Je suis si content, si content! De voir Imbolo Mbue élevée au ciel, et vraiment je ne peux pas le dire plus fort, sinon je l’aurais dit. Vous savez, Imbolo Mbue n’a encore rien dit, mais simplement de m’imaginer que depuis 1921, oui, depuis 1921, les Anglophones de notre pays ont ete marginalises par les Francophones, c’est-a-dire que 30% de Camerounais comme elle sont exclus du destin national, traites de sous-citoyens, de ‘Bamenda’, c’est-a-dire d’esclaves, de bonnes, et que la littérature camerounaise a toujours été présentée handicapée de ces 30%-la, et surtout, que ce soit un écrivain anglophone qui nous ouvre le ciel, cela me rend le plus content du monde! Arrêtais-je aujourd’hui d’écrire que je sais que j’aurais vu se réaliser mon rêve d’écrivain – cela s’appelle justice poétique, oui, poetic justice! Car en même temps, les enfants anglophones sont obliges de ne pas aller en classe, les adultes, avocats, médecins, sont fouettes, devant tout le monde, les députes anglophones pourchasses, tues, et cela, devant l’assentiment consentant de toute l’élite francophone, de gauche comme de droite. Ah, il y a des moments sublimes, et en voici bien un, qui nous rappellent bien ce que le Cameroun est – jamais il n’a été une colonie de la France, et que le Camerounais est bilingue, donc n’a aucune obligation, mais alors aucune, a se mettre sous la botte d’un pays, et d’une langue qui le prend en otage pour réaliser ses seuls intérêts anti-américains.
C’est qu’il faut toujours se rappeler que le passage des Africains vers les États-Unis est rectiligne, même si l’Europe y a été pour quelque chose – eh bien, l’Atlantique nous unit, et de voir ainsi deux femmes noires, Oprah et Imbolo, c’est la manifestation de ce futur-la dont chacun de nous rêve – Beyonce et Chimamanda, Chimamanda et Lupita, Oprah et Toni Morrison, Obama et Michelle, etc. – , la réalisation au sommet de ce pouvoir-la qui est possibilité. Pouvoir des femmes. Pouvoir des femmes noires. Je n’ai jamais aimé le faux, mais je suis toujours heureux quand le vrai se manifeste, et ce vrai-la, c’est l’éclat d’un écrivain anglophone devant la barbe d’un pays qui a tellement exclu les Anglophones qu’il y a quelques mois, les militaires qui fouettaient les étudiants anglophones, les étudiantes anglophones et les obligeaient a se rouler dans la boue, le faisaient en français! Oui: ‘un, deux, trois, quatre’, ils comptaient en français! La revanche anglophone est la, devant nous, et mon souhait est simple, que la littérature, comme l’art, ouvre la fenêtre de notre futur. Car il y a quelques années, 1975, a Berlin, Mongo Beti disait ceci: ‘un jour je crois que je deviendrai anglophone!’, oui, Mongo Beti! Aujourd’hui, devant le discrédit total jeté sur la Françafrique littéraire, il n’y a rien de plus beau, de plus juteux que cette élévation de l’écrivain camerounaise d’expression anglaise, de la littérature camerounaise anglophone. Poetic justice, c’est ça, poetic justice. Political justice is coming. Very soon.
Congratulations, Imbolo!
Par Patrice Nganang, écrivain et universitaire camerounais