Cameroun: Mauvais procès pour le mauvais “Secret Bad Guy”
Par Olivier Tchouaffe, PhD, Porte-parole du CL2P
Comme pour l’enlèvement du Dr Nganang par les services secrets camerounais et son prochain «procès», il est important de noter que la mauvaise personne est mise en jugement. Les personnes à juger sont celles qui dirigent la guerre civile contre les Camerounais anglophones et non les récits juvéniles et simplistes où le Dr Nganang devient le « méchant » responsable des troubles dans le Nord-ouest et le Sud-ouest du Cameroun. Pendant que le président part en comme à l’accoutumée en vacances, toutes ces sinistrées conneries ont le don de pointer la banalisation hystérique de la culture du crime politique au Cameroun.
Drôle de pays en effet que ce Cameroun de Paul Biya où des journalistes dits de la presse indépendante soutiennent ouvertement l’enlèvement puis la séquestration d’un écrivain, universitaire, et activiste par des “tontons macoutes” du régime dictatorial en place. Les grands hommes peuvent ainsi avoir des pieds d’argile mais être encore de grands hommes, y compris face à un dictateur qui pense qu’il est le fondement même de la loi.
Cependant, ceux-ci pourraient ne pas ou plus être que de vagues épisodes du grotesque feuilleton qui se joue au Cameroun depuis plus de deux décennies, malgré que le gouvernement camerounais est précisément connu pour exceller en la matière, n’eût été les conséquences désastreuses pour le pays. Hubris est la sage-femme de Némésis et le gouvernement, en arrêtant le Pr. Nganang, a par inadvertance ouvert les portes de l’enfer au régime en place depuis 35 ans, puisque le Pr Nganang n’est pas taillé dans la même étoffe que les voyous robotiques qui, comme dans une certaine routine, ne se sont guère souciés de penser à ce qu’ils faisaient.
La politique partisane fait ainsi accomplir des choses bien étranges aux esprits humains. Le CL2P assiste donc médusé à toutes ces déclarations, faîtes parfois par des personnalités les plus insoupçonnables, qui profèrent, appuient, et justifient sans la moindre réserve les menaces de mort qui pèsent désormais sur l’écrivain Patrice Nganang, en alléguant notamment de propos injurieux que l’infortuné aurait tenus dans les réseaux sociaux à l’endroit de l’épouse d’un dictateur sanguinaire, autorisé lui à tuer et massacrer à volonté ses potentiels concurrents, ses critiques, et les populations civiles anglophones récalcitrantes…
Les mêmes rigolos jurent la main sur le cœur que le “Cameroun est une démocratie apaisée”, qui mériterait d’être respecté dans le concert des nations civilisées.
Pourtant une fois de plus et peut-être de trop, le régime de Paul Biya utilise les tribunaux et les médias pour tenter de régler les conflits politiques. Ce faisant il élude comme toujours toute responsabilité, tout en refusant de reconnaître les victimes comme telles, surtout à leur concéder un minimum de droits à une procédure régulière; placées qu’elles sont régulièrement face à ses politiques agressives, autoritaires, réactionnaires, et meurtrières qui concourent uniquement à renforcer le statu quo, puis à reproduire la domination sociale de la caste dirigeante dans un État qu’elle veut éternellement de parti unique au Cameroun (le pluralisme affiché n’étant en réalité qu’un bel emballage).
Le CL2P a à maintes fois dénoncé l’utilisation par le gouvernement des incriminations « d’outrage» au chef de l’État et de corruption littéralement montés de toute pièces pour priver les Camerounais ordinaires de leurs droits fondamentaux. Les accusations d‘ «outrage» et de «corruption» sont en effet de nature contradictoire dans un contexte de répression profondément enraciné et d’escroqueries généralisées. Ce faisant, le fait même de sélectionner des « pommes pourries » ne sert pas la fin de la justice, mais contribue à entretenir un cirque cynique. Car en réalité, l’usage de ces lois dites d’outrage sert d’abord à étouffer les dissensions internes au Cameroun et à soumettre les Camerounais ordinaires à une conformité rigide. À ce sujet Karin Deutsch Karlekar du groupe de plaidoyer PEN America déclare: «Détenir une voix indépendante importante comme Patrice Nganang, qui a utilisé son écriture pour enquêter sur les conséquences de la violence, est un signe d’un mouvement du gouvernement pour faire taire toute critique politique et démanteler le droit à la libre expression.»
Le régime du despotisme légal de Yaoundé doit être jugé parce que le pays a besoin d’un changement majeur dans les pratiques et les normes juridiques. Ce changement majeur est important pour redéfinir les relations ordinaires des Camerounais avec l’État et les rapports des camerounaises ordinaires entre eux.
Au fond, le procès de Nganang est la marque ultime d’une stupidité judiciaire infinie.
Et dommage que beaucoup de Camerounais ne s’aperçoivent que maintenant du processus de travestissement avancé de l’institution judiciaire par la dictature de Paul Biya.
N’ayant en effet pas voulu prêter attention à tous les autres procès kafkaïens qui jalonnent l’épuration politique dans ce pays depuis plus de deux décennies, ils réalisent enfin grâce à Patrice Nganang, combien les “talibans” du régime de Yaoundé peuvent littéralement instruire toutes les accusations les plus grotesques contre tous ceux qu’ils considèrent (souvent à tort) comme des “dangers” pour leur grand timonier.
Elles rivalisent alors d’une infinie bêtise doublée de cruauté…
Lorsque les futures générations ouvriront les archives judiciaires du Cameroun durant les années de règne de Paul Biya, ils nous reprocheront tous comment nous avons pu laisser ces messieurs humilier de la sorte ce grand et beau pays qu’est le Cameroun, que nous portons si haut dans notre estime.
Vivement que tout cela prenne fin!
Olivier Tchouaffe, PhD, Porte-parole du CL2P
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English version
Cameroon: Wrong Trial for the Wrong “Secret Bad Guy”
By Olivier Tchouaffe, PhD, CL2P Spokesman
As with the Dr Nganang’s kidnapping by the Cameroonian’s secret services and his upcoming “trial” is important to note that the wrong person is being put on trial. The right persons to be put on trial are the one directing the civil war against the English-speaking Cameroonians and not juvenile and oversimplified narratives where Dr. Nganang become the “bad guy” made to be responsible for the unrest in north and south west Cameroon while the president gets to go on vacation.
This points to the hysterical trivialization of the culture of political crime in Cameroon. A funny country like that of Paul Biya, where even so-called journalists of the “independent press” openly support the kidnapping and sequestration of a writer, academic, and activist by Biya’s “Tonton macoutes.” Hence, Great men can have feet of clay and still be great men, particularly, a dictator who think he is the law unto himself.
However, these might be no more than episodes from the grotesque soap opera, the Cameroonian’s government is known for, had it not had significant consequences for the country. Hubris is the midwife of nemesis and the government by arresting Pr. Nganang might have inadvertently opened up the gates of hell for the regime since Pr. Nganang is not cut from the same cloth as the robotic goons who did not bother to think about what they were doing as usual.
Hence, partisan politics does strange things to human minds. We now witness folks proffering and justifying without any reserve the death threats that are now hanging over Pr. Nganang, alleging in particular, the so-called insulting remarks that the now unfortunate Dr. Nganang would have made on social networks against the bloody dictator. While Dr. Nganang’s life hangs in the balance, it is inconsistent with the idea of the president being authorized to kill and massacre at will his potential competitors, his critics, and the recalcitrant English-speaking civilian populations…
The same jokers swear hand on heart that “Cameroon is a peaceful democracy”, which deserves to be respected in the concert of civilized nations.
One more, the Biya’s regime are using the courts and the media in attempts to settle political conflicts. In doing so, the regime evades accountability while refusing to recognize the victims of the regime and their rights for due process for its aggressive authoritarian and reactionary politics to reinforce the status quo and the reproduction of social domination of one-party state in Cameroon.
The CL2P has many times condemned the government’s uses of “outrage” laws and trumped up corruption charges to rob ordinary Cameroonians of their rights. “Outrage” and “corruption” charges are contradictory laws in a deep precarious context of repression and widespread wrongdoings. In so doing, to single some “bad apples” does not serve the end of justice but serve as bread and circuses. As a matter of fact, the usage of these laws is to stifle dissents and shape ordinary Cameroonians into conformity. Hence, Karin Deutsch Karlekar at advocacy group PEN America said: “Detaining an important independent voice like Patrice Nganang, who has used his writing to investigate the consequences of violence, is indicative of a movement by the government to silence all political criticism and dismantle the right to free expression.”
The regime of Yaoundé’s Legal Despotism must be put on trial because the country needs a major shift in legal practices and norms. This major shift is important to redefine ordinary Cameroonians’ relationship with the state and ordinary Cameroonians relationships with each other’s.
Indeed, the Nganang trial is the ultimate mark of an infinite judicial stupidity.
Too bad that many Cameroonians only realize so late the instrumentalization of judicial institutions by the dictatorship of Paul Biya. Having not wanted to pay attention to all the other Kafkaesque lawsuits that punctuate the political cleansing in this country for more than two decades, ordinary Cameroonians are now coming to the full realization, thanks to Patrice Nganang, how the “Taliban” of the Yaoundé regime can literally instruct all the most grotesque accusations against all those whom they consider (often wrongly) as “dangers” for their great helmsman.
They compete with an infinite stupidity doubled by cruelty…
When future generations will open the judicial archives of Cameroon after the reign of Paul Biya, they will reproach us all how we were able to let these gentlemen humiliate in this way the great and beautiful country that is Cameroon, we wear so high in our esteem.
Strongly that all this ends!
Olivier Tchouaffe, PhD, CL2P Spokesman