Le président rwandais Paul Kagame, archi-favori à sa réélection le 4 août, est salué par ses admirateurs pour avoir mis fin au génocide de 1994 et orchestré le développement de son pays, mais est perçu par ses détracteurs comme un despote inflexible.
L’ancien guérillero, 59 ans, dirige le Rwanda d’une main de fer depuis 1994. Il a été autorisé à briguer un troisième mandat de sept ans à la faveur d’une réforme de la Constitution plébiscitée par référendum en décembre 2015 et qui lui permet potentiellement de diriger le Rwanda jusqu’en 2034.
Cette réforme permet à M. Kagame d’accomplir son “devoir” envers le Rwanda, selon ses propres dires. Mais elle a été très mal accueillie par ses partenaires internationaux, occidentaux en tête, qui perdent de plus en plus patience face à cet homme longiligne au dos voûté, longtemps révéré comme un dirigeant post-colonial modèle.
Sur son continent en revanche, M. Kagame est encensé par ses pairs, qui lui ont même demandé de concevoir la réforme de l’Union africaine (UA). “Kagame est connu comme quelqu’un qui agit, pas quelqu’un qui dit juste des choses, comme les autres”, explique Désiré Assogbavi, officier de liaison de l’ONG Oxfam auprès de l’UA.
Car tous ceux qui ont fréquenté cet homme au visage ciselé, invariablement bardé de lunettes, le décrivent comme une personnalité hors du commun.
Mais le gouffre surprend toujours entre ses critiques qui dénoncent sa volonté de museler la presse comme l’opposition, et ses thuriféraires, souvent des économistes et experts internationaux.
Ceux-ci louent le développement d’un pays exsangue au sortir du génocide – environ 800.000 morts, essentiellement parmi la minorité tutsi dont il est issu – grâce à des programmes axés sur les services, les nouvelles technologies et la modernisation de l’agriculture, et dont l’économie croît désormais de 7% par an en moyenne.
‘Un autoritaire qui s’assume’
L’ancien Premier ministre britannique Tony Blair, un ami proche, le qualifiait de “dirigeant visionnaire”. Et celui que ses collaborateurs appellent “the boss”, au franc-parler parfois peu diplomatique, est décrit par l’écrivain Philip Gourevitch, auteur d’un livre référence sur le génocide au Rwanda, comme un “autoritaire qui s’assume”.
Difficile de percer cet austère père de quatre enfants, parfaitement anglophone mais peu à l’aise en français, avare de confessions sur sa vie privée, dont on sait qu’il joue au tennis et aime le football.
La personnalité de Kagame s’est forgée pendant son exil en Ouganda, où sa famille tutsi a fui pour échapper aux pogroms alors qu’il avait trois ans. Après avoir fait ses armes au sein de la rébellion du futur président ougandais Yoweri Museveni, il lance le Front patriotique rwandais (FPR) depuis l’Ouganda avec d’autres exilés tutsi rwandais.
Kagame n’a que 36 ans en 1994 quand, à la tête du FPR, il chasse les extrémistes hutu du Rwanda, met fin au génocide et prend le pouvoir. Vice-président et ministre de la Défense après 1994, président à partir d’avril 2000, celui qui est sans doute le seul dirigeant à avoir suivi une formation militaire à la fois aux États-Unis et à Cuba, tient de facto les rênes du pays.
Coqueluche
Le FPR, à la poursuite des auteurs du génocide, a été accusé par l’ONU, avec ses alliés congolais, d’avoir tué plusieurs dizaines de milliers de personnes en République démocratique du Congo voisine. Mais qu’importe, Paul Kagame devient la coqueluche d’une communauté internationale contrite par sa propre inaction lors du génocide.
Ce n’est qu’en 2012 que ses alliés durciront finalement le ton, M. Kagame étant accusé de soutenir des rebelles en RDC alors que les critiques quant aux respects des droits de l’Homme se font de plus en plus pressantes.
Au pays des mille collines, ceux qui ont été trop vocaux dans leurs critiques finissent bien souvent en prison ou en exil. Les opposants sont réduits au silence et ceux qui sont autorisés à participer aux élections ne servent que de façade démocratique, selon les observateurs. En 2003 et 2010, M. Kagame remporte les élections avec 95 et 93% des suffrages.
Un des rares journalistes critiques du Rwanda, Robert Mugabe, décrit le président rwandais comme l’archétype du dictateur moderne. “Il y a une nouvelle génération de dictateurs”, soutient-il. “Ces dictateurs sont assez malins pour savoir ce que le monde occidental veut voir et entendre”.
Imperturbable, Paul Kagame dénonce lui l'”arrogance” de l’Occident. “Un dirigeant fort n’est pas nécessairement un mauvais dirigeant, je ne sais pas où nous serions aujourd’hui si un dirigeant faible avait pris la tête du pays” après le génocide, a-t-il justifié au magazine Jeune Afrique en 2016.
Avec AFP