La voie montrée par l’ONG Sud Africaine SALC – à l’origine de la requête demandant l’arrestation d’Omar el-Béchir – pour des organisations comme la nôtre semble plus déterminante que les vociférations souverainistes souvent à forte connotation raciste et xénophobe de quelques frustrés et endoctrinés à la pensée unique au Cameroun et ailleurs sur le continent; incapables du moindre libre arbitre et de toute élévation (autre que la sempiternelle réaction épidermique anti-occidentale) sur une question de droit humain et d’universalité de la Justice.
Un message clair vient d’être envoyé aux tyrans africains par la fuite d’Omar el-Béchir: ils ne seront pas à l’abri d’une arrestation chaque-fois qu’ils fouleront le sol des démocraties.
Et n’en déplaisent à tous les ethno-fascistes qui se sont emparés du panafricanisme pour justifier des crimes contre l’Humanité et de génocide, l’arrestation d’Omar el-Béchir en Afrique du Sud aurait été un signal fort à l’adresse de tous ces criminels d’État qui continuent en toute impunité de tuer et parfois de massacrer leurs populations civiles à des fins de pérennisation de règne dans leurs pays respectifs .
Ce n’est que partie remise.
Le Comité de Libération des Prisonniers Politiques au Cameroun (CL2P)
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La Cour pénale internationale (CPI) est-elle raciste ? La justice internationale s’impose-t-elle les mêmes règles selon que l’on est né au nord ou au sud du Sahara ? Près de treize ans après l’entrée en vigueur du statut de Rome, qui lui a donné naissance, la CPI est une institution fragilisée, en butte à d’incessantes contestations.
L’idée que la justice pénale internationale, si elle est universelle dans ses principes, ne l’est pas dans ses actes, n’a cessé de se vérifier. Cette rhétorique, le plus souvent portée par les cercles dirigeants africains, repose sur des faits indéniables. Tous les chefs d’État et chefs de guerre jugés ou poursuivis par les magistrats installés à La Haye sont africains. Où sont les dignitaires syriens, les généraux birmans, les rebelles ou miliciens progouvernementaux sud-américains et autres satrapes et écorcheurs de la planète?
Signe manifeste du fossé qui se creuse entre le continent africain et la CPI, l’ancien président tchadien Hissène Habré sera jugé en juillet à Dakar pour « crime contre l’humanité » et « crimes de guerre » par les Chambres africaines extraordinaires, une juridiction spéciale créée par le Sénégal et l’Union africaine (UA). La République centrafricaine a promulgué, début juin, une loi permettant la création d’une Cour pénale spéciale, chargée de poursuivre les auteurs des crimes les plus graves commis depuis 2003. Désormais, un nombre grandissant d’États africains affirment vouloir juger eux-mêmes leurs meurtriers. Personne ne contestera ce droit, d’autant que la CPI a toujours rappelé que sa vocation était de venir en appui aux justices nationales, lorsqu’elles se révélaient défaillantes.
Prétendu « deux poids deux mesures »
Reste que cette affirmation d’indépendance judiciaire a ses limites et repose sur une argumentation biaisée. Ainsi, le président soudanais Omar Al-Bachir peut bien narguer depuis 2009 le bureau du procureur de la CPI, aujourd’hui dirigé par la Gambienne Fatou Bensouda, qui a émis contre lui deux mandats d’arrêt – l’un pour crimes de guerre et contre l’humanité, l’autre pour génocide. Sa responsabilité n’en est pas moins engagée dans la mort au Darfour, depuis 2003, de plus de 300 000 personnes, selon les Nations unies.
Ses dizaines de voyages en Afrique, en Chine ou au Moyen-Orient sont une preuve flagrante de l’impunité dont il jouit grâce à la bénédiction de l’organisation panafricaine et à la passivité du Conseil de sécurité de l’ONU, pourtant à l’origine de la saisine de la CPI sur les crimes commis au Darfour. La participation, ces jours-ci, du président soudanais au sommet de l’Union africaine à Johannesburg en offre une nouvelle démonstration : l’Afrique du Sud a accordé l’immunité à tous les dirigeants présents à ce sommet et, en dépit de la demande de la CPI, il est donc très improbable que le gouvernement de Pretoria procède à son arrestation.
Pour que les critiques des dirigeants africains envers le prétendu « deux poids deux mesures » occidental ne puissent être considérées comme une vulgaire manœuvre destinée à se protéger d’éventuelles poursuites, les chefs d’État du continent auraient intérêt à faire de leur pair soudanais un exemple plutôt que de lui offrir de régulières tribunes. La justice internationale est, certes, encore très imparfaite, mais les victimes d’Omar Al-Bachir, qui attendent que justice leur soit rendue, sont bien réelles. Et elles ne sont pas occidentales mais africaines.
Source : Edito du Monde mardi 16 juin 2015: Indispensable justice internationale