Le gouvernement camerounais est confronté au phénomène de désertion des fonctionnaires dans les régions anglophones en crise. Des abandons de postes se sont multipliés dans les deux régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, alors que ces personnels de l’Etat font l’objet d’enlèvements et d’assassinats ciblés. La présidence de la République a récemment demandé au ministre de l’Administration territoriale de réinstaller les fonctionnaires déserteurs.
Si la note marquée du sceau confidentiel, signée du secrétaire général de la présidence de la République à l’attention du ministre de l’Administration territoriale, n’a fuité qu’hier sur les réseaux sociaux, elle n’en reste pas moins riche d’enseignements. Sur celle-ci, le secrétaire général de la présidence enjoignait son collègue sur instruction du président de la République de réinstaller au plus tard, le 10 septembre dernier, des fonctionnaires ayant déserté leur poste dans les régions anglophones en crise.
Six départements
Ces fonctionnaires sont en service dans six départements : deux dans le Nord-Ouest et quatre dans le Sud-Ouest, essentiellement des chefs d’unité administratifs, des sous-préfets d’arrondissement dont les identités sont par ailleurs révélées dans la note. Mais en plus de cette liste, un fonctionnaire en poste à Bamenda a confirmé – anonymement – à RFI que beaucoup d’autres chefs de services régionaux se trouvent dans le même cas. Des fonctionnaires qui estiment par ailleurs que l’administration ne fait pas assez pour garantir leur sécurité dans ces régions où ils sont sujets à des enlèvements.
Cas le plus symbolique
Le cas le plus symbolique est, à ce jour, l’enlèvement du sous-préfet de l’arrondissement de Batido le 11 février 2017 et dont on est toujours sans nouvelles.
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Yaoundé veut réinstaller les fonctionnaires qui ont abandonné leur poste au Cameroun anglophone
Les autorités camerounaises veulent réinstaller les fonctionnaires qui ont abandonné leur poste “pour cause d’insécurité” dans les régions anglophones en conflit, selon une note présidentielle.
Dans cette note datée du 7 septembre, le secrétaire général de la présidence, Ferdinand Ngoh Ngoh, demande au ministère de l’Administration territoriale de “procéder à la réinstallation” d’une douzaine de sous-préfets et autres fonctionnaires des régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest.
Dans ces deux régions anglophones, les combats sont quotidiens entre les forces de sécurité et des séparatistes anglophones armés qui se réclament d’un Etat indépendant, l'”Ambazonie”.
Ces derniers ont annoncé que l’élection présidentielle du 7 octobre n’aurait pas lieu en zone anglophone. Mardi, le ministre camerounais de l’Administration territoriale, Paul Atanga Nji, a répondu que celle-ci se tiendrait “dans les 360 arrondissements du Cameroun”.
Depuis le début du conflit armé fin 2017, les séparatistes visent particulièrement les fonctionnaires qui, selon eux, symbolisent la main-mise de Yaoundé sur leurs régions.
“Ngoh Ngoh envoie les fonctionnaires à l’abattoir”, titrait mercredi le quotidien privé Le Messager.
Quasiment chaque semaine, un rapt ou une agression contre un fonctionnaire est rapporté par les médias locaux.
Un préfet (de Batibo, dans le Nord-Ouest) a été tué en février, et les convois d’un ministre, d’un préfet et d’un gouverneur au moins ont été attaqués par des séparatistes depuis le début du conflit armé.
Depuis la rentrée scolaire début septembre émaillée en zone anglophone de violences et à l’approche du scrutin présidentiel, ces deux régions connaissent un fort regain de tensions.
Mardi, la capitale du Sud-Ouest Buea a été le théâtre d’affrontements entre séparatistes et forces de sécurité.
Dans le Nord-Ouest, un couvre-feu nocturne de 18 heures à 6 heures du matin a été instauré pour une durée indéterminée après l’attaque samedi d’un convoi de bus en banlieue de la capitale régionale Bamenda.
Au Cameroun anglophone, 109 membres des forces de l’ordre et de sécurité ont été tués, selon le gouvernement qui qualifie les séparatistes de “terroristes”.
Le nombre de victimes enregistrées chez les séparatistes n’est pas connu. Plusieurs centaines de civils auraient perdu la vie dans ce conflit, selon des ONG.
Avec AFP