Une juge d’instruction française a décidé d’enquêter sur d’éventuels crimes contre l’humanité perpétrés lors des violences post-électorales au Gabon en 2016 après la victoire d’Ali Bongo à la présidentielle, a-t-on appris samedi de source proche du dossier.
Pillages, manifestations sévèrement réprimées, interpellations par centaines: le Gabon avait été pendant plusieurs jours le théâtre de violences après l’annonce le 31 août 2016 de la victoire du chef de l’État sortant Ali Bongo Ondimba, toujours contestée par l’opposant Jean Ping.
En septembre 2016, rappelle Jeune Afrique, une plainte avait été déposée en France pour «arrestation et détention arbitraire en bande organisée, torture et actes de barbarie en bande organisée, tentative d’assassinat et crime contre l’humanité».
Le plaignant, un Franco-Gabonais d’une trentaine d’années qui souhaite garder l’anonymat, avait été arrêté la nuit du 31 août au 1er septembre au quartier général de Jean Ping. Il avait décrit une nuit d’ «horreur et de carnage» au cours de laquelle des dizaines de personnes ont été blessées ou tuées par des hommes cagoulés dans l’attaque «méthodique» du QG.
Le dépôt de cette plainte avec constitution de partie civile avait automatiquement conduit à l’ouverture, le 20 avril 2017, par le parquet de Paris d’une enquête confiée à une juge d’instruction. Le ministère public avait retenu les qualificatifs d’arrestation et détention arbitraire, de torture et actes de barbarie, de tentative d’assassinat, mais pas celui de crime contre l’humanité.
Le 26 juin, la juge d’instruction a retenu ce dernier chef: «Aucune investigation n’a été réalisée, il ne peut être d’emblée considéré que les faits qualifiés de crime contre l’humanité n’ont pas été commis», estime-t-elle. «C’est la première instruction ouverte en France pour crime contre l’humanité qui vise Ali Bongo et ses sbires», a relevé l’avocat du plaignant, Me William Bourdon, mettant en avant le caractère «généralisé, systématique, organisé du massacre».
L’ouverture de cette enquête intervient alors qu’une mission de la Cour pénale internationale (CPI) a procédé la semaine dernière à Libreville à l’examen préliminaire des plaintes déposées par le gouvernement, le camp de Jean Ping, et 15 ONG. Les conclusions de cette mission vont être transmises au parquet de la CPI qui décidera ou non de l’ouverture d’une enquête pour «crime contre l’humanité» ou «crime de guerre».
Une seconde plainte, déposée par un ressortissant franco-gabonais arrêté à Libreville le 28 août 2016 et libéré après deux mois de détention, a donné lieu à l’ouverture en France d’une autre information judiciaire.
Par Otric NGON | Cameroon-Info.Net
[spacer style="1"]
Gabon: une crise post-électorale émaillée de crimes contre l’humanité?
Une juge d’instruction française a décidé d’enquêter sur d’éventuels crimes contre l’humanité perpétrés lors des violences post-électorales au Gabon après la victoire controversée d’Ali Bongo à la présidentielle de 2016.
En septembre 2016, un Franco-Gabonais a déposé une plainte pour arrestation et détention arbitraire en bande organisée, torture, tentative d’assassinat et crime contre l’humanité. Ce jeune homme, qui a souhaité gardé l’anonymat, avait été arrêté la nuit du 31 août au 1er septembre au QG de Jean Ping.
En avril 2017, une enquête a été ouverte à Paris sans que la qualification de crime contre l’humanité ne soit pas retenue. Mais ces derniers jours, la juge en charge du dossier a retenu ce dernier chef, estimant que l’on ne peut d’emblée l’écarter.
C’est ce que souhaitait maître Eric Moutet, l’un des deux avocats du plaignant. « On considère effectivement que cette catégorie de personne était visée pour des motifs politiques, explique le magistrat. Donc ce qui peut rentrer dans la définition de la notion de crime contre l’humanité. Le parquet de Paris refusait purement et simplement cette incrimination-là. Le magistrat instructeur a été contre cet avis. [Il] dit simplement : l’enquête démarre, donc il n’y a pas matière à refermer cette notion de crime contre l’humanité, on se laisse la possibilité d’enquêter. »
Indignation
De son côté, l’ambassadeur du Gabon en France, Flavien Enongoué, se dit choqué que la juge d’instruction ait retenu l’incrimination de « crime contre l’humanité » et s’interroge sur d’éventuelles visées politiques derrière cette plainte.
« Je me demande si on s’imagine le tort immense que l’on inflige à l’histoire des crimes de masse et des crimes de génocide, et aux peuples qui en ont été victimes, lorsqu’on fait le rapprochement avec ce qui s’est passé au Gabon, c’est-à-dire des violences post-électorales au cours desquelles malheureusement des compatriotes ont perdu leur vie, s’indigne Flavien Enongoué. Toute perte en vie humaine est de trop pour notre pays. Mais instrumentaliser ces morts, c’est une opération politique. »
Déposée le même jour, une seconde plainte pour séquestration et détention arbitraire fait l’objet d’une autre information judiciaire en France. Dans les deux procédures, les parties civiles devraient être entendues pour confirmer les termes de leur plainte dans le courant du mois de juillet.