L’héritage de Papa Kadji: Ethnofascisme et Politique économique au Cameroun
Le décès du papa Kadji Defosso Joseph, également connu sous le nom de “Apāh Nkāwōh”, le premier industriel et millionnaire camerounais, souligne également une longue et productive vie qui fait écho à la politique économique camerounaise.
En effet, le papa Kadji est devenu emblématique des plus importantes dynasties commerciales bamiléké de l’ouest du Cameroun. Alors que ce type de vie réussie et productive témoigne de la débrouillardise des Bamiléké qui ont en fait contrôlé une grande partie du pouvoir économique au Cameroun, ce type de succès s’est accompagné de formes d’essentialisme et de ressentiment de la part des professionnels de l’ethnofascisme cherchant des bouc-émissaires pour excuser les échecs économiques successifs du régime Biya.
En effet, les sentiments anti-Bamiléké sont régulièrement attisés parce que les Bamilékés sont perçus comme dominant les milieux d’affaires et accumulant des richesses au détriment des Camerounais prétendument les plus “méritant”. Ces suppositions sont des conneries parce que, dans la réalité d’un système hyper-centralisé comme au Cameroun, c’est le régime de Biya qui contrôle l’économie et non les Bamilékés. Et c’est Biya qui a déjà dépensé plus de 182 millions de dollars américains en vacances, de l’argent qui aurait pu être utile pour développer l’économie camerounaise.
De plus, stéréotyper les Bamilékés comme des individus riches cache mal le fait que beaucoup sont tout aussi pauvres ou font partie de la classe moyenne en difficulté, tout comme les « Boulous » de l’ethnie de Biya qui ne profitent pas grand-chose de son pouvoir, comme l’avait déjà souligné l’économiste Célestin Monga et qui lui avait valu un séjour en prison pour « outrage » contre sa majesté Popaul Premier du nom.
Qui plus est, ces professionnels de l’ethnofascisme oublient de dire que la politique coloniale française a de la sorte orienté la plupart des Bamilékés dans le commerce, en particulier la politique de Roland Pré qui permettait aux hommes d’affaires bamilékés d’accéder facilement aux licences d’importation et d’exportation, puis de reprendre les biens des blancs expatriés qui ont quitté le pays après l’indépendance. Roland Pré a préconisé qu’en occupant les Bamiléké dans les affaires, il les éloigne du pouvoir politique. Ainsi, le pouvoir économique des Bamiléké s’est accru pendant ces politiques discriminatoires coloniales; parce qu’ils n’étaient tout simplement pas autorisés à explorer la participation à d’autres activités, comme la politique, alors ils se sont concentrés sur l’économie. De même, de nombreux Bamilékés partisans et militants de l’Union des Populations du Cameroun (UPC) ont été tués par l’administration coloniale française; un génocide qui n’ose toujours pas dire son nom, alors que l’ancien président français François Hollande avait promis que les archives de cette période tragique seraient mises à la disposition du public.
Ainsi, pour ne rien enlever aux Bamilékés, il n’y a pas ici de qualités essentialistes, mais seulement des politiques qui auraient pu s’appliquer à d’autres personnes ressortissantes d’autres régions camerounaises. Aussi, au lieu de nourrir un quelconque ressentiment contre les Bamilékés, la vraie question est la suivante: comment se fait-il que le régime de Biya n’ait pas réussi à tirer parti de la diversité camerounaise en termes de ressources culturelles, religieuses, linguistiques, et même ethniques?
Force est de constater tristement que l’intensité du ressentiment contre les bamilékés ne s’est hélas pas encore calmée, bien au contraire comme en témoigne la formidable campagne anti-MRC du professeur Maurice Kamto (alimentée notammnt sur facebook par l’idéologue ethnofasciste Mathias Eric Owona Nguini), occultant délibérément l’ironie suivant laquelle beaucoup de Bamilékés sont encore très prudents à s’engager en politique, précisément parce qu’ils se souviennent que leurs proches ont été tués ou longuement maintenus en détention à cause de la politique. Ils préfèrent plutôt influencer la politique comme ils le font toujours en marge, plutôt que d’en devenir des acteurs, ou d’aspirer d’être président (quand bien même ils en auraient largement les aptitudes). En effet, beaucoup de Bamilékés demeurent encore réticents à l’idée d’occuper la présidence de la république, préférant être stratégiques voire influents sur celle-ci (quelqu’en soit l’occupant), misant de préférence sur l’impact réel qu’ils peuvent alors avoir.
Le Comité de Libération des Prisonniers Politiques – CL2P
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English version
On Papa Kadji’s legacy: Ethnofascism and Economic Politics in Cameroon
The passing of papa Kadji Defosso Joseph, also known as “Apāh Nkāwōh, “ the first Cameroonian industrialist and millionaire also point to a long and productive life that echoes Cameroonian politics.
Indeed, papa Kadji became emblematic of the most prominent Bamileke commercial dynasties of west Cameroon. While this kind of successful and productive life indicate the resourcefulness of the Bamileke which indeed came to control much of the economic power in Cameroon, that kind of success came packaged with forms of essentialism and resentment from the professionals of “ethnofascism” and turned into scapegoat for the economic failure of the Biya’s regime.
Indeed, Anti-Bamileke sentiments are regularly being whipped up because the Bamileke are perceived as dominating business circles and accumulating wealth at the expense of the most “entitled” Cameroonians. These assumption are bullshit because it is the Biya’s regime that controls the economy and not the Bamileke. And, it is Biya who has already spent more than 182 US million on vacation, money that could have definitely been spent on growing the Cameroonian’s economy.
More, stereotyping the Bamileke as rich individuals as many are also poor or part of the struggling middle-class. Just like the “Boulous” of the Biya ethnic group who do not benefit much from his power as the economist Celestin Monga had already pointed out and who had earned him a stay in prison for “outrage” against his majesty Popaul 1.
What is more, these ethnofascism professionals forget to say is that most Bamileke were oriented into business by French colonial policies, particularly, Roland Pre’s policies which allowed Bamileke’s business people easy access to import and export licenses while taking over the resources of white expatriates leaving the country after the independence. Roland Pre taught that by keeping the Bamileke busy in business will keep them away from power. So, the Bamileke economic power rose during colonial discriminatory policies; because they were simply not allowed to explore participating in anything else, like politics, so they focused on the economy. Equally, many Bamileke who were partisans of the Union of Population of Cameroon (UPC) were gazed and killed by the French colonial administration; a genocide that dare not to say its name even when the former French president Francois Hollande claimed that the archives of that tragic period will be made available to the public.
Thus, not to take away anything from the Bamileke, there is no essentialist qualities here but just politics that could have been apply to any other people. Instead of resenting the Bamileke, the real question is how come the Biya’s regime failed to capitalize on Cameroonian’s diversity in terms of cultural, religious, linguistic and even ethnic resources?
The intensity of resentment against the Bamileke has yet to ease, however, as we can now witness with the formidable campaign of Professor Maurice Kamto’s MRC with the irony that many Bamileke people are still very cautious about politics because they remember their loved ones being killed or imprisoned. They will rather influence politics as they always do rather than take charge. Indeed, many Bamileke are largely reticent about political office, preferring to be strategic about the impact they can achieve.
The Committee For The Release of Political Prisoners – CL2P