Par Olivier Tchouaffe, PhD, Porte-parole du CL2P
Après son autre retour “triomphal” pour entamer un autre court séjour au Cameroun où il serait prétendument élu, le président Biya a pris l’habitude depuis 35 années que dure son interminable règne, de prendre de longues vacances qui confinent à une résidence en Europe, au point que la journaliste Fanny Pigeaud, observatrice avisée et bien informée sur la politique camerounaise, pense que le pouvoir dans ce pays aurait dû être déclaré vacant à plusieurs reprises.
Comme l’a noté le CL2P à maintes reprises, si M. Paul Biya est ainsi capable de se dérober de façons répétées à ses obligations envers l’État Camerounais, c’est d’abord à cause de la manière dont le pouvoir est institutionnalisé au Cameroun. En effet selon la constitution camerounaise, le régime au pouvoir au Cameroun est qualifié de «présidentiel à pouvoir exécutif renforcé». De facto, le président est un monarque absolu doté d’un pouvoir de prérogatives infinis qui est assimilable en pratique à la légalisation d’un état d’exception permanent. C’est pourquoi le CL2P décrit le Cameroun comme une plantation néocoloniale biopolitique déguisée en État-nation moderne. Dans cet État d’oppression, le président est en fait le remplaçant du maître colonial, sauf que cette fois-ci ce dernier a un visage noire. De plus, comme le souligne Alexis de Tocqueville, ce type de pouvoir aux prérogatives exhorbitantes conduit à une spirale d’autoritarisme qui conserve certaines «formes extérieures de liberté» (pour l’apparence), mais où les gens ordinaires se comportent hélas comme des « animaux » timorés et le gouvernement comme leur berger. C’est d’ailleurs ce qui est au cœur de la crise anglophone au Cameroun, qui a trait en réalité à la nature de la subjectivité politique dans ce pays.
Fondamentalement le problème Anglophone couve une véritable crise institutionnelle.
Et peu importe que les partisans réactionnaires du régime ou ses idiots utiles rivalisent d’arguties pour banaliser ce problème, en se livrant souvent à des attaques ad hominen qui réduisent les contestataires anglophones à un groupe d’ALCOOLIQUES se battant dans un bar miteux. Ces cyniques sont bien conscients que ce genre de tactiques improductives sert d’abord à retarder continuellement une discussion longtemps attendue sur la constitution camerounaise. Et dans cette dégradation généralisée de l’éthique de la discussion politique, le mantra réactionnaire « Le Cameroun est un et indivisible» ne fonctionnera pas non plus, si oui uniquement comme l’expression démagogique d’une autre promesse vide du régime trentenaire en place. Chaque fois que certains partisans et courtisans du dictateur Paul Biya l’auront dit et crié sur les toits, cela suffira-t-il à ramener la paix tant souhaitée par tous dans ce pays, à régler une crise institutionnelle, à créer des emplois, ou au moins à assurer trois repas par jour à chacun des habitants du Cameroun??? Nous en doutons sérieusement…
Il n’empêche, il faut absolument répéter comme des roquets ce slogan imbécile avancé par les thuriféraires d’une dictature trentenaire aux abois, afin de monter les Camerounais les uns contre les autres, avec en filigrane l’instrumentalisation d’un véritable procès en mauvais patriotisme par les faucons du régime en place (comme le nommé Joseph Le, Directeur adjoint du cabinet civil à la Présidence), qui leur permet surtout d’occulter la cause première du soulèvement anglophone: la mauvaise gouvernance chronique.
Les rituels partagés et le respect mutuel aident à souder notre nation.
Cela signifie que nos dirigeants doivent toujours – encore et encore – se montrer à la hauteur face à la critique politique ou même à la colère pure, simple et saine. Alors Minables sont précisément celles et ceux qui se laissent manipuler par cette rhétorique sectaire du “Cameroun uni et indivisible” en se prêtant à leur diversion morbide, sans vouloir précisément en mesurer ses effets pernicieux et véritablement destructeurs pour la nécessaire cohésion et l’indispensable unité du Cameroun.
Pourtant il incombe d’abord au Président de la république de répondre de manière structurée et apaisée aux problèmes des Camerounais. Le CL2P craint que nous ne verrions jamais ce genre d’humilité d’un leader Camerounais dans la culture politique de l’irresponsabilité généralisée qui prévaut à tous les niveaux dans ce pays. Mais nous aurons besoin de le dire et redire. Car si nous ne le faisions pas, l’angoisse du CL2P sur le déclin de notre culture alors sera justifiée. Et d’ici là les Camerounais ordinaires seront peut-être parvenus à exiger mieux de nos dirigeants, nous porterions les blâmes avec eux.
En effet, les Camerounais anglophones sont issus d’une culture politique où la source de l’autorité est la loi; précisément la donnée essentielle qui veut que la loi soit la condition d’un état démocratique. Dans cette culture politique légale, la relation à l’autorité est une relation d’égalité devant la loi et non de soumission à l’autorité. C’est à dire une culture politique fondée sur l’Habeas Corpus, de fortes valeurs démocratiques libérales, et des principes qui sont en contradiction flagrante avec les actions d’un président qui interfère constamment dans le processus judiciaire, mettant en question la validité même des principes démocratiques libéraux, fondamentaux, et exposant de façon flagrante les relais institutionnels, la culture politique, et une idéologie du pouvoir à une violence endémique.
À la base, l’héritage du célèbre roman «Le Vieux Nègre et la Médaille» de Ferdinand Léopold Oyono sonne comme une opportunité pour les Camerounais ordinaires de retourner à la planche à dessin, pour re-penser les pratiques de réflexion sur l’État-nation, la formation du consensus politique contre la conformisme, l’unanimisme, et le rôle quasi institutionnalisé de la violence dans notre pays. Nous devons en effet revoir les questions des libertés, les réalités sociopolitiques et le devoir de mémoire, les traumatismes, les blessures refoulées, les apparences pluralistes, et la normalisation de l’état d’exception. Ce serait surtout une occasion d’analyser les profonds travers institutionnalisés et ancrés, la signification de l’action publique, politique, et morale dominée par un environnement jusqu’ici imbibé des ruines de l’héritage colonial; des ruines encore vivaces et assez puissantes pour continuer à influencer l’environnement politique camerounais contemporain où le président se comporte comme un conquérant souverain plutôt qu’un Primus inter pares.
Cette crise anglophone ne sera pas résolue avec des gens assis autour, faisant la même chose et s’attendant à un résultat différent. Sinon, le président sera toujours au pouvoir dans les 35 prochaines années (la pérennisation du système Biya sans Paul Biya). Parce qu’il n’y aura eu aucun espace pour une véritable politique de rédemption. En somme, la nécessité se fait pressante de renoncer à des intérêts personnels et égoïstes immédiats pour privilégier le bien public si nous voulons collectivement éviter l’anarchie.
Olivier Tchouaffe, PhD, Porte-parole du CL2P
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English version
The Old Negro, the Anglophone Crisis, and the Nature of Political Subjectivity in Cameroon
By Olivier Tchouaffe, PhD, Spokesman of the CL2P
After another “triumphal” return for another short stay in Cameroon, the president has made a habit to take extended vacation in Europe to the point that, according to Fanny Pigeaud, an astute and well informed observer specialized in Cameroonian Politics, the power should have been declared vacant on many occasions. 1
As the CL2P noted on many occasions, Mr. Paul Biya is able to get away with these repeated derelictions of duties for the ways that power is institutionalized in Cameroon. According to the Cameroonian’s constitution, the regime in power in Cameroon is described as “presidential with reinforced strong executive power.” De facto, the president is an absolute monarch with prerogative power which in practice means the legalization of a state of exception. This is why, the CL2P describes Cameroon as a biopolitical neocolonial plantation masquerading as a modern nation-state. In this oppressive state, the president is in fact the replacement of the colonial master but this time with a blackface.
Moreover, as Alexis de Tocqueville points out, this kind of prerogative power leads to a spiral of authoritarianism that retain some of the “external forms of liberty”, but the people behave like timid “animals” and the government would act like their shepherd and this is at the core of the Anglophone crisis in Cameroon which is really about the nature of political subjectivity in Cameroon. The Anglophone is a real institutional crisis, no matter what the regime’s reactionary supporters or its useful idiots are doing to trivialize that debate and engaging in ad hominin attacks like bunch of ALCOHOLICS fighting in a dive bar. In this generalized degradation of the ethics of political discussion, the Reactionary mantra: “Cameroon is one and indivisible” will not work neither besides being another empty promise.
The implication of that terrible fact is that once some supporters of the dictator Paul Biya have so many times said and shouted on the roofs, it will not be enough to bring the peace so much desired by all in this country, to create a framework to decolonize Cameroonian’s constitution, create jobs, or at least to provide three meals a day to each of the inhabitants??? Seriously, we doubt it…
Nevertheless, it is imperative to repeat like pugs this idiotic slogan advanced by the apparatchiks of thirty years old dictatorship to divide the Cameroonians against each other, under the pretext of bad patriotism instructed by hawks of the regime in place (such as Joseph Le), which allows them especially to obscure the root cause of the English uprising: chronic bad governance. So Shabby are precisely those who let themselves be manipulated by this sectarian rhetoric by lending themselves to their morbid diversion, without wishing to measure its pernicious and truly destructive effects for the necessary cohesion and the indispensable unity of Cameroon.
Shared rituals and respect help bind our nation together.
That means our leaders must always — always — take the high road even in the face of political criticism or even outright anger. The burden is on the president and its entourage to respond appropriately to ordinary Cameroonians. The CL2P fear that we will never see that kind of humility from a Cameroonian leader within a generalized de-responsible political culture. But we’ll need to see it again. We must see it again. If we don’t, then the anguish about the decline of our culture will be justified. And unless we the people demand better from our leaders, we will share the blame.
Indeed, these cynics are well aware that these kinds of unproductive tactics is to continuously delay a long overdue discussion on the Cameroonian’s constitution. Indeed, the Anglophone Cameroonians comes from a political culture where the source of authority is the law. Precisely, the knowledge that the law is the condition of a democratic state. In this legal political culture, the relationship to authority is a relationship of equal under the law and not one of submission to authority. Therefore, a political culture founded on Habeas Corpus and strong liberal democratic values and principles which are in flagrant contradictions with the actions of the president constantly interfering with the legal process, putting into question the validity of fundamental liberal democratic principles, however, exposing blatant institutional biases and a culture and ideology driven by violence.
At the core, the legacy of the prescient novel, The Old Negro and the Medal by Ferdinand Oyono, is an opportunity for ordinary Cameroonians to go back to the drawing board to rethink practices of thinking about the nation-state, the formation of political consensus versus conformity and the role of violence. Issues of freedom, socio-political realities and the accumulation of memory, trauma, naturalized knowledge, modes of beings and the normalization of the state of exception. Consequently, an opportunity to analyze deep embedded institutionalized biases and the meaning of political and moral action dominated by a political environment soaked in the ruins of colonial legacy but ruins still powerful enough to continue to influence the contemporary Cameroonian’s political environment where the president behaves as conquering sovereign rather that a primus inter pares.
This crisis will not be solved with people sitting around, doing the same thing and expecting a different result. Otherwise, the president is still going to be in power in the next 35 years because they will not be any space for a real politics of redemption. In sum, the necessity to surrender some immediate self-interest for the public good to avoid eventual anarchy.
Olivier Tchouaffe, PhD, Spokesman of the CL2P