Pourquoi créer un Comité de Libération des Prisonniers Politiques Camerounais en France?
En lançant ce mouvement, nous sommes uniquement mus par notre devoir de gratitude envers le Cameroun qui nous a vu naître ou grandir. Dans son Traité sur la dette de reconnaissance, le sage japonais du 13e siècle, Nichiren conseillait à quiconque de ne jamais oublier la dette de reconnaissance qu’il doit à ses parents, à ses maîtres, et à son pays.
Notre démarche est donc avant tout citoyenne. Nous qui vivons hors du Cameroun, souhaitons apporter notre contribution, si modeste soit-elle, à l’édification d’une société juste.
Protégés par les démocraties qui nous ont accueillis, nous ne pouvons donc rester silencieux face à la dérive de l’institution judiciaire camerounaise, qui prive de nombreux citoyens de leur liberté et les maintient longuement en détention, pour des motifs autres que ceux du droit commun généralement avancés, en piétinant allègrement les règles les plus élémentaires de la procédure pénale.
La libération récente de Michel Thierry Atangana et de l’ancien ministre Titus Edzoa après plus de dix-sept (17) ans de détention et deux condamnations pour les mêmes faits, est en effet venue jeter une lumière froide sur l’existence au Cameroun de nombreux prisonniers, qui doivent leur séjour en prison, non pas pour les faits qui leur sont officiellement reprochés, mais seulement parce que un jour ou l’autre, ils ont été soupçonnés de velléités politiques, ou de faire ombrage au prince par leur popularité réelle ou supposée, ou leur activisme débordant.
Le cas le plus illustratif de cette situation est celui de Pierre Désiré Engo, ancien ministre de l’économie et ancien Directeur général de la Caisse nationale de prévoyance sociale. Après avoir passé 14 ans en prison, Pierre Désiré Engo remplissait toutes les conditions requises pour bénéficier de la remise de peine décrétée par Paul Biya le 18 février dernier, sachant par ailleurs qu’il avait déjà été reconnu prisonnier d’opinion par l’ONU dès 2009. Un Avis de la Commission des Droits de l’Homme avait alors demandé à l’État camerounais de le libérer sous 180 jours.
Lorsqu’on examine attentivement l’affaire Pierre Désiré Engo, on se rend compte qu’il doit son malheur- les procès à tiroirs qu’il affronte depuis 14 ans et qui se sont soldés par trois condamnations sur des bases hautement discutables – à la fondation qu’il avait créée, pour perpétuer la mémoire de Martin Paul Samba, un héros de la résistance à la colonisation allemande.
Un autre cas est celui de Marafa Hamidou Yaya, ancien ministre de l’Administration territorial et ancien Secrétaire général de la présidence camerounaise. Arrêté mi-avril 2012, il a été condamné à 25 ans de prison ferme, officiellement pour “complicité intellectuelle” de détournement de fonds publics en lien avec l’achat d’un avion pour le Président du Cameroun. «Pour cela, le juge s’est fondé uniquement sur ma relation amicale avec un des coaccusés au moment des faits», avait alors commenté le condamné. On sait aujourd’hui après confirmation de l’avocat du Cameroun dans ledit contentieux, Me Akeré Muna, que les autorités Camerounaises avaient entièrement recouvré les millions de dollars qui étaient censés avoir été détournés dans le cadre de l’achat de l’avion présidentiel, en plus d’un aéronef neuf, bien avant le début du procès kafkaïen qui a abouti à la condamnation de M. Marafa.
Les malheurs de Marafa semblent avoir commencé avec la publication de plusieurs milliers de documents confidentiels de la diplomatie américaine suite à une fuite relayée par l’association Wikileaks en novembre 2010. Un câble confidentiel de l’ambassade des États-Unis à Yaoundé dévoilé par Wikileaks le présentait en effet comme le potentiel successeur de Paul Biya. Des révélations qui ne pouvaient faire plaisir aux autres candidats généralement présentés comme des «fils adoptifs» du Président qui semblent être déjà dans une sourde mais fratricide bataille de succession, à fort repli tribal et villageois.
Messieurs Pierre Désiré Engo et Marafa Hamidou Yaya sont loin d’être les seuls prisonniers manifestement politiques au Cameroun, ni les seules victimes de l’arbitraire judiciaire et carcéral dans ce pays. Il y en a tant d’autres encore qui, pour des motifs d’incarcération les plus variés, les plus fallacieux, méritent aussi que nous leur accordions toute notre considération.
Aussi le Comité de Libération des Prisonniers Politiques (CL2P) se chargera sans relâche: d’étudier les dossiers au cas par cas, de sensibiliser les opinions publiques (nationales et internationales), puis de mobiliser toutes les forces, organisations, et institutions internationales pouvant concourir efficacement à la libération de celles et ceux dont le caractère politique ou arbitraire de la détention aura préalablement été établi.
Pour le Comité de Libération des Prisonniers Politiques (CL2P) du Cameroun
Joël Didier ENGO, Le Président