Le pouvoir et les cobayes politiques au Cameroun
Les élections en régime autocratique sont une autre expérimentation politique où le dictateur trompe le peuple afin qu’il obtienne et affiche une onction populaire forcément imméritée. Les régimes autoritaires reposent tous sur des pratiques frauduleuses qui, parfois, sont considérées comme naturelles. En pratique la dictature est en fait une quête permanente d’expérimentation politique. L’histoire de la dictature est toujours faîte de pratiques trompeuses et les populations constituent ses cobayes.
Ainsi, l’élection n’est pas la pierre angulaire de la démocratie dans les régimes autocratiques où toutes les institutions sont privatisées, il n’y a aucune séparation de pouvoir et pas de libertés publiques pour le moins qu’on puisse dire dans ces régimes. Le dictateur sape constamment le système judiciaire en nommant des juges flexibles à tous les niveaux de la magistrature, des nominations qui continueront à avoir un effet longtemps après que le dictateur a quitté le pouvoir, et qui ont même parfois le potentiel de voir se perpétuer les violations des droits humains par les administrations successives.
Les régimes autoritaires sont connus pour truquer le système de vote de haut en bas – du choix des candidats à la manipulation des scrutins. La privatisation de l’État entre les mains du tyran rend la compétition politique non seulement coûteuse, mais aussi impossible pour quiconque s’y hasarde sans son consentement tacite; sauf bien évidemment pour certains candidats hyper-connectés à des réseaux d’influence et ceux qui comptent sur de puissants soutiens extérieurs, parce que le népotisme et le clientélisme sévissent dans l’autocratie. De plus, tous les camerounais qui sont éligibles n’ont pas le même accès au vote, et surtout pas un droit égal de s’y présenter. Fondamentalement parce que dans ce marché de dupes qui prévaut dans la scène politique camerounaise, il semble acquis et concerté entre les acteurs choisis par le dictateur que les prisonniers politiques soient absolument privés de leurs droits.
Une autre raison est que les électeurs ne sont pas suffisamment éclairés sur le vote et les campagnes politiques. Le système éducatif s’écroule et les médias sont ou des caisses de résonance de la pensée unique, ou censurées, quand bien même le paysage médiatique offre une belle façade pluraliste.
Par conséquent, les démocraties meurent lorsque les électeurs sont trompées. Certes les dictateurs meurent aussi – mais que faire si le système ne permet qu’à une poignée de psychopathes d’arriver au pouvoir?
À ce égard, l’une des missions du CL2P est de fournir aux citoyens ordinaires des connaissances civiques leur permettant de penser de manière critique et autonome, puis de voter en conséquence. Cela commence bien évidemment avec les Camerounais ordinaires qui soient en mesure de refuser de prolonger indéfiniment la mascarade électorale du régime de Biya, qui les utilise uniquement comme des cobayes. En effet, pouvoir faire la différence entre la propagande et la démonstration politique, c’est-à-dire avec des actions qui ont un sens dans leur propre vie réelle serait déjà une indéniable avancée, afin notamment d’établir une distinction claire entre la vie biologique et biographique.
Le savant français, Didier Fassin, appelle la vie biographique, la capacité de sacraliser sa propre vie à travers son intégrité personnelle et son témoignage. Il commence par le postulat que la connaissance de la vie n’est jamais complètement saisie, que lorsque l’existence et la vie vécue se rejoignent. C’est la vie à travers laquelle les Camerounais ordinaires peuvent, en toute indépendance, donner un sens à leur propre existence. En tant que tel, faire de sa vie une biographie implique deux qualités spécifiquement humaines: donner un sens aux événements qui se sont produits et utiliser le langage pour le transmettre.
Ainsi, nous devons privilégier une «politique de la vie» avec des formes ou des choix de politiques qui donnent une valeur spécifique à la vie humaine; par opposition à la «vie nue» produite par des États autocratiques punitifs, où la vie humaine est réduite à la chair de cobayes. Les vies biographiques sont fondées sur des principes humanitaires, comme la pratique de la gestion de la vie précaire, qui doit considérer chaque personne comme une personne à part entière. Dans sa formulation du concept de biolégitimité, Didier Fassin part donc de la reconnaissance que le droit à la vie est devenu prioritaire sur le plan des droits humains, en relation (directe) avec les droits sociaux et économiques.
Aussi, le premier mandat de tout gouvernement humanitaire est de protéger la vie humaine sans la mettre inopportunément en danger.
Le Comité de Libération des Prisonniers Politiques
English version
Power and Political Guinea Pigs in Cameroon
Elections in autocratic regime are another political experimentation where the dictator tricks the people into gaining an undeserved political unction. Authoritarian regimes are all built on fraudulent practices that in times come to be seen as natural. In practice, the dictatorship is in fact a quest of political experimentation. The history of dictatorship is always a history of deceptive practices and the people its guinea pigs.
Thus, election is not the cornerstone of democracy in autocratic regimes where there all the institutions are privatized, there are no checks and balances and no public liberties to say the least. The dictator constantly undermines of the judicial system through the appointment of pliant judges across all levels of the judiciary, appointments that will continue to have an effect long after the dictator leaves office and have the potential for subsequent administrations to get away with eroding human rights more easily.
Authoritarian regimes are known to rig the voting system from the bottom-up—from choice of candidates to cheating at the polls. The privatization of the state in the hands of the tyrant makes running for office not merely expensive but impossible for anyone but the super-connected because nepotism runs rampant in autocracy.
More, not all Cameroonians who are eligible has equal access to vote because we have political prisoners who are deprived of their rights. Another one is that voters go to the polls to make an informed decision. Yet, however, the education system sucks and the media – both of which are prerequisites for voters to be less susceptible to populism, are in the hands of the dictator.
Hence, democracies die when voters want to be lied to. Studying liars who just happen to come along and supply what happens to be in demand is secondary. Dictators will come and eventually go – but what if the system only for a string of psychopaths to come to power?
One of the CL2P’s missions is to provide for civic knowledge for ordinary citizens to think critically & vote accordingly. That begins with ordinary Cameroonians refusing to continue the Biya’s regime charade that uses them solely as guinea pigs. Knowing the difference between propaganda and demonstration which mean actions that make sense in their own lives in order to make the difference between biological and biographical lives.
The French scholar, Didier Fassin, calls biographical life, the capacity to sanctity one own life through personal integrity and testimony. It begins with the knowledge that life is never grasped more fully than when existence and living come together. Thus, the life through which ordinary Cameroonians can, independently, give a meaning to their own existence. As such, making one’s life into a biography implies two specifically human qualities: making sense of events which have occurred and using language to transmit it. Thus, a “politics of life” that constitute forms of politics that give specific value and meaning to human life as opposed to the “bare life or the naked life produced by punitive autocratic states where human life is reduced to flesh and the state of guinea pigs.
Biographical lives are predicated on humanitarian principles, as the practice of governing precarious lives, that must consider every person as equal. In his formulation of the concept of biolegitimacy, consequently, Didier Fassin begins from the recognition that the right to life has gained priority on the human rights agenda in relation to social and economic rights.
Therefore, the first mandate of any humanitarian government is to protect human life not endanger it.
The Commitee For The Release of Political Prisoners