Combien de disparus ? Des dizaines, des centaines… On ne sait pas. Ou plutôt on ne veut pas savoir… Je veux parler de ce que l’on a appelé « le massacre du Beach » ! Le Beach étant le port fluvial de Brazzaville , tout près du palais présidentiel de Denis Sassou Nguesso … Si près même que certains témoins, depuis les fenêtres de leur bureau de la résidence présidentielle, ont pu sentir la fumée des bûchers sur lesquels on brûlait des corps…
Alors que s’est-il passé ? Ce massacre, perpétré par des soudards proches du pouvoir, est l’ultime conséquence de la terrible guerre civile qui a ensanglanté la capitale de la République du Congo, plus communément nommée Congo-Brazzaville, pendant une année entière à partir de décembre 1998… Un conflit ethnique d’une violence inouïe avec son cortège de viols et d’assassinats systématiques… à tel point qu’on a parlé de massacres de type génocidaire. Au total, des dizaines de milliers de morts, 500.000 personnes déplacées, 800.000 sans abri et une forte odeur de pétrole…
Mais si Monsieur X évoque aujourd’hui cette affaire du Beach, c’est que la France y a été impliquée. La France de la Françafrique, si j’ose dire… Si prompte à protéger les dictateurs africains dès lors que ses intérêts, ou plutôt les intérêts de ses grands groupes, sont menacés…
Il faut enfin ajouter avant d’écouter Monsieur X que l’homme fort du Congo-Brazzaville, le vainqueur de cette épouvantable guerre civile, Denis Sassou Nguesso, est aussi l’un des trois chefs d’état africains impliqués dans l’affaire dite des biens mal acquis .
“Coup de coeur” lecture : “Photo de groupe au bord du fleuve” , d’Emmanuel Dongala , un roman sur le quotidien harassant des casseuses de pierres de Brazzaville, raconté par l’une d’elles, porte-parole du groupe. Des femmes issues de tous les milieux sociaux, lettrées ou analphabètes, contraintes de faire ce travail pour nourrir leurs familles, et qui ont décidé de protester contre les tarifs pratiqués par ceux qui leur achètent leurs sacs de gravier, afin de construire le nouvel aéroport de Brazzaville. A travers cette lutte, on découvre le régime autoritaire de l’indéboulonnable Denis Sassou Nguesso, la corruption qu’il engendre, les guerres qui ont ravagé le pays durant presque une décennie, les inégalités de toutes sortes, le plus souvent au détriment des femmes, les êtres humains les plus courageux de ce formidable roman (Actes Sud, 2010)
Par Léonora Miano, Écrivaine
Les liens
Site de la Fédération Internationale des Droits de l’Homme à propos des “disparus” du Beach