L’ Analyse ci-dessous du journaliste camerounais Benjamin Zebaze est assez pertinente sur le sujet, même si je ne partage pas nécessairement sa conclusion.
En effet les cris de souffrance du “vaillant peuple” Beti ne sont pas audibles, non pas parce que celui-ci soutiendrait aveuglement comme un seul homme le régime en place au Cameroun depuis 35 ans, mais parce que dans aucune autre région de ce pays les voix dissonantes n’ont jusqu’ici été aussi durement réprimées, du moins jusqu’à la crise anglophone (Abel Eyinga, Père Engelbert Mveng, Dieudonné Enoh, et j’en passe).
Par ailleurs j’ai très tôt dans ma vie compris, notamment après le virage autocratique de l’après 06 novembre 1984, combien un régime comme celui-ci a besoin de disposer à sa guise et en permanence de la fortune publique auprès des ordonnateurs des dépenses publiques (placés sous la pression permanente des différents émissaires du chef) pour se maintenir, et surtout pour assurer le train de vie princier de celui qui l’incarne avec ses proches. Pour ce faire, avoir effectivement des “frères du village” à des postes dits «d’argent» présente un double avantage:
– nombre d’entre-eux, y compris quand ils se servent au passage, sont corvéables à merci et pensent parfois de bonne foi agir en solidarité “tribale” ou régionale avec le ” Massa” (comme ils ont coutume de l’appeler), du moins de contribuer à la préservation de son régime.
– D’autre part ils deviennent pour lui des cibles faciles, qu’il peut sacrifier à la moindre convulsion politique afin d’avoir le bon rôle, puis les exhiber plus aisément que d’autres comme des prévaricateurs de la fortune publique à une opinion publique avide d’exemplarité.
Paul Biya aura en ce sens été gagnant sur toute la ligne. Puisque à longueur de journée les gens se réjouissent de le voir traîner tel ou tel au Tribunal Criminel Spécial (TCS), sans qu’ils n’osent demander pourquoi dans un pays doté d’autant de talents, a-t-il eu besoin de nommer des personnes parfois à la moralité douteuse, puis de les maintenir indéfiniment malgré les frasques que certaines accumulaient et dont elles ne s’en cachaient parfois pas, convaincues comme elles pouvaient l’être de jouir de l’impunité que leur conférait la proximité dite régionale ou tribale avec Biya, et surtout l’affectation du “butin” à son régime (notamment son parti-État RDPC), à sa personne, à sa famille qu’elles ont systématiquement su procéder, en acceptant ainsi de jouer le mauvais rôle et d’être le moment venu jetées en pâture à l’opinion publique.
JDE
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ÉPERVIER : QUAND BIYA ORGANISE LA CHASSE AUX BETI — par Benjamin Zebaze
L’histoire retiendra que Paul Biya aura été un véritable fossoyeur pour la communauté Beti, qu’on croit au premier abord qu’il défend à travers des nominations tribales inédites dans l’histoire récente de notre pays.
UN GANG DE BANDITS SANS CHEF BANDIT ?
Après l’humiliation par des arrestations à géométrie variable des Titus Edzoa, Pierre Désiré Engo, Thierry Atangana, Le « père » Mendo Ze, Polycarpe Abah Abah, Ondo Ndong, Atangana Mebara, Nguini Effa, Urbain Olanguena… voilà qu’on nous annonce les probables embastillement de Bekolo, Nkotto Emane, William Sollo, Atangana Kouna, Alain Mebe Ngo’o…Belinga Eboutou et d’autres menus fretins.
On veut nous montrer clairement qu’ils représentent la quintessence des prévaricateurs de la fortune publique, si l’on s’en tient aux objectifs visés par l’opération dite « Epervier ».
Si tel est le cas, qui est responsable de cette situation ? Qui les a nommés et les a laissés aussi longtemps à leur poste alors qu’un faisceau d’indices montrait, au minimum, que quelque chose n’allait pas ?
Pius N. Njawe et moi avons été les premiers à dénoncer avec violence cette façon de nommer les Beti à tous les postes « d’argent », à les laisser ostensiblement mener un train de vie anormalement élevé par rapport à leurs revenus réels.
Cela avait incité le journaliste Eric Chinje, alors à la CRTV, à demander au cours d’une interview mémorable à Paul Biya, ce qu’il pensait des révélations de la presse sur ces sujets. Ce dernier avait alors répondu benoitement : « où sont les preuves » ?
C’est pourquoi je le dis calmement, fermement et sereinement : même si les arrestations en cours et les précédentes nous amusent, il manquera toujours à Kondengui celui qui a tout organisé et que pour simplifier, nous appellerons le « chef bandit » en souvenir des films westerns et chinois de notre enfance.
C’est lui le principal coupable et rien d’autre.
UN HOMME QUI HYPOTHÈQUE L’AVENIR DES BETI
Ce que je ne comprends pas, c’est ce qui pousse le Beti ordinaire à défendre un tel régime qui est quasiment criminel pour lui.
La conclusion facile qu’on peut avoir après ces arrestations, est que c’est le Beti qui met à mal la « santé » des caisses publiques : les nominations sont là pour soutenir pareille thèse.
Mais ce Beti agit-il tout seul ? Pourquoi on ne s’en prend qu’aux « vitrines », laissant en liberté ceux qui font fructifier, dans une apparente légalité et sous couvert du RDPC, le fruit des rapines ? Une façon de faire qui met à mal d’honnêtes hommes d’affaires ayant un mal fou à trouver la trésorerie nécessaire au développement de leurs activités ?
En nommant tant de béti aux postes d’argent, Paul Biya fait-il du bien à sa communauté ? J’ai tendance à répondre non, d’autant plus qu’à part les Régions du Septentrion et de l’Est, j’aimerais qu’on me montre une Région aussi pauvrement dotée que le Sud natal de son « excellence ».
Partout dans les conversations, vous entendez des camerounais, même les mieux lotis intellectuellement, déclarer que jamais plus ils n’accepteront un Beti à la présidence de la République. Est-ce qu’on pourrait les blâmer quand on voit avec quel acharnement certains beti défendent leur fossoyeur ?
Qui se lèvera au sein de ce vaillant peuple afin de prendre la tête des laissez pour comptes, largement majoritaires, qui souffrent comme tous les camerounais de la politique de monsieur Biya qu’on tente de masquer à travers des arrestations opportunes, quitte à sacrifier des « frères » ?
Ce dernier pourra sauver ce qui peut encore l’être.
Par Benjamin Zebaze