Sur Kamto et le «syndrome du dérangement» des Bamilékés
L’article récent de Frank Bafeli intitulé «Le Pr. Maurice Kamto sur le viseur du préfet des Hauts Plateaux» est un autre témoignage du « syndrome du dérangement du Pr. Kamto et des Bamilékés» au Cameroun. Un réflexe conditionné qui a déjà reçu le scalp de Mathias Owona Nguini, l’un des idéologues non assumés et pourtant les plus en vue du régime de Biya, y compris dans les réseaux sociaux.
Nous devons commencer par noter que l’argument du préfet contre le professeur Kamto était aussi un argument contre la diversité et les diverses perspectives en place dans la course présidentielle au Cameroun. En plus, il ne fait aucune mention sur les mérites intrinsèques des candidats, mais concentre tout son propos pour vendre une idée et une seule: celle de la soi-disant prolifération des candidatures présidentielles des «Bamiléké» et que, en étant «Bamiléké», ces gens apportent la «division» dans la course présidentielle.
Même en mettant de côté l’argument selon lequel en interférant dans la course présidentielle comme il le fait, ce préfet outrepasse largement son autorité, couplé au manquement total et flagrant à ses devoirs professionnels en brandissant ouvertement le drapeau du parti du Président Biya; la vérité est que le Cameroun n’a jamais eu de président Bamiléké. Alors comment est-ce que ce préfet sait-il déjà qu’en se présentant à la présidence, les candidats estampillés «Bamilékés» sèment automatiquement la division dans le pays?
Il y a pourtant une donnée incontestable: le fait que beaucoup de Bamilékés se soient présentés à l’élection présidentielle, même aux anciennes échéances, n’a jamais mené le Cameroun à la guerre civile. Alors sur quelle base ce préfet peut affirmer que le «Bamilékés» sèment la division? La seule réponse est que ce préfet est en train de mettre le feu aux poudres, ce qui consiste en pratique à trouver une cible, puis forcer un récit toxique dans la sphère publique, et pousser la population à choisir son camp par la loyauté contrainte, l’intimidation et les menaces. Ainsi, à l’instar de nombreux ethno-fascistes partisans de ce régime, ce préfet voit des tribus partout, et ne parvient logiquement pas à considérer les Bamilékés comme des citoyens camerounais à part entière. Parce que, quoiqu’il en dise, en tant que citoyens, les Bamilékés ont le droit de se présenter aux élections comme n’importe quel autre citoyen camerounais.
Ce à quoi nous assistons en réalité ici, et qui est particulièrement attisé par les partisans de Paul Biya depuis la désignation du Professeur Kamto comme candidat du MRC à l’élection présidentielle, c’est une instrumentalisation délibérée d’un «discours de haine» déguisé en «sauvetage de la démocratie et préservation de la paix» au Cameroun.
Le préfet des Hauts Plateaux Félix Bilounougou devrait ou pourrait au moins être réprimandé par sa hiérarchie, mais cela ne figure pas dans les chartes du régime en place depuis 36 ans, qui prospère plutôt en permanence sur la manipulation et l’exploitation du tribalisme d’État. De plus, au lieu de s’attaquer à la mécanique de l’infrastructure gigantesque qui produit l’inégalité structurelle au Cameroun, le tribalisme y est devenu une marchandise qui confère aujourd’hui l’essentiel des droits et des privilèges, et autorise tous les excès. C’est la vision du monde selon laquelle certaines tribus ont le droit au pouvoir (voulu à vie) et d’autres pas, ce qui constitue une recette indiquée pour le désastre, parce qu’elle crée de facto une citoyenneté de seconde zone et refuse d’accorder la liberté et la dignité à tous.
Ainsi, la question centrale devient comment éliminer le tribalisme, qui n’a aucune base biologique, dans la politique au Cameroun?
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En premier, ne riez pas sur les blagues, les insinuations ou les suppositions tribales, racistes, sexistes, âgistes, homophobes, ou stéréotypées. Car en riant, vous reconnaissez ou donnez une légitimité à ces blagues.
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Deuxièmement, les acteurs publics bien identifiés dans la société camerounaise ont besoin de comprendre et de reconnaître la nuisance de leurs privilèges. Cette compréhension est cruciale pour démanteler la discrimination institutionnelle en s’attaquant au lien entre le pouvoir, le privilège, et la discrimination si nous voulons briser notre dépendance malsaine à des institutions corrompues et complètement pourries de l’intérieur.
Le Comité de Libération des Prisonniers Politiques (CL2P)
English version
On Kamto and the Bamileke’s “Derangement Syndrome”
Frank Bafeli’s recent article titled, “Le Pr. Maurice Kamto sur le viseurs du prefet des Hauts Plateaux” is another testimony of the “kamto’s derangement syndrome” in Cameroon. A conditioned reflex which has already claimed the scalp of the like of Mathias Owona Nguini one of the Biya’s regime foremost ideologue.
We need to begin by noting that the prefet’s argument against Prof. Kamto was also an argument against diversity and the diverse perspectives in the presidential race, or an argument for the merits of the individual candidate, but an effort to sell that the proliferation of the “Bamileke” presidential candidate and the notion that, just by being Bamileke, these people were bringing “division” into the presidential race.
Leaving aside the argument that by interfering into the presidential race, the prefet is overstepping his authority and he is in total and flagrant dereliction of duties by openly flag-waving for the Biya’s regime, the truth is that Cameroon never had a Bamileke president, how does the prefet know that by running for president the Bamileke candidates are sowing division into the country?
The fact that many bamilekes ran for the presidential office before and that did not lead to civil war, on what basis the prefet can argue that they are sowing division? The only answer is that the prefet is gaslighting, which is finding a target, forcing a toxic narrative on the people and forcing them to choose sides through enforced loyalty, intimidation and threats. Thus, in this vile tactic, he sees tribes and tribal men but fail to see bamileke people as Cameroonian citizens and as citizen, bamileke have the right to run for president like any other Cameroonian citizen.
Thus, what we indeed witness is “hate speech” masquerading as “saving democracy and preserving the peace.” The prefet should at least be reprimanded by his hierarchy but that does not seem to be in the cards since the regime in place thrives on the manipulation and exploitation of tribalism. More, instead of attacking the mechanic of the gigantic infrastructure producing inequality, tribalism has become a commodity with a sense of entitlement.
A worldview where some tribes are entitled to power and others are not is a recipe for disaster because it creates a de facto second-class citizenship and refuses to extend freedom and dignity to all.
Thus, the central question becomes how to eliminate tribalism, which has no biological basis out of politics in Cameroon?
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Do not laugh at tribal, racist, sexist, ageist, homophobic and other stereotypical jokes or assumptions. By laughing, you are acknowledging the joke is.
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Second, people need to understand and recognize their own privilege. In addition, how that understanding is crucial to dismantle institutional discrimination by tackling the link between power, privilege and discrimination and breaking up our unhealthy dependency on corrupt and rotten institutions.
The Committee For The Release of Political Prisoners (CL2P)