Mercredi 12 juillet dernier. Mgr Piero Pippo, le nonce apostolique offre une réception aux évêques d’Afrique centrale, en sa résidence située au sommet de la grotte mariale du Mont Fébé à Yaoundé. Ces prélats, plus de 200, sont réunis depuis le 8 juillet dans le cadre de leur XIème assemblée plénière. La réception qu’offre le représentant du pape au Cameroun et en Guinée Équatoriale est aussi une occasion pour ce diplomate de dire au revoir à sa famille chrétienne. Doyen du corps diplomatique, il quitte son poste actuel pour une autre destination. Son discours de circonstance est donc un bilan. Le climat est aussi à la disparition tragique depuis le 2 juin de Mgr Jean Marie Benoît Bala, évêque de Bafia. Piero Pippo ne prononcera pas une seule fois le nom du disparu. Les invités n’en croient pas leurs oreilles !
La veille de cette réception, les évêques échangent en plénière au centre des conférences à Mvolyé. Mgr Christophe Zoa, le patron du diocèse de Sangmélima exhorte ses pairs à « la pondération dans leurs exigences au gouvernement, concernant l’inhumation de leur frère disparu ». Le prélat révèle que la présidence de la République l’a sollicité pour cette intercession. Certains évêques acquiescent d’un mouvement de la tête, pendant que d’autres font la moue…
A Bafia, l’abbé Ndjama, curé de la paroisse de Kiiki et Vicaire général du diocèse de Bafia reçoit des émissaires venus de Yaoundé. Ils sont porteurs d’un document pour lequel ils demandent la décharge du curé, acceptant ainsi de réceptionner le corps de Mgr Bala. L’abbé Ndjama prie ses visiteurs de se référer à sa hiérarchie, Mgr Abraham Komè, administrateur apostolique, en séminaire à Mvolyé. Celui-ci reçoit cette décharge simultanément avec une curieuse exhortation du Vatican allant dans le même sens. Il obtempère.
Sur les cinq archidiocèses métropolitains que compte le Cameroun, quatre exigent que toute la toute la lumière soit faite sur la disparition de Mgr Bala, avant inhumation. Un seul archidiocèse métropolitain estime que « pour la paix, il faut inhumer le défunt et s’en remettre à la justice divine ».
Voilà à son tour, l’église catholique divisée dans notre pays. Quelques uns de ses hommes rejoignent les chemins de ce manichéisme béat observé ici. Cette posture grégaire prive les intellectuels camerounais de la raison, de l’esprit critique et du sens poussé de discernement. Quand on a une réticence sur une position gouvernementale, on est bon pour la géhenne. L’inverse vous consacre «patriote total ». Pourtant, la critique, quand elle est constructive, elle fait grandir, elle fait avancer. La vie est ce que nous avons tous de sacré. Il faut la protéger. Quand elle est supprimée, il faut savoir pourquoi, puis conjurer contre ce qui la torpillerait. Les pasteurs le savent mieux que nous tous, même si parfois il leur arrive de ne pas le dire assez haut et fort. L’histoire retiendra que la disparition de Mgr Bala fut un déni de protection de la vie, et un épais brouillard sur la vérité.
Par Xavier Messe.