Situation politique au Cameroun
Démocratie, État de droit, pluralisme politique, liberté d’expression, droits de l’homme, lutte contre la corruption, climat des affaires, gouvernance, etc. Les deux chefs d’État ont déclaré avoir «tout» passé en revue lors de leur entretien, «y compris des questions qui touchent les personnes», a précisé le chef d’État français.
“Je verrai ce que je peux faire (pour Lydienne Eyoum, ndlr) si tel est le souhait de l’intéressé. Et si la Constitution me donne les moyens de faire quelque chose, c’est de bon cœur que je le ferai, le moment venu.”
Paul Biya
Actualité oblige, François Hollande et Paul Biya ont reconnu en conférence de presse avoir abordé le cas Lydienne Eyoum lors de leur tête-à-tête. Il s’agit de cette avocate franco-camerounaise condamnée en septembre 2014 à 25 ans d’emprisonnement pour des faits de détournements de deniers publics estimés à 1,077 milliard de F CFA. Conseil de l’État du Cameroun dans une affaire de recouvrement de créances, elle avait gardé la somme pour laquelle elle a été condamnée au titre de ses honoraires. La peine, confirmée par la Cour suprême le 09 juin 2015, rentre dans le cadre de la «lutte contre la corruption», a déclaré Paul Biya vendredi au Palais de l’Unité.
«J’ai assisté comme tout le monde à la sortie du verdict concernant cette personne (Lydienne Eyoum, ndlr) dont je tiens à dire à dire qu’elle n’était pas une activiste politique hostile au gouvernement. Je n’avais donc aucune raison de lui en vouloir», a déclaré Paul Biya.
La famille de l’avocate a été reçue par le président français pour demander sa médiation auprès du chef d’État camerounais, afin de la faire sortir de prison. «Je verrai ce que je peux faire si tel est le souhait de l’intéressé. Et si la Constitution me donne les moyens de faire quelque chose, c’est de bon cœur que je le ferai, le moment venu», a informé Paul Biya.
Le président français a rencontré cinq leaders au féminin, de la société civile camerounaise
La Constitution du Cameroun, de janvier 1996, donne la possibilité au président de la République d’exercer «le droit de grâce» après avis du Conseil supérieur de la magistrature. C’est donc possible pour le chef d’État camerounais de gracier maître Yen Eyoum. Paul Biya a souvent exercé ce droit de grâce lors d’événements importants pour le pays: fête nationale de l’Unité, célébrée chaque 20 mai; certaines commémorations et anniversaires comme ce fut le cas en février 2014, avec la célébration du cinquantenaire de la Réunification.
Pour équilibrer les avis sur la situation interne du Cameroun, François Hollande a rencontré à la Résidence de France les responsables de certaines personnalités de la société civile. L’ambassade de France a trié cinq femmes sur le volet pour rencontrer le président français au nom de la société civile camerounaise: Me Alice Nkom qui défend les droits des minorités sexuelles (lesbiennes, gays, bisexuels et transsexuels); Fidèle Djebba qui plaide pour le respect du droit des enfants et des jeunes filles avec son association «Rayons de soleil»; le professeur Justine Diffo Tchunkam dont le réseau «more women in politics» œuvre pour une meilleure représentativité des femmes en politique; Amely-James Koh Bella dont l’action est orientée vers la lutte contre la prostitution africaine en France et en Europe; et enfin: Françoise Baba, la présidente de l’Association des femmes et filles de l’Adamaoua (Affada) qui a souvent mené des plaidoyers pour mettre un terme aux mutilations génitales (excisions) subies par les jeunes filles.
François Hollande s’est également entretenu avec les responsables des sept partis politiques représentés à l’Assemblée nationale du Cameroun (pouvoir et opposition)
A la Résidence de France, François Hollande a également rencontré les responsables des sept partis politiques représentés à l’Assemblée nationale: RDPC, SDF, UDC, MDR, UPC, MRC et UNDP. On a ainsi aperçu, côte à côte, le président du Social democratic front (SDF), premier parti politique d’opposition, et Jean Nkuete, le secrétaire général du parti au pouvoir, le Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC). François Hollande a recueilli, entre autres, auprès de ces personnalités, leurs avis sur l’action de l’organe en charge de l’organisation des élections (Elecam), le processus d’établissement des listes électorales, et l’expression du pluralisme politique au quotidien. «La démocratie camerounaise avance», a affirmé M. Hollande, ajoutant cependant qu’elle «doit s’approfondir».
“Ne dure pas au pouvoir qui veut, mais dure qui peut. Je ne suis pas à la tête de l’État par la force; je n’ai pas acquis le pouvoir de manière dictatoriale. J’ai toujours été élu par le peuple et en ce moment je suis en train de terminer un mandat qui m’a été donné par le peuple. “
Paul Biya
En conférence de presse, à une question d’un journaliste français, du média public France 2, sur sa longévité au pouvoir (33 ans le 06 novembre 2015) et sur sa candidature ou non en 2018, Paul Biya a répondu: «Ne dure pas au pouvoir qui veut, mais dure qui peut. Je ne suis pas à la tête de l’Etat par la force; je n’ai pas acquis le pouvoir de manière dictatoriale. J’ai toujours été élu par le peuple et en ce moment je suis en train de terminer un mandat qui m’a été donné par le peuple». Souriant en soulignant qu’il a souvent remporté les scrutins face à d’autres candidats, le président camerounais a conclu: «Les élections présidentielles de 2018 au Cameroun sont certaines mais encore lointaines. Nous avons encore le temps de réfléchir et le moment venu, les Camerounais et les amis français et du monde sauront si je suis candidat ou si je prends ma retraite.»
Réchauffement climatique
Absent cette année à tous les grands rendez-vous du continent – sommet des chefs d’État et de gouvernement de la Cemac abrité par le Gabon les 05 et 06 mai 2015; Sommet des chefs d’Etat de la CEEAC, organisé au Tchad le 25 mai dernier; Sommet de l’Union Africaine tenu à Pretoria, en Afrique du Sud, les 15 et 16 juin 2015 – Paul Biya a d’ores et déjà annoncé qu’il se rendra à Paris au mois de décembre 2015.
«Je me réjouis, de l’organisation au mois de décembre prochain à Paris, du sommet sur le réchauffement climatique dont nous subissons aussi les effets en Afrique. Répondant à votre aimable invitation, je me rendrais donc à Paris monsieur le Président», a déclaré publiquement le chef d’État camerounais, en s’adressant à François Hollande vendredi.
«J’étais en Angola, j’étais au Bénin, je salue tous les appuis qui nous sont donnés par les pays africains, aujourd’hui le Cameroun», s’est félicité François Hollande. La capitale française accueille, du 30 novembre au 11 décembre 2015, la 21e Conférence des Nations Unies sur les changements climatiques, conférence au cours de laquelle les participants espèrent trouver un accord sur la lutte contre le réchauffement climatique. «L’Afrique est le continent qui émet le moins de CO2, le moins de gaz à effet de serre. Et en même temps, l’Afrique est sans doute un des continents les plus touchés par le réchauffement climatique. L’Afrique appuie la France, la France est consciente de l’enjeu pour l’Afrique de cette conférence, a analysé François Hollande.
La France et le Cameroun ont signé quatre conventions portant sur un montant total de 76 milliards de F CFA. Sur la photo: le ministre français des Finances, Michel Sapin, et le ministre camerounais de l’Economie, Emmanuel Nganou Djoumessi
Economie
Acte concret de la visite d’État du 03 juillet : la signature entre les parties française et camerounaise de quatre conventions portant sur un montant d’environ 76 milliards de F CFA (116 millions d’euros). Pour la partie française, les accords ont été signés par le ministre français des Finances, Michel Sapin, qu’assistait la directrice générale de l’Agence française de développement (AFD), Anne Paugam. La signature camerounaise a été apposée par le ministre de l’Economie, de la Planification et de l’Aménagement du territoire, Emmanuel Nganou Djoumessi.
En ce qui concerne ces fonds proprement dits, 72,1 milliards de F CFA sont des prêts souverains de l’AFD pour la réalisation de certaines infrastructures ; 665 millions sont accordés à titre de subvention pour un projet concernant la diaspora. Le deuxième Contrat de désendettement et développement (C2D) bénéficie quant à lui de l’affectation de 3,3 milliards de F CFA. «Nous avons travaillé à la mise en œuvre d’un troisième C2D, qui sera plus abondé que le précédent», a informé François Hollande.
Le montant de ces conventions, si on le compare à celui engrangé en Angola à l’issue d’accords signés jeudi (un milliard d’euros selon la présidence française citée par l’AFP), parait bien peu.
“L’Afrique va être le continent sur lequel il va y avoir beaucoup de compétition, entre pays africains d’abord, et entre pays qui veulent prendre leur part.”
François Hollande
Dans la même veine, il n’y a pas eu d’annonce forte lors de la rencontre prévue entre les hommes d’affaires français et camerounais vendredi au Palais de l’Unité. Les ministres de l’Economie et des Finances ont dit aux investisseurs français que «le Cameroun est un bon risque» pour les affaires. Les deux personnalités ont présenté le cadre macroéconomique et les facilités offertes par le gouvernement aux potentiels investisseurs français. Ils ont promis de revenir, a confié Marthe Angeline Minja, la directrice générale de l’Agence de promotion des investissements (API).
Néanmoins, le président français semble pour sa part satisfait du fait que le pays qu’il dirige est le «premier investisseur étranger et second partenaire commercial» du Cameroun.
Citant nommément la Chine, François Hollande a affirmé que de nombreux pays «se sont déjà placés en Afrique». «Ça va être le continent sur lequel il va y avoir beaucoup de compétition, entre pays africains d’abord, et entre pays qui veulent prendre leur part ou leur place», a-t-il ajouté, suggérant qu’il faut «le faire avec respect», «c’est-à-dire de faire en sorte que ce que nous faisons puisse être utile aux pays».
Par Eugène C. Shema, Journal Du Cameroun