Le CL2P: sur les droits Humains, le tribalisme et l’antipolitique en Afrique
Par Olivier J. Tchouaffe, PhD, porte-parole du CL2P et Joël Didier Engo, président du CL2P
Le CL2P en tant qu’organisation de droits humains s’oppose à toutes les formes de discriminations. Comme son mentor, le révérend Dr. Martin Luther King, le CL2P comprend qu’«Une injustice commise quelque part est une menace pour la justice dans le monde entier».
En même temps, le CL2P comprend que la politique tribale est une réalité sociale qui ne peut être simplement ignorée parce que le tribalisme sert d’objet de manipulation et de démagogie pour les politiciens corrompus, afin de privatiser les ressources et construire leur propre réseau de clientélisme, plutôt que de répondre aux besoins et aux engagements pris devant les électeurs.
Cependant, il est important de rappeler que les gens qui s’engagent dans la politique tribale et la pratiquent sous toutes ses formes, sont des personnes très dangereuses, délibérément orientées dans l’antipolitique, et qui doivent être dénoncées à tout bout de champ. Car les anti-politiques sont fondés sur la fausse idée que les gens ordinaires ne sont pas des acteurs rationnels motivés par un intérêt éclairé, mais par des caractéristiques essentialistes biologiques telles que la race, l’ethnie, l’appartenance clanique, les liens familiaux, etc…Ils orientent donc le débat politique dans une réalité sociale misérable, appauvrie, démagogique, et irrationnelle. Une réalité démagogique et irrationnelle appauvrie où le concept de «tribus» et d ‘«ethnicité» sert à naturaliser la politique colonialiste démographique et raciste, qui a servi à diviser pour conquérir et à faciliter la colonisation du continent par les impérialistes puis les néo-colonialistes.
Il devient alors évident que les concepts de races, de tribus, et d’ethnicité dans l’Afrique contemporaine n’ont rien à voir avec les sociétés africaines traditionnelles où le concept de tribus et d’ethnicité ne signifiait pas la même chose à l’époque. De plus, la réalité est que nous sommes tous essentiellement des Bantous, Ce qui signifie que nous avons tous plus ou moins un socle commun, davantage que ce qui nous sépare idéologiquement. Donc l’ethnicité et le tribalisme n’a aucune justification biologique.
(écouter notamment comment l’historienne Françoise Vergès décrypte la question de la race ).
https://www.facebook.com/JTAfrique/videos/1666149926780249/
De plus, puisque les « anti-politiciens » ne croient pas que l’être humain est un acteur rationnel, pour eux la violence devient la solution à tous les problèmes politiques. Pour que la vraie politique ait lieu, cependant, il est nécessaire de reconnaître que les gens ordinaires sont des acteurs rationnels qui comprennent parfaitement leur propre intérêt éclairé et répondent à des structures d’opportunités, d’incitations, et de choix. Le pouvoir des anti-politiciens, cependant, est la politique de la division, eux contre nous. Donc, une vision manichéenne et conspiratrice profonde de la politique et aucun principe rationnel; la violence et la réalité immuable que les politiciens sont juste là pour servir leurs propres intérêts et rien d’autre. Quelle façon de vivre!
Inutile de dire que ces types de croyances produisent des résultats très néfastes, mais qu’ils rendent aussi extrêmement difficile de parler de vrais problèmes comme la frustration légitime, l’humiliation, la paranoïa de masse, et de l’argument stupide du «privilège» fondé sur la croyance en un «pouvoir aux bouts des poignets» qui a toujours fait le lit des pires et des plus laids éléments parmi nous.
Sans le nier, il y a effectivement de nombreuses raisons d’être frustrés par le régime de Biya.
Pour commencer, le nombre énorme de chômeurs, face à une minuscule élite gérontocratique plus intéressée à préserver ses privilèges et son pouvoir, que par la création d’emplois; dans un contexte économique catastrophique, de corruption endémique, de despotisme légal, de violence et des conflits civils. Le problème avec la « politique au bout du poignet » c’est précisément qu’elle donne ou prête plus de pouvoir à des dictateurs, comme Paul Biya, plus qu’ils en ont réellement. Dans leur désir de «riposter» de façon brute et primaire, les «anti-politiciens», sans le vouloir nécessairement, donnent la priorité à la violence et se jettent directement dans les bras de Biya.
Car tant que le débat porte sur qui est le plus fort, Biya gagnera toujours à tous les coups parce qu’il a plus de puissance de feu que n’importe qui d’autre au Cameroun, et il est le soi-disant président de la «loi et de l’ordre», le garant d’une constitution taillée sur mesure par lui et pour lui. En effet, Paul Biya ne craint pas une insurrection armée au Cameroun. Aussi les personnes qui veulent s’engager dans la violence y compris verbale contre le régime de Yaoundé donnent juste à ce régime suffisamment de ficelles et de munitions que le régime réutilisera contre elles pour les pendre. Parce qu’une insurrection armée est dans la zone confortable de Biya. Par son naturel d’homme profondément méchant, fourbe, et revanchard il a montré maintes fois qu’il ne craignait pas de tuer, mutiler, emprisonner et torturer des milliers de Camerounais ordinaires et de mettre tous les troubles et difficultés rencontrés par son régime sur le dos des forces voulues étrangères.
En fait, Paul Biya est réduit à la politique de guerre depuis que son agenda politique est mort-né en 1984 après le premier coup d’État contre son régime. Achille Mbembe écrit à ce sujet que quelles que soient les «idées réformistes» qu’il a pu avoir, elles sont mortes après ce coup d’état.
Au contraire, ce que les autocrates comme Biya craignent plus que tout, c’est une population organisée et radicalisée qui dira comme un seul homme «yes we can». Le travail d’organisation demande ainsi plus de patience et de temps, que les partisans de «l’antipolitique» n’ont pas ou ne veulent pas prendre. Dans leur désir irrépressible d’affronter Biya, ils vont certainement perdre parce que ce qu’ils font, c’est se priver de leurs propres armes politiques. Le vrai moyen de vaincre les régimes autocratiques est de savoir choisir ses batailles et ne pas simplement tomber dans le piège de la guerre.
Que reste -t-il à faire? La seule solution à la guerre civile que nous voyons fomenter partout dans le monde est la transparence complète du gouvernement et des institutions; et c’est principalement sur cela que des organisations des droits de l’Homme comme le CL2P se concentrent. Laissez les gens voir les vraies conséquences des choix qui sont faits en leur nom et la démocratie se traduira dans les faits et pour le plus grand bien de tous.
Cela se traduira surtout par un type complètement différent de société, dans laquelle le statut individuel n’est pas défini presque entièrement par l’ethnicité, la tribu, et le pouvoir. Cela ne veut pas dire que tous sont a priori égaux dans l’ordre naturel de l’existence, mais nous devons veiller à ce que les opportunités soient égales pour tous. Un nouveau monde où les «gagnants» sont assignés par un impératif inné de veiller à ce que les «perdants» soient également pris en charge.
Par conséquent, quoi que vous pensiez d’une opinion ou position politique divergente ou différente, dans une société civilisée, le désaccord ne devrait pas être suivi de menaces de violence, de propos injurieux, de langage incendiaire, et d’attaques au vitriol…mais guidé par la nécessité de produire des récits inclusifs afin de construire une identité collective, de parvenir à un consensus national.
C’est comme cela qu’on peut surmonter les régimes autocratiques.
Olivier J. Tchouaffe, PhD, porte-parole du CL2P et Joël Didier Engo, président du CL2P
Martin Luther King, Jr. – Injustice Anywhere Is a Threat to Justice Everywhere
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English version
The CL2P: On Human Rights, Tribalism and Anti-Politics In Africa
By Olivier J. Tchouaffe, PhD, Spokesperson of the CL2P and Joel Didier Engo, President of the CL2P
The CL2P as a human right organization stands against any forms of discrimination whatsoever. As with its mentor, the reverend Dr. Martin Luther King, the CL2P understands that “an injustice anywhere constitutes an injustice everywhere.”
At the same time, the CL2P understands that tribal politics is a social reality that cannot be simply wished away because tribalism serves as a wedge issue for corrupt politicians to privatize resources and build their own patronage and clientelist network rather than the voters’ political needs. However, it is important to remind that folks who engage in tribal politics to exploit it, in some forms, are very dangerous people engaging in anti-politics and must be denounce at every turn.
Anti-politics are predicated on the wrong idea that ordinary people are not rational actors driven by enlightened self-interest but by some kind of biological essentialist features such as race, ethnicity, clan affiliation, family ties and so on, in order, to thrown the political debate into an impoverished demagogic irrational social reality. An impoverished demagogic and irrational reality where the concept of “tribes” and “ethnicity” serves to naturalize colonialist demographic and racist colonialist politics that served to divide and conquer and make it easier for the colonialists to take over the continent.
It is clear that the concept of tribes and ethnicity in contemporary Africa has nothing to do with traditional African societies where the concept of tribes and ethnicity did not mean the same thing back then. Plus, the reality that we are all mostly Bantus that means more of the same.
More, since “anti-politicians” do not believe that human being are not rational actors, violence is the solution to all political problems. For real politics to take place, however, there is a need to acknowledge that ordinary people are rational actors who understand their own enlightened self-interest and respond to structures of opportunity, incentives and choices. The power of Anti-politicians, however, is us versus their politics, a deep conspiratorial view of politics and no principles, violence and the unchangeable reality that politicians are just out there to serve their own interests and nothing else. What way to live!
Needless to say that these kinds of beliefs produce very nefarious outcomes but something that it is hard to talk about which is a sense of frustration, humiliation, mass paranoia, and the silly argument about “privilege” based on the belief on “naked power” which always elevate the worst and the ugliest among us.
Indeed, there are many reasons to be frustrated with the Biya’s regime, from the huge numbers of unemployed and a gerontocratic elite more interested in preserving their power than creating jobs, the struggling economy, to the corruption to legal despotism and violence and all kinds of civil conflicts. The problem with “naked politics,” however, is that it gives way more power to dictators, such as Paul Biya, than they really have. In their desire to “fight back,” the “anti-politicians,” unwittingly, prioritize violence and play directly into Biya’s hands, because as long as the debate is about who is the strongest, Biya will always win because he has more firepower than anybody else in Cameroon and he is the so-called “law and order” president. Paul Biya does not fear an armed insurrection in Cameroon. Thus, people who want to engage in violence against the regime of Yaoundé are just giving that regime enough ropes that the regime will use to hang them.
This is because an armed insurrection is within Biya’s comfortable zone since, as a mean and vengeful man, he has shown many times he does not mind killing, maiming, jailing and torturing thousands of ordinary Cameroonians and blame all foreign unrests against his regime as foreign interferences. In fact, Paul Biya is reduced to warfare politics since his political agenda died in 1984 after the first coup d’etat against him. Achille Mbembe writes that whatever “reformist ideas” he had back then went dead.
On the contrary, what he does fear is an organized and radicalized population that will say no more. The work of organizing, however, takes more patience and time that the partisan of “anti-politics” do not have and in their desire to take on Biya, they will certainly lose because what they are actually doing is politically disenfranchising themselves. The real way to overcome autocratic regimes is to know how to pick your battles and not simply walk into a trap.
What is to be done? The only solution to the civil strife we see fomenting all over the world is complete transparency of government and institutions and that what human right organizations, such as the CL2P, are focusing on. Let people see the true consequences of the choices being made in their names and democracy will result in the greatest good.
This will result in a completely different kind of society in which individual status isn’t defined almost entirely by ethnicity and power. That isn’t to say all are equal within the natural order of existence, but that opportunity is equal and ‘winners’ are defined by an innate imperative to ensure ‘losers’ are cared for too.
Consequently, whatever you may think of a particular political position, in a civilized society, disagreement should not be followed by threats of violence, inflammatory language and vitriolic abuse and the necessity to produce inclusive narratives to build collective identity as the condition sine qua none to overcome autocratic regimes.
Olivier J. Tchouaffe, PhD, Spokesperson of the CL2P and Joel Didier Engo, President of the CL2P