Le CL2P, Despotisme juridique et Autorité épistémique au Cameroun
Il arrive souvent que nous acceptions comme vrai ce que les autres nous disent et, ce faisant, nous acquérons des connaissances sur le monde. Nous nous faisons mutuellement confiance et nous accordons ainsi aux institutions, aux enseignants, et aux experts l’autorité sur nos croyances. La nature intersubjective de la formation des croyances est au centre même de la question de l’épistémologie. En effet, la plupart de ce que nous pensons connaître du monde est due à la confiance dans les autorités épistémiques, les individus, les membres de la famille, ou les institutions qui nous disent ce que nous devons croire du pouvoir, de la démocratie, de la loi, etc.
Cependant, dans un pays dominé par les forces réactionnaires comme le Cameroun, il est extrêmement difficile de nous éduquer face aux défis auxquels nous sommes confrontés. Par conséquent, qui croire est une question d’une importance cruciale en raison du pouvoir personnalisé, de la capacité d’illusion voire de désillusion, et d’auto-illusion est très élevée. En particulier, dans des pays comme le Cameroun dominé par un contexte de despotisme légal, où la loi est militarisée pour dégager du champ de bataille politique des Camerounais ordinaires que le régime de Yaoundé considèrent comme dangereux pour sa survie.
C’est ainsi que nous assistons médusés à cette justice à tête chercheuse qui lorgne de plus en plus dangereusement y compris du côté des opposants candidats à l’élection présidentielle dans ce pays.
En effet depuis plus d’une quinzaine d’années que nous déplorons et argumentons sur la nature essentiellement politique des incarcérations sélectives opérées par le dictateur Paul Biya au Cameroun, nombreux sont les intellectuels, journalistes, activistes camerounais qui ont toujours rangé nos analyses dans le registre familial, filial, voire tribal … refusant délibérément dans un esprit sectaire et pour de minables calculs personnels, de condamner cet état de fait, dans un silence plus qu’assourdissant des opposants politiques voulus de premier plan au dictateur Paul Biya.
Par conséquent, la défense des droits des Africains ordinaires a été opportunément transformée au Cameroun en défense d’intérêts spécialisés, et a surtout travesti des conversations ou réflexions nécessaires sur le despotisme légal ambiant, maintenant tenues au vitriol … Bien que le CL2P ait esquissé une critique inclusive et universelle de la tyrannie en Afrique, le climat politique empoisonné et la politique de la destruction personnelle suspecte ont été exploité pour mettre au point des arguments réactionnaires inutiles contre une organisation qui ne mérite pas ce genre d’enfermement politique. Ce faisant, tous les ennemis du CL2P, volontairement ou involontairement, achètent et adhèrent à l’idée du régime en place suivant laquelle le statu quo ambiant après 36 ans de pouvoir est préférable, voire assez bon et pourrait leur profiter à titre individuel. Ce qui ne devrait franchement jamais être le cas.
C’est dire si nous observons avec un certain amusement mêlé de tristesse la fuite en avant de la justice aux ordres camerounaise, telle qu’elle est notamment mise en branle depuis quelques semaines. Parce qu’elle confirme simplement tout ce que le web journaliste et correspondant du CL2P au Cameroun, Michel Biem Tong (http://www.hurinews.com), et nous-mêmes disions déjà, particulièrement à travers les maintiens en détention arbitraire des ministres Marafa Hamidou Yaya et Jean Marie Atangana Mebara, à savoir que cela participe de la détermination morbide d’un despote de 85 ans de mourir au pouvoir en éliminant systématiquement tous ses concurrents crédibles.
Ce n’était déjà pas si difficile à comprendre en 1997 lors de l’incarcération du Pr. Titus Edzoa; ça le devient encore moins aujourd’hui avec les menaces de poursuites puis de condamnations qui pèsent et se précisent au jour le jour contre des candidats présidentiels soigneusement ciblés Maurice Kamto et Akere Muna, pour ne citer que ceux-là. C’est dire si nous allons observer avec une attention redoublée comment les principaux soutiens et partisans desdits leaders politiques vont réagir cette fois-ci à cette instrumentalisation incontestable de l’institution judiciaire à des fins électorales au Cameroun:
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Cesseront-ils d’alimenter la théorie simpliste d’une corruption et de sa lutte au Cameroun qui devraient se concentrer uniquement sur les ressortissants d’une seule et même région, celle du président Biya, voire d’une seule et même tribu (comme si les serviteurs de la république ont appartenu à une seule et même région ou tribu depuis que Paul Biya est Président du Cameroun)?
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Ou comprendront-ils enfin que tout ceci procède d’une stratégie machiavélique de conservation familiale du pouvoir, voire de dévolution familiale ou dynastique de celui-ci???
Ainsi, la tyrannie ne cause pas seulement la ruine économique et sociale du pays, mais aussi épistémologique. La connaissance en tant qu’apprentissage de croyances basées sur la communauté et la capacité d’auto-illusion y est très élevée, ce qui conduit à la nécessité de la formation et de la constitution d’une nouvelle autorité épistémique si nous voulons vraiment avoir une démocratie.
Le Comité de Libération des Prisonniers Politiques (CL2P)
English version
The CL2P, Legal Despotism and Epistemic Authority in Cameroon
It often happens that we accept as true what other people tell us, and by doing so, we acquire knowledge about the world. We trust each other, and we often grant institutions, teachers and experts’ authority over our beliefs. The inter-subjective nature of belief formation is at the very center of the question of epistemology. Indeed, most of what we think we know about the world is due to reliance on epistemic authorities, individuals, family members or institutions that tell us what we ought to believe about power, democracy, the law, etc…
However, in a country dominated by reactionary forces, educating ourselves from the challenges we faced is extremely difficult. Therefore, who to believe is a question of crucial importance because of personalized power, the capacity for deception and self-deception run very high.
Particularly, in countries such as Cameroon, dominated by a context of legal despotism where the law is weaponized to clear the political battlefield the regime of Yaoundé considered to be dangerous to its survival.
For more than the last fifteen years, the CL2P has deplored and argued against legal despotism and the essential political nature of selective incarceration carried out by the dictator Paul Biya in Cameroon. However, the CL2P has faced epistemological obstacle in its struggle for human right and democracy from many intellectuals, journalists and activists in Cameroon who have always confined the CL2P’s work to cynical political opportunism and neopatrimonial dominance in terms of exploiting family network , filial, even tribal …therefore, defending the rights of ordinary Africans has been turned into defending specialized interest and missed conversations which have now devolved into dismissal and vitriol… Even though, the CL2P has outlined an inclusive and universal critique of tyranny in Africa, the CL2P has been saddled with the poisonous political climate and suspicious personal politics to level unnecessary reactionary arguments against an organization that do not deserve that kind of politics.
By doing so, all of the CL2P’s haters, willingly or unwillingly, are buying the regime’s idea that the status quo of the Biya’s regime after 36 years in power is good enough which frankly should never be the case.
Now, the CL2P observes with regret mixed with sadness, Legal Despotism in full-fledged operation in the country sparing no one. CL2P web reporter and correspondent in Cameroon, Michel Biem Tong (http://www.hurinews.com), and Joel Didier Engo, president of the CL2P, have said, particularly through the continued arbitrary detention of senior Ministers Marafa Hamidou Yaya and Jean Marie Atangana Mebara, namely that this is part of the morbid determination of an 85-year-old despot to die in power by systematically eliminating all its credible competitors. It was not so difficult to understand in 1997 when Pr. Titus Edzoa was incarcerated; it is becoming even less so today with the threats of prosecution and sentences that weigh and are becoming more precise day by day against the carefully targeted presidential candidates Maurice Kamto and Akere Muna, to name but a few.
This is to say if we will observe with renewed attention how the main supporters and allies of these political leaders will react this time to this indisputable instrumentalization of the judiciary for electoral purposes in Cameroon.
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Will they stop feeding the simplistic theory of corruption and its struggle in Cameroon, which should focus only on people coming from the same region, that of President Biya, or even one and the same tribe (as if all the servants of the republic belonged to one and the same region or tribe since Paul Biya is President of Cameroon)?
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Or will they finally understand that all this proceeds from a Machiavellian strategy of family conservation of power, even family or dynastic devolution of it???
Thus, tyranny, not only causes economic, social but also epistemological ruin. Knowledge as community based belief learning and the capacity for self-deception is very high which leads to the necessity for the formation of new epistemic authority if we truly want to have a democracy.
The Commitee For The Release of Political Prisoners (CR2P)