Mes félicitations, Monsieur Emmanuel Macron, président de la France. Vous venez d’être élu président de la France par les seuls Français, croyez-vous. Vous saurez bientôt que vous l’avez aussi été par les Gondwanais que nous sommes, et que vous êtes aussi notre président. Le Gondwana, selon Mamane, un impertinent chroniqueur qui sévit sur votre Radio France internationale, mais qui est aussi la nôtre tant qu’elle ne critique pas nos leaders bien aimés, c’est l’ensemble des anciennes colonies de votre pays en Afrique. Elles sont bien sûr devenues des pays indépendants depuis de longues années et très jaloux de leur souveraineté. Vous comprendrez cependant bientôt que vous en êtes aussi le chef, tout indépendants qu’ils sont.
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Vous ne l’avez sans doute pas remarqué, mais de nombreux Français sont en réalité des Gondwanais et ils ont massivement voté pour vous, vu que madame Le Pen avait dans son programme le projet de les virer de votre beau pays. Ce qu’ils ne peuvent pas accepter, quelle que soit la galère dans laquelle ils vivent chez vous. Et nous autres qui vivons au pays, avons mobilisé tous nos féticheurs et sorciers pour votre victoire, vu que nous tenons à l’argent que nous envoient nos parents qui sont chez vous. Vous ne croyez pas en ces histoires de féticheurs ? Vous avez tort. Demandez à Chirac. Il avait une féticheuse en Côte d’Ivoire qui lui avait dit précisément quand il serait élu président de son pays.
Les quarante vierges
Donc vous êtes notre nouveau président. Bienvenue au Gondwana, Monsieur notre président ! Comment ça ? Vous avez certainement déjà constaté que ce sont vos soldats qui pourchassent les djihadistes qui tiennent absolument à nous faire découvrir les délices des 40 vierges qui attendent tout bon musulman au paradis. Que font nos armées, me demanderez-vous ? Elles font soit des coups d’Etat comme au Mali, justement au moment où les coupeurs de bras et de pieds pointaient leur nez, soit font des mutineries comme en Côte d’Ivoire en janvier dernier pour s’acheter des motos, soit répriment leurs opposants comme dans la plupart des autres pays.
Vous verrez que bientôt nos chefs se bousculeront pour être le premier à aller vous faire la bise sur le perron de votre palais de l’Elysée, ou à vous la faire en leurs palais tropicaux. Et, au cours du déjeuner ou du dîner, entre la poire et le fromage, ils vous demanderont de les aider à boucler leurs fins de mois ou à chasser des rebelles un peu trop menaçants. Vous vous demanderez certainement pourquoi ce serait à vous de traquer les djihadistes ou les rebelles dans le désert et de payer les salaires de nos fonctionnaires. Ce sera au nom de votre devoir historique d’ancien colonisateur, Monsieur le Président. C’est comme ça. Les Anglais et les Portugais ont aussi colonisé l’Afrique mais eux, ne se sont pas imposé ce devoir.
Rassurez-vous, ce n’est pas gratuit. Je suis sûr que les dirigeants des grandes entreprises de votre pays vous ont déjà expliqué pourquoi vous devez demander très amicalement à vos homologues africains de les laisser avoir des monopoles dans leurs pays, et à contrôler leurs minerais indispensables pour votre industrie ou vos bombes atomiques, tels que l’uranium par exemple. Ils vous expliqueront aussi pourquoi il faut absolument maintenir le franc CFA. Il faut bien que quelqu’un paie pour les bombes larguées sur les djihadistes, les avions, les hélicoptères, les drones et tout le reste. C’est pour cela, par exemple, que les billets d’Air France sur l’Afrique sont les plus chers au monde.
Costumes et djembés
Monsieur le Président, vous verrez bientôt dans votre entourage un certain Robert Bourgi. Il vous proposera certainement des costumes, des chaussures ou des caleçons de grand prix. Méfiez-vous en. Il a offert des costumes à Fillon et ce dernier s’est pris une belle veste dans l’élection qui vous a porté au pouvoir. Il vous proposera sans doute aussi des djembés. Ils sont souvent fourrés aux francs CFA. Les CFA se changent très facilement à Barbès. Ça peut être utile, vu que vous aurez bientôt des législatives et qu’il vous faut une majorité au Parlement. Un peu de cash, ça aide au cours d’une élection. Et vous savez très bien que le financement des élections est une affaire très compliquée chez vous. Pourquoi Bourgi vous offrirait ces costumes et djembés ? Ce n’est pas lui qui paie. Il a de bons amis Africains qui sont trop timides pour vous faire directement ces cadeaux. Alors ils passent par lui. Pourquoi ces cadeaux ? Pour trois fois rien. Juste que vous regardiez ailleurs lorsqu’ils bourreront les urnes pendant leurs élections démocratiques et que vous vous bouchiez les oreilles lorsqu’ils taperont sur leurs opposants.
Encore une fois mes félicitations, Monsieur notre Président. Dans une prochaine chronique je vous expliquerai comment nous gérer, nous Gondwanais lambda. Je peux vous assurer que nous sommes de sacrés numéros.
Cet éditorial est paru lundi 8 mai dans Fraternité Matin, partenaire du Monde Afrique.