Le président nigérian effectue mercredi sa première visite officielle au Cameroun. Les deux pays entretiennent des relations tendues du fait de différends frontaliers historiques. Cependant, la nécessaire coopération dans la lutte contre le groupe Etat islamique en Afrique de l’Ouest (ex-Boko Haram) pourrait rapprocher ces deux pays qui ont des intérêts communs.
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Cette visite « a pour but de construire une alliance régionale forte pour affronter le groupe islamiste », d’après le porte-parole de la présidence nigériane. Par ailleurs, le président Paul Biya est arrivé au pouvoir en 1983, l’année au cours de laquelle Muhammadu Buhari faisait son coup d’Etat et les deux hommes se connaissent déjà. La question est donc de savoir si la relation entre Paul Biya et Muhammadu Buhari sera moins difficile qu’elle ne l’était avec Goodluck Jonathan ces trois dernières années.
En 1984, Paul Biya échappe à une tentative de coup d’État. La purge qui s’exerce alors contre certaines personnalités du nord du Cameroun déplait au président du Nigeria, Muhammadu Buhari. Les relations entre les deux hommes sont alors mauvaises. Depuis, trente années ont passé. Mais le Cameroun et le Nigeria entretiennent toujours des relations délicates, pour ne pas dire difficiles. Un contentieux historique, alimenté par plusieurs différends frontaliers.
Aussi dans cette relation complexe, les gestes symboliques ont leur importance. A Yaoundé, on avait pris l’habitude depuis quinze ans qu’un président élu au Nigeria réserve sa première visite extérieure au Cameroun. Muhammadu Buhari a failli à la règle, provoquant quelques critiques inquiètes à Yaoundé.
Une décision forte attendue
Mais aujourd’hui Paul Biya et Muhammadu Buhari sont en quelque sorte condamnés à s’entendre. La lutte contre l’ex-Boko Haram constitue le socle et l’enjeu de cette nouvelle alliance.
A Yaoundé, l’une des questions que doivent trancher les deux hommes est celle du droit de poursuite réciproque dans la lutte contre les jihadistes. Les armées des deux pays ne l’appliquent pas. Mais une décision forte pourrait être annoncée à l’issue de la visite du président nigérian, c’est du moins ce qu’espèrent les observateurs.
Les deux présidents devraient par ailleurs célébrer l’entrée en fonction prochaine de la Force multinationale mixte. Rien de tel au fond qu’un ennemi commun pour réconcilier deux amis en froid.
■ Les attentes des acteurs socio-politiques du Cameroun
Les Camerounais, qui se désolaient de voir se creuser une certaine distance entre les exécutifs de Yaoundé et Abuja, en même temps qu’apparaissaient des divergences profondes dans la lutte contre le terrorisme, espèrent que cette visite, attendue de longue date, va permettre d’aplanir les différents et l’adoption d’une stratégie commune.
Les acteurs de la scène socio-politique camerounaise sont unanimes. L’axe Abuja-Yaoundé est vital dans la lutte que les États de la région mènent contre l’organisation États islamique en Afrique de l’Ouest (ex-Boko Haram).
Eric Binjamin Lamere, est le porte-parole du collectif « Unis pour le Cameroun », organisateur en février dernier d’une grande marche patriotique contre la nébuleuse jihadiste. « Ce sera difficile de venir à bout de Boko Haram si l’axe Yaoundé-Abuja ne fonctionne pas. Il faut absolument que Yaoundé et Abuja se parlent, se comprennent, travaillent main dans la main », estime-t-il.
Le premier tête-à-tête de Biya du Cameroun et Buhari du Nigeria charrie ainsi tous les espoirs pour un règlement définitif du conflit. « On espère que les suspicions observées jusqu’ici seront levées et que désormais on pourra avoir une véritable synergie d’actions entre le Cameroun et le Nigeria », souligne le porte-parole de « Unis pour le Cameroun »
Cette visite, espère-t-on à Yaoundé, devrait aussi rafraîchir la coopération économique entre les deux pays. Jean-Baptiste Atemengue du RDPC au pouvoir souligne l’intérêt entre les deux voisins que diverses tensions ont souvent opposés
« Il y a eu Bakassi, mais je crois que la résolution pacifique par le droit international a plutôt servi d‘exemple à d’autres conflits de ce type. Comme on vient de signer un nouvel accord cadre au niveau commercial, qu’on puisse exploiter ce qu’il est possible d’exploiter en termes économiques et d’échanges. Et nous ne pouvons pas nous passer du Nigeria, nous au Cameroun, et je pense que le Nigeria aussi a besoin du leader économique de l’Afrique centrale pour exporter dans cette sous-région », rappelle Jean-Baptiste Atemengue.
Source: Radio France Internationale (RFI)