Le vieux nègre: pouvoir, obsession du statut, et respectabilité dans la post-colonie
Par Olivier J. Tchouaffe, PhD, Porte-parole du CL2P
Le célèbre roman de Ferdinand Oyono, Le Vieux Negre et la Médaille, en dit long sur les pratiques de la filiation et de l’éducation morale, en particulier au Cameroun. Précisément, les rapports humains à l’autorité, à la liberté, à la dissidence civile, à la violence, à l’impérialisme et au pouvoir qui se révèlent opportuns alors que le vieux nègre tente de gagner une autre onction populaire dans le pays.
Ainsi, comment la puissance spectrale de la figure de Meka cristallise et reflète des histoires collectives autour de la formation des esprits et des corps par le contact colonial sur le continent africain. En particulier, comment les catastrophes sont souvent le produit de rencontres traumatiques et des échecs de relations sociales entraînant une transformation radicale de la subjectivité qui démontre que lorsque les relations sociales ne sont pas régulées par une société d’égaux, les relations sociales se dégradent dans un nouvel ordre naturel toxique et tragique d’existence dominé par la stricte hiérarchie, les préjugés, les stéréotypes et la violence.
Et comme l’ont souligné notamment des spécialistes comme Frantz Fanon, Malcolm X et Françoise Verges, il s’agit d’une logique inversée et pervertie du désir, du pouvoir et du statut que le colonisé éprouvait envers le maître colonial et comment dans cet ordre moral corrompu du désir, la recherche du statut et de la respectabilité deviennent la racine du totalitarisme. Par conséquent, ce genre de comportement a plus à faire avec des névroses personnelles qu’à des dynamiques de groupes ou de tribus organisées autour de la ruée vers l’argent et le pouvoir. De plus, cela s’explique par le culte agressif de la personnalité de Paul Biya s’est fabriqué de manière ininterrompue depuis 35 dernières années, après qu’un autre personnage néocolonial et narcissique nommé Ahmadou Ahidjo lui a, de façon inexplicable, donné le pouvoir en 1982.
Cela dit, les gens qui défendent le Cameroun comme un Etat «bulu» ethnofasciste, oublient souvent de mentionner que le Cameroun est une nation de lois écrites et orales), même si ces lois sont corrompues par le despotisme légal de Biya.
De plus, le Cameroun a signé de nombreuses conventions internationales sur les droits humains notamment, qui signifient que lorsque de graves violations des droits de l’Homme sont commises dans le pays, peu importe que ces crimes graves soient commis par un Bulu, un Bassa, un Bamiléké, un Sawa, un Tikar, ou un Guiziga. cela importe peu. La communauté internationale exigera et rendra justice à ce criminel, quelle que soit son origine ethnique.
De plus, les tribalistes ne voient pas comment le désir de pouvoir et de statut l’emportent souvent sur le lien ethnique et communautaire, comme dans Le Vieux Nègre et la Médaille d’Oyono, où Meka représente ce que Hannah Arendt appelle un personnage « ordinaire » ou « banal ». Le fait même qu’une personne apparemment normale puisse devenir un monstre dans le contexte d’une profonde moralité déformée. Un contexte où les facteurs sociaux et institutionnels contribuent à cette distorsion en obscurcissant l’humanité des victimes et des agresseurs, ce que Fanon soutient en disant que la colonisation dégrade à la fois l’oppresseur et l’opprimé.
Ainsi, comment Meka dans son obsession de gagner la respectabilité des maîtres coloniaux a transformé le maître en une force surhumaine à obéir sans d’autre forme de procès. Meka s’est donc séparé de ses terres et a donné deux de ses enfants à l’effort de guerre français pour ne finir avec rien, mais dans la misère pour lui et sa femme. Dans ce contexte perverti donc, Fanon et Malcolm X soutiennent que le colonisé ou l’esclave vient à désirer ce que son maître possède. Il veut la maison du maître, la voiture du maître, il veut manger à la table du maître, et il veut même la femme du maître. C’est qans cet environnement là que des gens obéissants et attirés par le narcissisme et l’obsession du statut du maître colonial, souhaitant avoir le même pouvoir et le même statut que lui, ont pu être «récompensés» au moment de l’indépendance factice au Cameroun, alors que les vrais patriotes qui voulaient une véritable indépendance ont tous été décimés par les armées coloniale de la Françafrique.
Le pouvoir, ici, n’a rien à voir avec l’ethnicité et les liens communautaires ou tribaux, mais il est l’émanation d’un pur instrument de pouvoir.
Comme Célestin Monga l’a d’ailleurs souligné dans sa lettre ouverte à Paul Biya, les gens de la propre ethnie de Biya ont été les premiers à souffrir de ses tendances autocratiques, narcissiques, et de son pouvoir bureaucratique administratif; ce qui est vérifié aujourd’hui par le CL2P.
Voilà comment l’indépendance dans la post-colonie n’a pas représenté une rupture radicale avec l’ordre colonial précédent, mais un cache-sexe pour la continuité, dans lequel l’indépendance ne constitue que des changements cosmétiques de modes de domination. Pris ensemble, l’émergence de logiques destructrices que l’érudit français Michael Foessel appelle «la logique du pire» où il critique des formes de rationalité apocalyptique qui se fondent sur la notion de «perte du monde» c’est-à-dire un temps marqué par la perte des idéaux et des liens communautaires, des formes de rationalité et des modèles d’amour qui justifiaient notre existence face aux catastrophes majeures et la tâche urgente de localiser les traditions intellectuelles et culturelles profondes qui façonnent la vie des Africains ordinaires et ce que résume le cinéaste Jean-Marie Teno en Afrique, je te Plumerai (1992).
Pourquoi les sociétés traditionnelles bien structurées ont-elles du mal à se transformer en institutions productives modernes? La réponse a cette question commence par le recyclage de nos ressources traditionnelles pour trouver un semblant de cohérence postcoloniale.
Olivier J. Tchouaffe, PhD, Porte-parole du CL2P
English version
The Old Negro: Power, Status Obsession and Respectability in the Post-colony
By Olivier J. Tchouaffe, PhD, Spokesman of the CL2P
Ferdinand Oyono’s prescient novel The Old man and the Medal says a lot about practices of filiation and moral education, particularly, in Cameroonian. Precisely, human’s relationships to authority, freedom, civil dissent, violence, imperialism, and power which prove timely today as the old negro attempts to gain another popular unction in the country..
Thus, how the spectral power of the figure of Meka crystalizes and reflect collective stories around the shaping of minds and bodies by colonial contact on the African continent. In particular, how catastrophes are often the product of traumatic encounters and failed social relationships resulting in drastic transformation of subjectivity that demonstrates that when social relations are not mediated through a society of equals, social relations decay into a toxic and tragic new natural order of existence that legitimate racial hierarchy, prejudices, stereotypes, violence.
Or, as scholars such as Frantz Fanon, Malcolm X and Francoise Verges have pointed out, the perverted inverted logic of desire, power and the status the colonized felt towards the colonial master and how this corrupted moral order of desire, the search for status and respectability is the root of totalitarianism. Taken together, how these psychological processes of alienation also has a lot to do with personal neurosis and accountability rather than. Tribe-based scramble for money and power. More, this is explained by Paul Biya’s aggressive cult of personality which has stopped for the past 35 years after he was inexplicably handed power by another narcissistic neo-colonial character named Ahmadou Ahidjo.
Hence, for people arguing for Cameroon as an Ethnofascist “Bulu” state, they often forget that Cameroon is a nation of laws even if these laws are corrupted by Biya’s legal despotism.
More, Cameroon signed many international human right convention which mean that when grave violation of human rights are committed in the country, it does not matter whether or not these grave crimes are committed by a Bulu, Bassa, Bamileke, Sawa, Tikar or Guiziga for that matter. The international community will demand and will bring justice to that criminal, notwithstanding, his ethnic origin.
The tribalists, moreover, fail to see how the desire for power and status trumps ethnic and communal bond, as in Oyono’s The Old Negro and the Medal, where Meka represents what Hannah Arendt calls “ ordinary,” or « banal », character pointing to the very fact that an apparently normal person could become in a context of a profound distorted morality. A context where social, institutional factors contribute to this distortion by obscuring the humanity of both victims and perpetrators what Fanon argues that colonization degrades both the oppressor and the oppressed. Thus, how Meka in his obsession to gain respectability from the colonial masters transformed the master into a super-human force to be obey. Meka went on to divest himself from his land and gave two of his children to the French war effort to end up with nothing but misery for himself and his wife. In this perverted context, consequently, Fanon and Malcolm X argues that the colonized or the slave comes to desire what his master has. He wants the master’s house, the master’s car, he wants to eat at the master’s table and he wants the master’s wife. Within this context, how people who were obedient and attracted to the colonial master’s narcissism and status obsession, therefore, wishing to have the same power and status were often rewarded in Cameroon after the real patriots who wanted a real independence were all decimated by the French colonial army.
Thus, power, here, has nothing to do with ethnicity and communal bonds but it is derived as pure instrument of power.
As Celestin Monga pointed out in his open letter to Paul Biya, people from his own ethnicity were the first to suffer from his autocratic tendencies and administrative bureaucratic power.
Within this context, how the independence in the post-colony did not represent a rupture but a cache-sex for continuity where the independence only constitutes changes of modes of domination. Taken together, the emergence of destructive logics that the French scholar Michael Foessel calls “la logique du pire” where he criticizes forms of apocalyptic rationality that is predicated on the notion of “la perte du monde” that is to say, a time marked by the loss of communal ideals and bonds, forms of rationality and models of love that justified our existence against major catastrophes and the urgent task to locate deeper intellectual and and cultural traditions that shape ordinary African’s lives and what Jean-Marie Teno summarizes in Africa, I Will Fleece You (1992) why do well structured traditional societies are struggling to transition into modern productive institutions, in order to recycle these handed down resources to find a semblance of coherence.
Olivier J. Tchouaffe, PhD, Spokesman of the CL2P