuis le 17 mai 2014. Il s’agissait là d’un phénomène jamais connu par le Cameroun et auquel le pays devait faire face aussi bien sur le plan politico-militaire que sur le plan légal.
Afin de susciter la peur du gendarme parmi ces « fous d’Allah » qui tuent, blessent, suscitent le déplacement des populations de certaines localités de l’Extrême-Nord du pays, le Cameroun s’est doté d’une loi anti-terroriste.
Article 2
A travers la promulgation de la loi N° 2014/028 du 23 décembre 2014 portant répression des actes de terrorisme, le pays de Paul Biya s’est conformé à certaines conventions internationales. Notamment la résolution 2178 du 24 septembre 2014 du Conseil de sécurité des Nations Unies et la Convention de l’OUA de 1999 sur la prévention et la lutte contre le terrorisme.
A mesure que le temps passe, la loi anti-terroriste est devenue une mine anti-personnelle que le pouvoir de Yaoundé a enfoui sous le terrain des libertés publiques. Du fait de cette loi, le Cameroun a basculé dans un indicible totalitarisme.
Le boulevard à une telle dérive est ouvert par l’article 2 alinéa 1 de cette loi. Cette disposition définit le terroriste comme celui qui perturbe « le fonctionnement normal des services publics, la prestation de services essentiels aux populations » ou qui créé « une situation de crise au sein des populations » ou alors qui créé « une insurrection générale dans le pays ».
Liberté de presse
Ainsi, vous émettez une parole, dirigez une action qui n’entre pas dans la ligne édictée par le pouvoir en place : acte terroriste. Vous êtes mécontent envers le pouvoir et organisez une marche de protestation pour vous faire entendre : acte terroriste. Le terrorisme est devenu une espèce de fourre-tout facteur de non-droit qui consacre un état d’exception au Cameroun sans un décret y relatif.
Au nom de la lutte contre le terrorisme, le pouvoir laisse planer sur tout camerounais qui le contesterait de façon bruyante la menace de la peine de mort et du tribunal militaire. Les leaders anglophones l’apprennent en ce moment à leurs dépens, eux qui n’ont fait que revendiquer le fédéralisme. Bref, le régime de Paul Biya terrorise en luttant contre le terrorisme.
La liberté de presse est également sérieusement menacée par cette loi-antiterroriste. Assurer la couverture d’une manifestation contre le pouvoir, accorder des interviews à des personnes qui critiquent ou formulent des revendications contre le pouvoir risquent d’être interprétés comme une « apologie du terrorisme » visée à l’article 8 de la loi anti-terroriste.
Tout comme se retrouver en situation de reporter sur le théâtre de la lutte contre Boko Haram vous expose aux fourches caudines du tribunal militaire pour « terrorisme ». C’est le cas du correspondant de Radio France international condamné en début de semaine à 10 ans de prison pour « blanchiment des produits du terrorisme », « non dénonciation », etc. Vous avez dit lutte contre le terrorisme ? Certes. Mais davantage peur sur la liberté d’expression, de manifestation et de presse.
Michel Biem Tong, Hurinews.com