Le CL2P et l’Echec de L’Opération Epervier
À un moment où les moteurs de l’opération Épervier semblent de nouveau rugir, il faut admettre que faire du bon travail sur les droits humains dans des régimes autocratiques est une expérience précieuse en soi. Le CL2P est l’une des premières organisations de défense des droits humain à signaler que peu importe, dans l’ensemble si Titus Edzoa, Pierre Désiré Engo, Marafa Hamidou Yaya, Ephraim Inoni, Jean-Marie Atangana Mebara, Urbain Olanguena Owono, Polycarpe Abah Abah, Yves Michel Fotso, etc…ont été ou vont en prison, la véritable clé de la victoire contre la corruption est de dissuader les soi-disant «prévaricateurs» des finances de l’État de devenir véritablement corrompus comme on le dit.
En effet en s’obstinant à ne pas mettre en place un système de prévention basé sur une éthique gouvernementale tangible, l’opération Épervier révèle son vrai visage: celui d’un outil entre les mains de Paul Biya et de son équipe de despotes légaux pour embastiller des personnalités que le régime de Yaoundé a transformées et conçoit comme une menace contre lui. Dans ce processus, l’Opération Épervier est devenu comme un médicament essayant désespérément de combattre le cancer après qu’il se soit métastasé et que les tumeurs se soient répandues dans tout le corps.
La corruption découle de la mauvaise administration, de règles mal définies de ce qui constitue un conflit d’intérêts, une prise illégale d’intérêt, un trafic d’influence, avec un emploi extérieur inapproprié combiné à un mélange inadéquat des intérêts financiers et des biens, y compris des biens familiaux, créant la pente glissante où le don et les petites faveurs ou arrangements sont désormais criminalisés. Pris ensemble, l’échec du régime de Biya à définir des attentes éthiques claires qui feraient plus pour dissuader la corruption que la punition criminelle. Ce manque d’attentes éthiques claires a certainement à voir avec le fait que le président ne soit pas lui-même si irréprochable que cela, et qu’il se retrouve notamment impliqué dans des pratiques de corruption (comme le CL2P à pu le documenter notamment sur l’acquisition illégale d’un avion présidentiel ou dans la manière dont son parti-État RDPC utilise les ressources gouvernementales pour financer ses campagnes politiques, ou monte indirectement de toutes pièces des opérations de surfacturation comme la distribution d’ordinateurs obsolètes à quelques centaines d’étudiants).
En effet, il est difficile de travailler sur les droits humains dans un contexte où les règles de la loi ne fonctionnent pas conformément aux attentes et aux valeurs libérales du droit des gens; mais sur l’idéologie du Parti- État où la présomption d’innocence n’existe pas dans la pratique, créant une tension perpétuelle entre l’idéologie et la pratique indépendante de la loi. En plus, un contexte politique où les victimes des régimes autocratiques sont souvent présentées comme ses agresseurs. Ainsi, un monde où le temps politique et médiatique est intimement lié au temps judiciaire, une tempête qui augmente fortement la probabilité de fausses accusations, de vies et de réputations ruinées par quelque chose qui ressemble davantage à la dictature des émotions qu’à la justice. Une forme d’infection qui n’épargne personne et qui est en passe de devenir une pandémie au Cameroun.
De plus, les organisations de défense des droits de l’homme n’ont pas physiquement accès aux prisonniers politiques, pas plus d’ailleurs l’accès physique à leurs dossiers leur est autorisé, ce qui complique singulièrement leur possibilité de recueillir des contre-preuves. En outre, lorsque des avocats internationaux sont embauchés, soit par les accusés, soit par des organisations de droits humain comme le CL2P, ils se voient souvent refuser des visas et sont littéralement empêchés de faire sereinement leur travail.
Ainsi, un contexte juridique imprégné de pratiques procédurales problématiques et où les procédures formelles et institutionnelles sont opaques, et hélas souvent entachées de corruption (notamment celle des magistrats).
Par conséquent, les abus de pouvoir sont assez fréquents en termes de détention arbitraire de longue durée, d’abus de pouvoir. Plus précisément, il est important de noter que dans le despotisme légal, comme celui qui prévaut au Cameroun, le procureur est la personne la plus puissante dans la salle d’audience et non le président du tribunal et encore moins les avocats de la défense. Au moment où une affaire se présente devant le tribunal, il n’y a pas d’examen indépendant des preuves, même lorsque le procureur, comme dans le cas du procureur devenu infâme Pascal Magnanguemabe, les preuves fournies par les procureurs véreux ne sont toujours pas sous examen indépendant! Ainsi, lorsqu’un accusé politique (présenté à l’opinion publique commun un accusé de droit commun) se présente devant le tribunal, les carottes sont déjà cuites. Personne ne peut contredire le procureur; car tout le monde sait qu’il parle au nom de l’État, en général, et du président Biya en particulier.
Le président qui est également l’autorité judiciaire suprême en sa qualité notamment de Président du Conseil Supérieur de la Magistrature avec le pouvoir d’embaucher et de congédier les juges et les procureurs à volonté. Par conséquent, bien que les prisonniers politiques soient les méchants officiels du régime, dans un monde où rien n’est autorisé à changer et à s’améliorer, les prisonniers politiques sont de facto, qu’ils le veuillent ou non, une menace au statu quo ambiant.
Plusieurs indications laissent clairement apparaître que, davantage que le Président Biya, ses prisonniers politiques sont les vrais héros authentiques de cette république, déformés et caricaturés qu’ils sont comme les méchants par le régime. Et comme la propagande inhérente au despotisme légal ne leur laisse aucune chance de laver leur honneur, ils apparaissent pour ce qu’ils sont, c’est-à-dire des boucs émissaires sacrifiés à l’autel du projet de présidence à vie d’un dictateur, et en sont souvent réduits à nous solliciter pour mener une réflexion profonde sur ce despotisme légal qui les dépeint en permanence en parias de la société.
En pratique, il n’y a pas de ligne rouge entre le pouvoir judiciaire et l’extrajudiciaire.
Ceci est notamment ressorti dans le célèbre cas de la séquestration de l’écrivain et activiste Patrice Nganang, où l’ordre de l’arrêter et de le poursuivre était manifestement extrajudiciaire, donnant pour une fois une exceptionnelle exposition internationale à un drame jusque-là restreint au seul triangle carcéral du Cameroun.
Le CL2P n’avait ainsi pas d’autre choix que de le défendre, à l’instar de tous les autres cités plus haut. Parce que, comme le Dr King le dit, «Une injustice commise quelque part est une menace pour la justice dans le monde entier». Ce que le Dr King veut dire, c’est que nous ne pouvons pas nous considérer comme séparés des autres. Le Dr. King ajoute qu’il ne peut pas s’asseoir ou vivre à Atlanta et considérer que les problèmes d’injustice qui se posent à Birmingham ne le concerne pas. Au lieu de cela, dit-il, nous devons tous comprendre que nous sommes connectés à tous les autres peuples du monde, et que l’arc de l’univers moral est certes long mais il penche irréversiblement vers la Justice.
Le Comité de Libération des Prisonniers Politiques (CL2P)
English version
The CL2P and the Failure of Operation Epervier
At a time where the engines of Operation Epervier seems to roar again, one has to admit that doing human right work in autocratic regimes is a valuable experience in its own right, especially, when you are winning. The CL2P is of the first human right organizations to point out that it does not matter, in the big picture whether or not, Titus Edzoa, Pierre Désiré Engo, Marafa Hamidou Yaya, Ephraim Inoni, Jean-Marie Atangana Mebara, Urbain Olanguena Owono, Polycarpe Abah Abah, Yves Michel Fotso, and so on go to prison. The real key to victory is to dissuade to so-called “prevaricators” of the state finance to become corrupt in the first place.
Without having to put into place a system of prevention based on tangible government’s ethics, Operation Epervier reveals its true face: A tool in the hands of Paul Biya and his team of legal despots to put away people the regime has found to become a threat turning Operation Epervier into a medicine trying to fight cancer after it has metastasized and the tumors have spread throughout the body.
Corruption grows out of maladministration, poorly defined rules of what constitutes conflict of interest, inappropriate outside employment combined with inadequate disclosure of financial interest and assets, which includes familial assets creating a slippery slope where gift and small favors can become criminalized. Taken together, the failure of the Biya’s regime to define clear ethical expectations that do more to deter corruption than criminal punishment. This lack of clear ethical expectations have to do with the president being himself involved in practices of corruption as the CL2P can make clear in the illegal acquisition of a presidential airplane or how the one party-state used government resources to finance its political campaign.
Indeed, it is challenging to do human right work in a context where the rules of the law do not follow liberal expectations and values but party-state ideology, and where the presumption of innocence does not exist in practice, creating a perpetual tension between ideology and the independent practice of the law.
More, a political context where victims of the regimes are often portrayed as the aggressors. Thus, a world where political and media time are intertwined with judicial time, a gathering storm highly enhancing the probability of false accusations, lives and reputation ruined by something that look more like mob rule and the dictatorship of emotions rather than justice. A form of infection that will spare no one and on its way to become a pandemy.
More, where human right organizations have no physical access to political prisoners, no physical access to their files and no possibility to collect counter-evidences. Furthermore, when international lawyers hired by human right organizations, such as the CL2P, are often denied visas and prevented to do their jobs.
Thus, a legal context steeped in problematic procedural practices and where institutional formal procedures are opaque and ripped for corruption. Therefore, abuses of power are quite frequent in terms of arbitrary long detention, abuses of authority.
More precisely, it is important to note that in legal despotism, such as Cameroon, the prosecutor is the most powerful person in the courtroom and not the president of the tribunal and even less the defense lawyers. By the time a case comes up in front of the court, there are no independent review of evidences, even when the prosecutor, as in the case of the now infamous rogue prosecutor, Pascal Magnanguemabe, the evidences provided by the prosecutors are still not under independent review! Thus, when a political case comes up in front of the court, the food is already cooked. Nobody can dare contradict the prosecutor because everybody is aware that he is speaking for the state, in general, and the president in particular.
The president who is also the supreme controlling legal authority with the power to hire and fire judges and prosecutors at will. Hence, although, political prisoners are the official villain of the regime, however, in a world where nothing is allowed to actually change, to improve and to do things, the political prisoners are, whether or not they chose to do so, a threat to the status quo from. Thus, indications that they, much more than the president himself, are authentic heroes distorted as its villain. Not really having no chances against legal despotism, they appears as scapegoat, being sacrificed for what is an injustice and solicit us for a deeper reflection on legal despotism.
In practice, consequently, there is no red line between the judiciary and the extra-judiciary which leads to the famous Patrice Nganang’s case where the order to arrest and prosecute was flagrantly extra-judiciary giving an international platform to a controversial subject.
The CL2P, however, had no choice but to defend him because as Dr. King says “Injustice anywhere is a threat to justice everywhere.” What Dr. King means that we cannot conceive of ourselves as separate from all the other people in the world. Dr. King follows that he cannot sit in Atlanta and think that things in Birmingham do not affect him. Instead, he says, we all have to understand that we are connected to all the other people of the world and that the arc of the moral universe might be long but it bends towards justice.
The Commitee For The Release of Political Prisoners (CR2P)