Cyril Ramaphosa prend les rênes de l’Afrique du Sud après la démission de Zuma
En Afrique du Sud, Jacob Zuma est parti. Sous les coups de boutoir de son parti, l’ANC, le chef de l’Etat a fini par céder et a annoncé sa démission avec effet immédiat mercredi soir peu après 22 heures, heure locale. Désormais, c’est l’actuel leader de l’ANC, Cyril Ramaphosa, qui s’assoit sur le fauteuil présidentiel.
C’est un président dos au mur qui a annoncé sa démission. Un homme en colère défiant l’ANC : « Je démissionne. Je ne suis pas d’accord avec la décision prise par les dirigeants du parti, mais j’ai toujours été un membre discipliné de l’ANC ». Jacob Zuma quitte le pouvoir humilié, poussé vers la sortie par son propre parti.
La question de sa présence au Parlement ce jeudi après-midi s’est posé une seconde, mais il n’était finalement pas présent. L’instance a donc procédé sans lui à l’élection d’un nouveau président. Sans surprise, c’est donc Cyril Ramaphosa, le leader de l’ANC, le parti majoritaire à l’Assemblée, qui a été désigné.
Mais dès l’ouverture de la session, une partie de l’opposition, celui de Julius Malema, a tenté de jouer les trouble-fête. Pour l’opposition, le problème n’est pas uniquement Jacob Zuma, mais l’ANC. Et Julius Malema s’est levé pour dire que ce Parlement était illégitime : « Nous pensons que nous ne sommes pas dans une bonne position pour élire le président, parce que la Cour constitutionnelle a prononcé un jugement contre ce Parlement et donc ce Parlement illégitime, qui a enfreint la Constitution, qui n’a pas honoré ses responsabilités, ce Parlement-là ne peut pas être celui qui va élire un homme qui est lui-même accusé de la même chose ». Les députés de l’EFF qui ont ensuite quitté la salle.
De grands chantiers
Cyril Ramaphosa a ensuite prêté serment dans la foulée. Il a fait un discours d’unité devant le Parlement. Désormais, c’est une un travail important qui l’attend. Il va devoir nommer un nouveau gouvernement, relancer l’économie et surtout tenter d’unifier le parti au pouvoir, en vue des élections l’année prochaine.
Ce discours plutôt bref a été marqué par un désir de rupture clair par rapport au mandat de Jacob Zuma. Cyril Ramaphosa s’est adressé aux députés de l’ANC mais aussi à ceux de l’opposition, dans une Assemblée nationale qui a souvent vu les débats dégénérer ces dernières années, autour de la figure controversée de Jacob Zuma. Cyril Ramaphosa a notamment promis aux élus qu’il viendrait régulièrement au Parlement pour répondre à leurs questions.
Impossible de ne pas penser aux séances de question réponses de Jacob Zuma qui ont souvent tournées au pugilat ces dernières années. On se souvient comment pendant des mois, le parti EFF de Julius Malema a profité de cette tribune pour demander sans cesse à l’ancien chef de l’Etat quand il rendrait l’argent investi dans sa résidence secondaire de Nkandla…
Bien sûr, Cyril Ramaphosa n’est pas à l’abri d’autres attaques. Mais aujourd’hui, le nouveau président s’est clairement placé dans le rôle de serviteur du peuple, et dans la perspective d’un dialogue avec les autres partis politiques. En rupture totale avec le style de Jacob Zuma.
Quant à Jacob Zuma, il reste membre de l’ANC. Il compte contribuer au mouvement, comme il l’a dit ce mercredi soir. Mais pour l’instant, il a d’autres priorités. Il est très affaibli, d’autant qu’il risque de se faire rattraper par la justice dans les mois qui viennent. Son nom est, en effet, cité dans plusieurs affaires de corruption. Il est notamment accusé d’avoir perçu des pots-de-vin dans une affaire de vente d’armement.
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Ethiopie : le Premier ministre emporté par la crise
Hailemariam Desalegn a présenté sa démission ce jeudi, après six ans au pouvoir, dont la moitié aux prises avec un mouvement de protestation régional inédit.
Après trois ans d’une violente crise ethnicopolitique, le plus haut échelon du pouvoir éthiopien a fini par craquer. Ce jeudi, le Premier ministre au pouvoir depuis 2012, Hailemariam Desalegn, a présenté sa démission. Depuis le début de l’année, les digues avaient commencé à sauter : à la surprise générale, plus de 6 000 prisonniers politiques ont été relâchés en quelques semaines, dont des opposants politiques et des journalistes accusés par le gouvernement d’encourager les manifestations qui ébranlent le plus grand pays d’Afrique de l’Est depuis 2015.
Il y a trois ans, la contestation est née de la résistance des Oromos (première ethnie du pays, historiquement opprimée) au plan d’agrandissement d’Addis-Abeba : la capitale, en pleine croissance, venait mordre sur leurs terre. Mais le mouvement de protestation a rapidement basculé dans une dénonciation plus générale du régime, contrôlé d’une main de fer par la minorité tigréenne (6% de la population). Fidèle à son habitude, celui-ci a d’abord essayé d’écraser les activistes oromos. Quelque 940 personnes ont été tuées depuis le début de la répression, selon les propres chiffres de l’Etat éthiopien.
Vague migratoire
Mais à peine l’état d’urgence levé, en août 2017, de nouvelles violences ont éclaté. Des affrontements régionaux, entre populations oromo et somali, ont conduit à une vague migratoire sans précédent cet automne, poussant des centaines de milliers de personnes à fuir leurs foyers et les troubles intercommunautaires. Sur le plan politique, les grands équilibres du système «ethnofédéral» propre à l’Ethiopie sont remis en cause, les régions périphériques revendiquant leur autonomie et leur part du pouvoir, tandis que la jeunesse aspire à un desserrement de l’étau du Front démocratique révolutionnaire des peuples éthiopiens (FDRPE, coalition au pouvoir et quasi parti unique depuis 1991) sur la société.
Au sein même du régime, plusieurs courants s’affrontent. Après l’échec des tenants de la manière forte, prêts à tout pour étouffer la contestation, les «réformistes» ont-ils repris la main ? La vague de libération des prisonniers politiques était un premier signe d’ouverture manifeste. La démission de Hailemariam Desalegn, qui a été acceptée par le conseil exécutif du FDRPE, pourrait aller dans le même sens. «Les manifestations et la crise politique ont conduit à la perte de beaucoup de vies et au déracinement de nombreux Ethiopiens, a-t-il déclaré dans une allocution télévisée. Je vois ma démission comme indispensable pour mener à bien les réformes qui conduiront à une paix durable et à la démocratie.»
«Durs» contre «réformistes»
Son successeur n’était pas connu jeudi soir. Un congrès du FDRPE, au cours duquel la lutte entre durs et réformistes devrait trouver son aboutissement, est prévu le mois prochain. Depuis le renversement du dictateur Mengistu Haile Mariam, il y a vingt-cinq ans, le pays n’a connu que deux dirigeants. Meles Zenawi, le charismatique père du modèle «développementaliste» éthiopien, puis, après sa mort soudaine en 2012, le pâle Hailemariam Desalegn, qui a laborieusement poursuivi l’œuvre de son prédécesseur, sans prendre la mesure des changements et des aspirations qui traversaient son pays. Jusqu’à cette démission surprise, ce jeudi. Qui peut déboucher sur un cadenassage du régime ou un tournant démocratique historique.