La vérité vient d’En Bas: Pourquoi l’histoire est faîte par des gens qui disent NON
Par Olivier Tchouaffe, PhD, Porte-parole du CL2P
Il y a une discussion cruciale en sciences sociales sur la question de savoir si les institutions ont des intentions. La réponse affirmative à cette question est considérée comme une mauvaise science sociale parce que cette approche interprétative aligne les preuves pour correspondre à une conclusion préexistante et force les gens ordinaires dans des catégories normatives préconçues. Même si la conclusion correspond aux évidences, ce devrait être une coïncidence, plutôt que de construire des preuves pour parvenir à des conclusions préétablies à travers des arguments cosmétiques voulu scientifiques, ce qui en soi constitue un cas flagrant de fraude intellectuelle.
De plus, les individus ont tendance à prendre des décisions sous l’emprise de positions mentales plutôt subjectives basées sur des expériences particulières et personnelles, puis des modèles idiosyncratiques qui ne peuvent pas correspondre à un modèle scientifique. Ce qui importe le plus ce sont les pratiques discursives institutionnelles et leurs relations avec les règles comportementales normatives, les engagements standards et émotifs.
Comment les institutions façonnent l’interprétation politique et sociale des problèmes auxquels les gens ordinaires doivent faire face et limitent les choix en termes de politiques à mettre en œuvre.
Les pratiques discursives dans ce contexte deviennent importantes pour la façon dont les institutions formalisent l’habitude et comment l’habitude normalise les pratiques et les attentes. Ainsi, dans un régime dictatorial comme celui de Paul Biya au Cameroun dont la devise officielle est « La Vérité vient d’en haut », l’attitude attendue de la moindre résistance est de se taire. Cette forme d’autocensure met en évidence l’importance des pratiques, car elles produisent des effets qui poussent des gens ordinaires à adopter eux-mêmes involontairement des comportements qui renforcent le statu quo.
Par conséquent, les gens ordinaires apprennent à se taire parce qu’ils sentent que c’est ce qu’on attend d’eux. Dans ce cas, nous sommes face à un régime où les Camerounais ordinaires sont disciplinés pour supporter le coût personnel de leur propre comportement et/ou mesurer instinctivement le risque associé. Un état privatisé où il n’y a aucune notion de bien public et de responsabilité partagée. Ainsi, un gouvernement qui s’est donné le pouvoir de décider de ce qui est bien ou mal et qui muselle tout message qu’il considère subversif, au prix même parfois de la prison comme celle que purgent le journaliste Ahmed Abba et beaucoup d’autres.
C’est dans ce contexte que, dans une récente mouture, le quotidien La Nouvelle Expression s’est autorisé une couverture osée Vendredi 3 Octobre 2017 sous le titre: “Ces Influenceurs-Web Qui Derangent Le Régime Biya”.
Le journal met en effet en lumière cinq (05) “fauteurs de troubles” qui n’ont manifestement pas reçu le “mémo” du gouvernement: J. Remy Ngono, Patrice Nouma, Boris Bertolt, Paul Chouta, et Michel Biem Tong qui obtiennent une reconnaissance pour leur service public altruiste qui tamise la fiction de la propagande officielle du gouvernement et laisse une grande empreinte politique et culturelle sur la scène camerounaise; ouvrant ainsi des espaces pour la vérité radicale que les Grecs ont appelés parésie.
Ce faisant, ces «fauteurs de troubles» démontrent que se dresser au milieu d’une marée de violence pour dire la vérité au pouvoir est un acte de résistance incroyable. En particulier, lorsque la plupart des camerounais, épuisés par des décennies de culture politique brutale – où dire la vérité au pouvoir est une activité criminalisée – n’ont plus d’énergie pour se défendre, montrant que l’histoire est faîte par ceux qui disent non. Ainsi, savoir dire non est d’une importance radicale.
Et Michel Biem Tong d’ajouter: “Comme tous les Camerounais, nous avons des familles, des femmes, des enfants. Mais nous avons choisi de mettre la République en avant, d’être “la bouche de ceux qui n’ont point de bouche”. Nous aurions dû dire “on va faire comment”, mais nous avons choisi de braver la dictature de Paul Biya sans crainte ni gêne. Si nous avions dit “on va faire comment”, qui mettrait à nu les crimes rituels, la corruption, le vol, les emprisonnements à caractère politique? Que serait le Cameroun sans des voix qui se lèvent et disent non à l’injustice. Nos expériences parlent à chaque camerounais et disent: seul le courage et la témérité peuvent faire trembler un régime totalitaire et sanguinaire comme celui de Paul Biya.”
À ce sujet, Le penseur Français Michel Foucault a défini cette relation en 1983:
Donc, comme vous le voyez, le parrhesiaste est quelqu’un qui prend un risque … Plus précisément, la parésie est une activité verbale dans laquelle un locuteur exprime sa relation personnelle à la vérité et risque sa vie parce qu’il reconnaît la vérité comme un devoir d’améliorer ou d’aider les autres. Les gens (ainsi que lui-même). Au risque de la mort, le parrhésiaste trouve harmonie entre ce qu’il pense et ce qu’il dit – entre ce qu’il dit et son «mode de vie». Radicalisation du risque, la parésie peut perturber les opérations du pouvoir sans prétendre les éluder.
Dans un message pour féliciter Michel Biem Tong, Joël Didier Engo, président du CL2P, écrit:
Notre organisation est honorée de savoir qu’elle collabore au Cameroun avec un des “Influenceurs Web” qui, selon le quotidien La Nouvelle Expression,” dérangent le régime Biya”.
Bravo à Michel Biem Tong, correspondant local du CL2P, et surtout responsable du site d’information en ligne spécialisé dans la défense des Droits de l’Homme: Hurinews.com
C’est la démonstration que le progrès technologique et l’intelligence humaine demeurent l’une des oppositions les plus imprévisibles et redoutées pour une dictature comme celle de Paul Biya (84 ans, 35 années de règne), qui s’est toujours targuée de pouvoir tout contrôler; y compris l’imaginaire des Camerounaises et des Camerounais.
Pourtant sa répression appliquée systématiquement aux leaders d’opinions et le musellement des voix dissonantes pratiqué dans les espaces de débat public, n’ont pas pu empêcher son exposition planétaire par les réseaux sociaux, grâce à celles et ceux-là mêmes qu’elle avait tôt fait de réduire en “apprentis-sorciers, et qui se révèlent à l’épreuve comme les garants fiables du changement démocratique tant souhaité et espéré (souvent en silence) par les millions de camerounais.
“Félicitations Michel!
Quand nous menons une guerre intrépide contre toute forme de contradiction et de débat d’idées sur le terrain politique, ils ressortent où nous les attendons le moins avec plus de résonance et de retentissement que nous pouvions l’imaginer … La vraie bataille contre cette dictature implacable se déroule dans les réseaux sociaux maintenant et se révèle tellement efficace que les partisans les plus arrogants du régime prétendent ne pas être conscients de toutes ses implications, en particulier au niveau judiciaire. Ils finiront par le faire à leurs frais, surtout quand ils seront tenus responsables.”
Ce que Joël Didier Engo fait écho ici, c’est un régime dictatorial qui s’est saoulé de sa propre propagande. Et comme pour beaucoup d’ivrognes, il est devenu inconscient de sa propre décrépitude, comme la pisse puante dégoulinant sur son pantalon pendant sa marche ivre. Comme un saoulard professionnel assis dans sa propre saleté au milieu d’une mer de bouteilles vides, le régime de Yaoundé continue à crier sur tous les toits qu’un pays en ruine fait de mieux en mieux pour se transformer en une risée nationale et internationale.
De plus, prétendre que la «vérité vient du sommet» à Yaoundé a toujours été une fiction. Internet a permis que cette fiction soit exposée et défaite. En cela le régime de Yaoundé n’est pas seulement une bureaucratie de justice criminelle et un producteur de contrevérités. Ce qu’il considère comme le vrai trésor de son gouvernement se situe en son cœur et se traduit par son obsession pour le monopole du pouvoir d’État, les ressources du pays, l’avarice, et l’illusion idéologique d’une immortalité obscène.
Par Olivier Tchouaffe, PhD, Porte-parole du CL2P
English version
La vérité vient d’En Bas (The truth comes from the bottom): Why History is made by people who say NO.
By Olivier Tchouaffe, PhD, Spokesman of the CL2P
There is a crucial discussion in social science on whether or not institutions have intentions. The affirmative answer to that question is considered poor social science because this interpretative approach is a model that marshal evidences to fit a pre-existing conclusion and force ordinary people into normative preconceived categories. Even if the conclusion happen to fit the evidences, it should be a matter of coincidence. Rather than constructing evidences to arrive to pre-existing conclusion of a particular study which, in fact, constitute an intellectual fraud.
More, individuals tend to make decisions on mental states that are subjective and based on particular and personal experiences and idiosyncratic patterns that cannot fit a scientific model. What is more important rather is institutional discursive practices and its relationships to normative behavioral rules, standard and emotive commitments. How institutions shape political and social interpretation of the problems ordinary people have to deal with and limit the choices in terms of policies to be implemented. 1 Discursive practices in this context help us understand for the ways institutions condition, shape and formalize habit. In turn, how habit normalizes practices and expectations. Thus, in a regime where the official motto is “La Verite Vient d’en haut,” “The truth comes from the top,” the expected path of least resistance is to shut up. This form of self-censorship highlights how practices matter because they produce effects where ordinary people unintentionally take behaviors that reinforce the status quo. Hence, ordinary people learn to shut up because they sense that it is what is expected from them. In this case, a regime where ordinary Cameroonians are disciplined to bear personal cost of their own behavior and risk. A privatized state where there is zero notions of public good and shared responsibility. Thus, a government, which gave itself the power to decide what is right or wrong, and how these processes give rise to biopolitics where the government decides who is a “troublemakers” or not.
Hence, In La Nouvelle Expression, Ces Influencers-Wed Qui “Derangent Le Regime Biya” Friday, October 3, 2017, the newspaper highlights five “troublemakers” who clearly did not the government’s “memo” to shut up: J. Remy Ngono, Patrice Nouma, Boris Bertolt, Paul Chouta and Michel Biem Tong.
These folks are getting recognition for their selfless public service sifting fiction from the government’s official propaganda and leaving a large political and cultural imprint on the Cameroonian’s scene opening up spaces for radical truth-telling the Greeks called parrhesia. In doing so, these “troublemakers” demonstrate that standing up amidst a tide of violence to speak truth to power is an incredible act of resistance. Particularly, when most Cameroonians, worn out by decades of a brutal political culture where speaking truth to power is a criminalized activity, have no energy left to stand up for themselves showing that history is made by those who say no, therefore, learning to say no is of radical importance and ramifications.
Michel Biem Tong, one of the “troublemakers” adds, “Like all Cameroonians, we have families, women, and children. However, we have chosen to put the Republic before our own personal needs and desire, to be “the mouth of those who have no mouth”. We should have said, “what we will do how”, but we chose to brave the dictatorship of Paul Biya without fear or embarrassment. If we had said “how are we going to do it?” which would expose ritual crimes, corruption, theft, political imprisonment? What would Cameroon be without voices rising and saying no to injustice? Our experiences speak to every Cameroonian and say: only courage and temerity can shake a totalitarian and bloodthirsty regime like that of Paul Biya.
Hence, Michel Foucault defined this relation in 1983:
Therefore, you see, the parrhesiastes is someone who takes a risk … More precisely, parrhesia is a verbal activity in which a speaker expresses his personal relationship to truth, and risks his life because he recognizes truth telling as a duty to improve or help other people (as well as himself).
At the risk of death, the parrhesiast finds harmony between what he thinks and what he says — between what he says and his whole “way of life.” Radicalizing risk, parrhesia may disrupt the operations of power without pretending to elude them.
Writing to congratulate Michel Biem Tong, Joel Didier Engo, President of the CL2P writes:
“Our organization is honored to know that it is collaborating in Cameroon with one of the “Web Influencers “which, according to the newspaper La Nouvelle Expression, “disturb the Biya regime”.
Congratulations to Michel Biem Tong, local correspondent of CL2P, and especially responsible for the online news site specializing in the defense of Human Rights: Hurinews.com
This is the demonstration that technological progress and human intelligence remain one of the most unpredictable and feared oppositions for a dictatorship like that of Paul Biya (84, 35 years of rule), who has always boasted of to be able to control everything; including the imaginary of Cameroonians and Cameroonians.
Yet, its repression systematically applied to the opinion leaders and the muzzling of the dissonant voices practiced in the spaces of public debate, could not prevent its global exposure through social networks. Thanks to the very ones it had soon reduced to “sorcerer-apprentices, who prove themselves to be the reliable guarantors of the democratic change so desired and hoped for (often in silence) by the millions of Cameroonians.
He then add:
“Congratulations Michel! When we conduct a fearless war against any form of contradiction and debate of ideas on the political terrain, they reflect where we least expect them with more resonance than we could imagine … The real battle against this relentless dictatorship is taking place in social networks now and hurting them so much that the regime’s most arrogant proponents pretend not to be aware of all the implications, especially of the judicial level. They will end up doing so at their own expenses, especially when they will be held accountable.
What Joel Didier Engo echoes here is a dictatorial regime that has gotten drunk on its own propaganda. And as with many a drunk, it’s grown oblivious to its own decrepitude such as the stinking piss on the pants and the drunken walk. Like a bitter lush sitting in his own filth amid a sea of empty bottles, they keep shouting propaganda that a country in shambles is doing better and better turning into a national laughingstock.
More, the pretense that the “truth comes from the top” in Yaoundé and that the regime’s supposedly “investigatory agencies” are performing has always been a fiction. The internet has allowed that fiction to be blown open. The regime of Yaoundé is not a criminal-justice bureaucracy and truth producer. In that, where the government’s treasure is, that is where his heart is which is monopoly of state power, the country resources, greed and an ideological illusion of obscene immortality.
Olivier Tchouaffe, PhD, Spokesman of the CL2P