Les terroristes de Boko Haram ayant changé leur fusil d’épaule au regard de leur nouveau mode opératoire, les attentats-suicides, le Délégué général à la Sûreté nationale appelle à une défense populaire, à une mobilisation citoyenne.
Alors qu’il est reconnu pour sa grande discrétion, les déclarations publiques de Martin Mbarga Nguélé, sont tellement rares pour susciter un intérêt certain quand elles sont faites. C’est que l’heure est grave, les forfaits funestes de Fotokol et Maroua ayant donné manifestement un relief particulier à cet appel ferme exprimé par le patron de la police en faveur d’une vigilance accrue et permanente des populations camerounaises face à ces barbares d’un nouveau genre qui tuent et pillent, prétendument au nom de dieu.
C’est dans ce sens que le délégué général à la Sûreté nationale, dans le but de renforcer la sécurité des personnes et de leurs biens d’une part, de rassurer les uns et les autres d’autre part et de renforcer la collaboration entre la police et le corps social de troisième part, a déployé sur le terrain, à travers les dix régions que compte le Cameroun, des hauts responsables de la Sûreté nationale pour échanger sur le terrain avec les gouverneurs des régions, relayer ses directives auprès de ses collaborateurs des services déconcentrés. Non sans inviter les populations à mieux observer autour d’elles pour renseigner les autorités compétentes.
Lesquelles devraient prendre à leur tour des mesures adéquates pour anticiper sur toutes sortes de menaces. Cependant, face à l’image d’insécurité que semblerait donner le Cameroun aujourd’hui au regard des attentats-suicides orchestrés dans l’extrême-nord, et soucieux de réconforter les populations sur l’obligation régalienne qu’a l’état du Cameroun, une mission permanente et générale, d’assurer leur sécurité, Martin Mbarga Nguélé ne manque cependant pas d’appeler lesdites populations à une défense populaire. Laquelle implique la défense de l’état par toutes les forces vives de la nation.
Défense Populaire
La guerre contre Boko Haram ayant pris une dimension nouvelle, il était plus que jamais nécessaire pour le délégué général à la Sûreté nationale de sensibiliser et de motiver l’ensemble de la nation qui, en formant un bloc, constitue indéniablement un bastion de résistance. Sans verser dans le « tout militaire », il apparaît que la défense populaire vue du Cameroun, selon Martin Mbarga Nguélé, est l’expression de la capacité de la nation à mobiliser toutes les énergies susceptibles d’assurer la sécurité du pays et la sauvegarde de nos conquêtes dans la voie du progrès.
Qui plus est, la défense populaire est la combinaison des efforts et des actions menées concurremment par les forces régulières et la population, armée ou non. C’est également la participation de tout un peuple à l’effort de défense en vue de s’opposer par tous les moyens à l’invasion du sanctuaire national comme le prévoit le préambule de la constitution du Cameroun de 1996. Plus prosaïquement et de manière schématique, la défense populaire est la réaction du paysan, de l’ingénieur, de l’instituteur, du commerçant, du marabout ou du pasteur qui, sans trop maugréer, donne sa vie ou celle de ses enfants pour défendre son champ, son laboratoire, son école, son négoce, son minaret ou son clocher. C’est la réaction du citoyen qui, en y mettant toute son ardeur, est prêt à se faire tuer pour défendre, contre tout agresseur ou un envahisseur, sa patrie en danger.
Pour tout dire, l’efficacité de l’action de la police dans la croisade contre Boko Haram est et sera tributaire en partie de la coopération citoyenne des populations. La police, au regard du message de Martin Mbarga Nguélé qui est très clair, a besoin des informations pour traquer les terroristes qui vivent au sein de la population. Conséquemment, la police et la population sont consubstantiellement liées pour l’éradication de la nébuleuse Boko Haram. En somme, selon le délégué général à la Sûreté nationale : il « s’agit d’un partenariat qui implique d’une part les populations qui doivent coopérer étroitement et franchement, d’autre part, la police qui doit protéger, rassurer et ménager ses relations avec le corps social ». Dont acte !
Les nouveaux dispositifs de sécurités déclinées par le gouverneur de la région du Littoral:
– Les agences de voyage doivent avoir des appareils détecteurs de métaux pour celles qui n’en ont pas encore
– Le gouverneur demande aux transporteurs d’avoir des bordereaux qui mentionnent la date de naissance et le lieu de résidence du voyageur en plus de toutes les infos de la cni (nom,Prénom, etc…)
– Le gouverneur demande aux patrons que les ramassages en route soient interdits
– Les numéros d’appels d’urgence et les numéros internes de chaque compagnie doivent être affichés dans les bus en cas de besoin
– Les agences doivent être débarrassées des activités inutiles et n’être consacrées qu’aux embarquements et débarquements des passagers
– Le gouverneur demande de signaler tout passager qui parle un dialecte bizarre, ou “un genre un genre” (charabia)
– Le personnel à bord des voyages doit être formé sur la circulation de l’information et du renseignement des passagers louches
– Les gares routières et les agences de voyage seront désormais munies de policiers et gendarmes ainsi que d’un dispositif invisible
– tous les véhicules surpris en position de surcharge seront envoyés en fourrière.
– il n’y a plus un mendiant dans les rues de Douala depuis 72 heures et vous êtes prié(e)s de signaler immédiatement si vous voyez un mendiant quelque part dans la ville (composez le 1500)
Edgard Alain Mebe Ngo’o : «Les populations doivent acquérir une culture de la vigilance»
Propos recueillis par JEAN AREGUEMA, l’Oeil du Sahel
Vous arrivez à Maroua, au lendemain du double attentat, à la tête d’une délégation interministérielle. Quel est le message que vous êtes venu transmettre aux populations meurtries ?
Au lendemain des attentats terroristes qui ont été perpétrés à Maroua, le 22 juillet 2015, le président de la République, chef des armées, Son Excellence Monsieur Paul Biya, m’a dépêché ici à la tête d’une importante délégation interministérielle comprenant entre autres, le directeur général de la Recherche extérieure, le représentant du Délégué général à la Sûreté nationale, le ministre de l’Administration territoriale et le général de corps d’armée, chef d’état-major des armées, le général de Division, chef d’état-major de l’armée de terre, le général de brigade, le directeur central de la coordination de la Gendarmerie, et d’autres hauts responsables des forces de défense et de sécurité.
Le message dont je suis porteur de la part du président de la République, c’est de redire aux membres des familles des victimes des attentats, ses condoléances les plus sincères, mais aussi la compassion de toute la nation. Aux blessés, il m’a demandé de redire également ses encouragements, sa sympathie et ses souhaits de prompt rétablissement.
Évidemment au-delà, il a tenu à ce que toutes les populations de la région de l’Extrême-Nord sachent que toute la nation, tout le Cameroun est derrière elles pour les soutenir, à la suite des événements tragiques qui se sont produits. J’ai eu la possibilité de me rendre au chevet de tous les blessés et j’ai eu l’occasion de leur transmettre ces messages du président de la République. Maintenant, le président de la République m’a également demandé de transmettre aux autorités administratives, aux responsables de forces de défense et de sécurité et à tout leur personnel, son message d’appréciation et son expression de satisfaction par rapport à l’efficacité, à l’engagement et au patriotisme dont ils font preuve jusque-là dans la lutte contre le groupe terroriste Boko Haram.
Le dernier message s’adresse aux populations. Le chef de l’État leur demande d’apporter leur contribution, plus qu’elles ne l’ont fait jusqu’à présent. Boko Haram a changé son mode opératoire, car on est passé des attaques presque conventionnelles en unité constituée aux attentats terroristes. Vous avez vu les terroristes qui se sont fait exploser. Ce sont des filles de moins de 15 ans. Cela pose le problème de la responsabilité des parents par rapport à l’encadrement et l’éducation de leurs enfants. De plus en plus, les populations doivent acquérir une culture de la vigilance, car les temps ont changé. Il faut savoir regarder devant et derrière, à gauche et à droite et savoir que tout individu suspect que l’on ne dénonce pas peut être celui-là qui vient commettre un attentat kamikaze, avec toutes les conséquences qui peuvent en résulter au plan de la vie des personnes humaines.
Donc, c’est vraiment une action d’ensemble qui doit se mener. Les forces de défense le font déjà efficacement, mais elles ont besoin de la pleine coopération de tous nos compatriotes pour qu’ils soient vigilants, qu’ils s’organisent en comité de vigilance, en groupe d’auto-défense. Cette sensibilisation doit être menée par tout le monde, les autorités administratives, les opérateurs économiques, les leaders d’opinion à tous les niveaux, les chefs traditionnels, les ministres de culte, les responsables politiques, toutes chapelles confondues. Vous voyez quand une personne se fait exploser, quand il y a un attentat kamikaze, il n’y a pas de discrimination ou de parti politique, ou d’appartenance tribale, encore moins de confession religieuse. C’est un problème qui interpelle tous les Camerounais et tout le monde a le devoir d’apporter sa contribution. Voilà donc le message que je suis venu transmettre. Je saisis cette occasion pour redire la détermination résolue du président de la République à combattre de toutes ses forces, ce groupe terroriste Boko Haram, jusqu’à son extermination totale au Cameroun. C’est la condition sine qua non pour la préservation de la paix sociale, mais aussi pour le développement et l’émergence de notre pays. Le président est déterminé et vous devez voir qu’il ne recule devant aucun sacrifice pour mettre à la disposition des forces tout ce dont elles ont besoin pour accomplir leur mission.
On a constaté que les deux kamikazes étaient des étrangères inconnues dans leur environnement. Est-ce-que cela ne pose pas le problème de l’identification des personnes qui entrent au Cameroun. Des mesures sont-elles envisagées à ce propos?
Vous savez que nous sommes en train de vivre un phénomène terroriste auquel les Camerounais n’étaient pas habitués. D’abord, je dois vous dire que l’identité des terroristes n’est pas encore formellement établie. Les enquêtes sont en cours. Vous comprenez évidemment que ce problème doit susciter une réflexion globale à tous les niveaux et le problème de l’identification figure en bonne place. Je dis que nous sommes face à un phénomène de type nouveau au Cameroun. Les attentats terroristes, il y en a eu à Fotokol, il y a quelques semaines ; il y en a eu à Maroua, le 22 juillet 2015. Le Cameroun est en train de s’adapter à cette nouvelle menace. Les problèmes de téléphone, nous devons arriver à les identifier, y compris tous ceux qui acquièrent un téléphone portable. Je dois dire que c’est une instruction que le président de la République a donnée depuis longtemps, mais c’est maintenant que les Camerounais vont en mesurer la pertinence.
Source: l’Oeil du Sahel