Pouvoir et service en Afrique: le cas de Ian Khama
Par Olivier Tchouaffe, PhD, Porte-parole du CL2P
Ian Khama, un général de l’armée à la retraite, a démissionné de son poste de président du Botswana samedi le 31 Mars 2018, remettant le pays riche en diamants à son adjoint après une décennie à la barre. La loi du Botswana limite le mandat du président à deux investitures de cinq (05) ans et prévoit que le vice-président pourvoira automatiquement le poste s’il devient vacant. Le président Ian Khama du Botswana a conclu cette semaine une « tournée d’adieu » nationale avant de se retirer samedi dans un transfert de pouvoir visant à souligner son statut d’homme d’État et la stabilité du pays. Pendant cette tournée d’adieu, il a été supplié de rester au pouvoir pendant encore 50 ans de plus, ce qu’il a immédiatement refusé.
Le président du Botswana a récemment attiré l’attention sur le fait que les dirigeants africains de longue date devaient lâcher leur emprise sur le pouvoir: d’abord le Zimbabwéen Robert Mugabe, puis Joseph Kabila de la République Démocratique du Congo (RDC). Et il a critiqué le leader burundais Pierre Nkurunziza, qui a plongé son pays dans la tourmente en 2015 en ignorant la limite de deux mandats et en piétinant dans le sang l’opposition pour s’offrir son troisième mandat.
Khama a également défendu la Cour pénale internationale et ses efforts pour poursuivre d’autres dirigeants africains accusés de crimes contre l’humanité. Il a notamment appelé les autres pays africains à appliquer le mandat d’arrêt de la Cour à l’encontre du président soudanais Omar Hassan Ahmed Bashir et à se tenir aux côtés du peuple soudanais contre son régime oppressif.
Khama a aussi accusé récemment le président Trump d’encourager le braconnage de la faune en annulant l’interdiction d’importer des trophées de chasse aux États-Unis, il a déclaré à cet effet sur la BBC qu’il «ne se préoccupait pas seulement de la faune, mais aussi de l’attitude de Trump envers toute la planète.»
En effet, au cœur de toutes ces crises socio-politiques, qui minent, rongent et déciment le continent africain, se trouve la question de la nation et de la gestion du Pouvoir.
L’homme africain aime et adore le pouvoir. L’attitude scandaleuse et déconcertante des ces leaders politiques et voir même de ces leaders religieux dans la gestion du Pouvoir, en est une expression parfaite. Le Pouvoir dans la mentalité africaine est synonyme de puissance. Une puissance, aux allures de divinités, qui s’exerce et s’éternise pour maintenir les autres sous contrôle et sous une manipulation permanente.
L’Afrique est victime de ses filles et fils, malades de leur soif inétenchable du Pouvoir absolu. Cette vision du Pouvoir qui se dit en termes de domination et de règne absolu prend, au fait, ses racines dans l’espace culturel africain. L’Afrique est un continent, avec un système politique culturel traditionnel, fait de chefferies et de royautés. Dans la tradition africaine, le pouvoir ne se trouve que dans les mains d’un individu qui le répand dans son unique famille et dans sa seule lignée, tribu, et clan. Un individu, une famille, une lignée est ainsi conçue comme née uniquement pour régner et pour gouverner, et par conséquent tous les autres seraient nés pour être gouvernés et pour subir les effets du pouvoir des autres. La monopolisation du pouvoir est une réalité propre à la culture africaine.
Cette monopolisation du pouvoir a aussi des conséquences dans la gestion des richesses du pays. Les détenteurs du pouvoir emmagasinent et monopolisent à eux seuls les biens de tous. Du coup, ils vivent dans un luxe insolent et pompeux au détriment des autres qui se contentent des miettes et croupissent dans la misère. La monopolisation du pouvoir est ainsi une route toute tracée pour le tribalisme, avec l’unique mentalité que seules les personnes de mon clan et de mon ethnie ont droit de cité à mes yeux.
Malheureusement, les années passent, les mentalités évoluent, mais cette tendance culturelle de monopolisation du pouvoir par un individu, par une famille, par un groupe de personnes, continue d’avoir de l’impact sur la vie socio-politique, culturelle et religieuse du continent.
Une partie de la population, des familles comme Eyadema au Togo, Bongo au Gabon, Kabila en République du Congo, Kenyatta au Kenya, continuent de monopoliser le pouvoir et de faire prévaloir leur pouvoir, y compris par la terreur, pendant que l’autre partie de la population, exaspérée par une telle vision de la gestion du pouvoir essaie tant bien que mal de s’en libérer. Le désir de maintenir le pouvoir et de se maintenir au pouvoir et l’envie de mettre fin à cette vision de monopolisation du pouvoir sont deux forces qui s’affrontent et se combattent, plongeant le continent de manière continuelle dans la violence et dans le sang.
Sans aucun doute, un grand nombre de conflits sont nés et continuent de naître, puis continueront de surgir sur le continent africain à cause de cette mentalité de monopolisation du pouvoir et de son caractère oppressif et destructif exercé par les dirigeants africains.
Le pouvoir jusqu’ à la lie, est la source de nos malheurs en tant que continent et peuple africain.
Au cœur de la dynamique du pouvoir se trouve la notion de service, qui reste la raison d’être de tout pouvoir politique et religieux. Un pouvoir qui n’est plus saisi en termes de suprématie, de domination, mais en termes de service.
Plus que jamais, des leaders tels que Ian Khama, montrent combien le besoin d’une évangélisation profonde sur la notion de Pouvoir dans la culture africaine s’avère fondamental. Elle passe nécessairement par la promotion d’une nouvelle culture et même d’une nouvelle civilisation qui éduque et forme une nouvelle conscience. L’éducation et la formation des consciences à la lumière des valeurs universelles de la démocratie et des droits de l’Homme demeurent la clé du salut pour le continent africain.
Olivier Tchouaffe, PhD, Porte-parole du CL2P
English version
Power and Service in Africa: The case of Ian Khama
By Olivier J. Tchouaffe, PhD, Spokesman of the CL2P
Ian Khama, a retired army general, stepped down as president of Botswana on Saturday, handing the diamond-rich country to his deputy after a decade at the helm. Botswana law restricts the president to serving two five-year terms, and provides for the vice president to automatically fill the post should it become vacant. President Ian Khama of Botswana this week wrapped up a national « farewell tour » before standing down on Saturday in a power transfer designed to stress his statesmanship and the country’s stability. During that farewell tour, he was begged to stay in power for another 50 years which he refuses.
Botswana’s president has drawn attention recently for urging long-time African leaders to loosen their grip on power: first, Zimbabwe’s Robert Mugabe, then Joseph Kabila of the Democratic Republic of Congo. And he slammed Burundian leader Pierre Nkurunziza, who plunged his country into turmoil in 2015 by ignoring a two-term limit and trampling the opposition on his way to his third term.
Khama has also stood up for the International Criminal Court and its efforts to prosecute other African leaders accused of crimes against humanity. Notably, he called on other African nations to enforce the court’s arrest warrant for Sudanese President Omar Hassan Ahmed Bashir and to stand with the Sudanese people against his oppressive rule.
He hasn’t been afraid to criticize mightier powers either, recently accusing President Trump of encouraging wildlife poaching by overturning the ban on the import of hunting trophies to the U.S. He told the BBC he was not just concerned about wildlife, but Trump’s « attitude towards the whole planet. »
Evidently, Ian Khama leads us to think about the tragedy of power in Africa.
Indeed, at the heart of all these socio-political crises, which undermine, gnaw and decimate the African continent, lies the question of the nation and management of power. The African man loves power. The scandalous and disconcerting attitude of its political leaders, and even of its religious leaders in the management of power, is a perfect expression of this. Power in the African mentality is synonymous with power. A deity-like power that goes on and on to keep others under control and manipulation.
Africa is a victim of its daughters and sons, sick of their unquenchable thirst for absolute power. This view of Power, which is expressed in terms of domination and absolute rule, takes its roots in the African cultural space. Africa is a continent with a traditional cultural political system of chieftaincy and royalty. In the African tradition, power is found only in the hands of an individual who spreads in his one family and in his only lineage, tribe, and clan. An individual, a family, a lineage is born solely to rule and govern and therefore all others are born to be ruled and to suffer the effects of the power of others. The monopolization of power is a reality peculiar to African culture.
This monopolization of power also has consequences for the management of the country’s wealth. Holders of power store and monopolize alone the property of all. As a result, they live in an opulent and pompous luxury to the detriment of others who are content with crumbs and languish in misery. The monopolization of power is a ready-made road to tribalism, with the only mentality that only the people of my clan and of my ethnicity have right of city in my eyes.
Unfortunately, as the years go by, mentalities evolve, but this cultural tendency to monopolize power by an individual, a family, a group of people, continues to have an impact on socio-political, cultural and religious life.
Families like the Eyademas in Togo, Bongo in Gabon, Kabila in the Republic of Congo, Kenyatta in Kenya, continue to monopolize the power and make their power felt while the rest of the population, exasperated by such a vision of the management of power tries somehow to free itself from it. The desire to maintain power and stay in power and the desire to end this vision of monopolization of power are two forces that clash and fight each other plunging the continent continuously into violence and blood. Without a doubt, a great number of conflicts have been born and continue to be born and continue to be born on the African continent because of this monopolization of power mentality and its oppressive and destructive character exercised by African leaders. Power up to the dregs, is the source of our misfortunes as contain and African people.
At the heart of the dynamics of Power is the notion of service, which remains the raison d’être of all political and religious power. A Power that is no longer grasped in terms of supremacy, domination, but in terms of service.
More than ever, leaders such as Ian Khama, show the need for a profound evangelization of the notion of Power in African culture remains fundamental. It necessarily passes by the promotion of a new culture and even of a new civilization which educates and forms new consciousness. Education and the formation of consciences in the light of universal values of democracy and human rights remain the key to salvation for the African continent.
Olivier J. Tchouaffe, PhD, Spokesman of the CL2P