Entre Mythes et Réalités: Les Leçons du Zimbabwe
Par Olivier Tchouaffe, PhD, Porte-parole du CL2P
Le Zimbabwe n’est toujours pas sorti du bois après la chute du camarade Robert “Bob” Mugabe et ses 37 années de règne sur le pays. Le probable prochain dirigeant du pays n’est autre qu’Emmerson Mnangagwa, également connu sous le nom de “crocodile”, un homme de main intraitable du régime de Mugabe pour ce qui ressemble de plus en plus à une «coup de palais» après que le camarade Bob a décidé d’installer Grace “Gucci “Mugabe comme son successeur trié sur le volet. En somme, le même danger de démagogie, d’opportunisme, et d’autoritarisme politique plane encore sur le Zimbabwe.
En conséquence ce réveil politique tardif au Zimbabwe exige que nous tirions dores et déjà quelques leçons:
1) Premièrement, il n’y a pas d’exceptionnalisme africain comme le «American Dream» ou la construction d’un nouveau «rêve» chinois par Xi Xinping. Retenons que l’État africain ne peut pas être fondé sur un mythe particulier d’exceptionnalisme et c’est pourquoi le CL2P milite pour un État africain fondé sur la démocratie, la primauté du droit, et la justice sociale. Jusqu’ici, le CL2P a argumenté que l’indépendance qui a soufflé sur la plupart des pays africains au début des années 1960 ne constituait pas véritablement une rupture radicale de la domination coloniale, mais seulement un changement dans les modes de domination, où le maître colonial blanc était remplacé par un nouveau maître «nègre».
2) Deuxièmement, la démocratie, la primauté du droit et la justice sociale excluent la notion du « nègre exceptionnel» sur lequel tant de dictateurs africains se sont appuyés pour se construire un statut (voulu républicain) de demi-dieu et donc de gouverner par droit divin. Cette «règle de droit divin» a donné lieu à des « états ethnocratiques » où la privatisation du pouvoir souvent sur des lignes tribales, claniques et familiales, des réseaux opaques et clientélistes, et l’appropriation des ressources a de facto enterré toutes les promesses et espérances d’indépendance réelle sur le continent. Comme le célèbre écrivain Camerounais, Ferdinand Oyono, écrit dans son roman, Le Vieux Nègre et la médaille, et à travers son personnage central, le légendaire Meka, chaque être humain sur cette planète a, comme avec Meka et ses maîtres coloniaux blancs, une inclination pour l’auto-illusion. En effet, Le Vieux Nègre et la Médaille opère une puissante dissection de la folie humaine et de l’auto-illusion destructrice.
3) Troisièmement, pire encore, le type de paternalisme de «papa a toujours raison» supporté et accompagné par l’idéologie du «gagnant prend tout» a conduit à une infantilisation du public en Afrique en «naturalisant» ou banalisant la subordination du corps social de la nation au président / père de la nation. Par conséquent, en privant de la sorte les Africains ordinaires de stratégies d’accumulation de capital humain, beaucoup ont choisi de s’exiler et, dans ce processus, ont pris des risques inhumains (dont nous voyons notamment les manifestations en Libye aujourd’hui); et le développement du capital humain – qui devrait logiquement être assuré par l’État – est complètement inexistant. En pratique, ces femmes, ces hommes, ces enfants payent de leur vie l’extrême privatisation de l’État en Afrique.
4) Quatrièmement, les organisations de défense des droits humains telles que le CL2P luttent pour que les droits de l’Homme mettent à profit la créativité humaine, le risque, et l’innovation afin essentiellement d’ouvrir ou donner le plus d’espace possible au potentiel humain en compliquant singulièrement toutes les formes radicales empruntées par le déterminisme social en Afrique. Ainsi, la nécessité de redéfinir une nouvelle écologie sociale, culturelle, et politique grâce à un activisme permanent contre le déterminisme radical, les idéologies hégémoniques pour parvenir à un nouveau compromis social avec la formation de nouvelles mentalités et influences sociales. Ces processus créatifs reposent sur la capacité des Africains ordinaires à concevoir de nouveaux champs autonomes avec leur propre régime d’historicité, de valeurs épistémiques et esthétiques pour confronter les institutions conventionnelles de production et de contrôle du savoir telles que héritées et martelées par le modèle colonial.
Comment le professionnalisme doit ou peut être redéfini comme autodétermination et indépendance
Ceci est important dans des pays comme le Cameroun où les notions d’esclavage volontaire de la Boétie sont cultivées par l’allocation autocratique des ressources uniquement par le pouvoir en place depuis 35 ans, la propagande, et le contrôle des institutions de connaissance destinés à reproduire le pouvoir autocratique par l’enrôlement des enfants des dignitaires et hauts fonctionnaires du régime en place, dont ceux du dictateur Paul Biya. Par ce processus, il s’agit de naturaliser ou banaliser le statu quo, l’archaïsme social, les clivages ethno-tribaux, et une militarisation des comportements anti-républicains. Dans cette dystopie, il est important que l’association des droits de l’homme, telle que la CL2P, s’engage résolument dans une pédagogie volontariste et démocratique de tous les instants, attendue depuis longtemps à travers la création d’espaces d’autonomie associative de la société civile, afin de promouvoir des standards élevés dans la construction des caractères et des expertises.
Olivier Tchouaffe, PhD, Porte-parole du CL2P
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English version
Between Myths and Realities: Lessons from Zimbabwe
By Olivier Tchouaffe, PhD, Spokesman of the CL2P
Zimbabwe is still not out of the woods after the fall of comrade Robert “Bob” Mugabe after 37 years of reign in the country. The probable next leader of the country is no other than Emmerson Mnangagwa also known as the “crocodile” a well -known chief enforcer of the Mugabe’s regime for what increasingly looks like a palace coup after Comrade Bob decided to install his unpopular wife Grace “Gucci” Mugabe as his handpicked successor. In sum, the same danger of demagoguery and political opportunism still looms large in Zimbabwe.
Hence, to take this political awakening in Zimbabwe requires hard-earned lessons:
– First, there is no such a thing as African exceptionalism as an American form of exceptionalism or Xi Xinping’s construction of a new Chinese “Dream.” African states are colonial invention, therefore, the African state cannot be based on a particular myth of exceptionalism and that is why the CL2P militates for an African state that is based on democracy, the rule of the law, and social justice. So far, the CL2P has documented that the independence that swept most African countries in the early 1960s did not constitute a radical rupture from colonial rule but only a shift in modes of domination where the colonial master was replaced by one in blackface.
– Second, democracy, the rule of the law and social justice rules out the notion of the “exceptional Negro” the African dictators have relied upon to build for themselves god-like statue and therefore rule by divine right. This “rule by divine right” has given ways into “ethnocratic state” where the privatization of power alongside tribal line, patrimonial clientelist network and rent-seeking have de facto buried the promises of the independence on the continent. As the prescient writer, Ferdinand Oyono, write in his powerful novel, The Old Negro and the medal, and through his central character, the legendary Meka, every single human being on this planet, as with Meka and his white colonial masters, has an inclination for self-deception. Indeed, The Old Negro and the Medal is a powerful dissection of human folly and destructive self-deception.
– Third, even worse, the kind of paternalism created by father knows best politics, the ideology of “winner takes all” mentality and the infantilization of the public that naturalizes the subordination of the social body of the nation to the president/father of the nation. Therefore, deprived from human capital accumulation strategies. Consequently, many chose to go into exile and, in the process, take into themselves risks and human capital building that should be provided by the state. In practice, paying with their lives from the privatization of the state.
– Fourth, human right organization such as the CL2P are fighting for human rights to leverage creativity, risk, and innovation to open up possibilities to complicate radical forms of social determinism. Thus, the necessity to redefine a new social and cultural ecology and an ecology of action to resist radical determinism, hegemonic ideologies and compromise through the formation of new mentalities and social influence. These creative processes are predicated on the capacity of ordinary Africans to design new autonomous fields with its own regime of historicity, epistemic and aesthetic values to confront conventional institutions of knowledge production and control.
How professionalism is redefined as self-determination and independence.
This is important in countries such as Cameroon where notions of la Boetie’s voluntary slavery is cultivated by the regime’s autocratic allocation of resources, propaganda and institutions of knowledge and control designed to reproduce autocratic power by the enlistment of children of high ranking officials including the president. In the process, naturalizing the status quo, social archaism, cleavages and a weaponization of bad behaviors. In this dystopia, it is important for human rights organization, such as the CL2P, to engage in a long overdue pedagogy on creating spaces for associational autonomy, high standards and character-building and expertise.
Olivier Tchouaffe, PhD, Spokesman of the CL2P