La situation actuelle au Zimbabwe est précisément l’hypothèse la plus plausible quand toutes les voies d’une transition ou alternance démocratique – au bout d’un règne autocratique d’une extrême brutalité et longévité – ont été progressivement fermées.
Croire comme le font les tyrans qu’ils peuvent imposer leurs proches parents au motif qu’ils auront neutralisé toutes les poches de résistance est un leurre.
Tout peuple aspire au changement, y compris dans les rangs des courtisans et partisans des dictateurs, même si la plupart ne peuvent pas publiquement en dire mot.
Joël Didier Engo, Président du CL2P
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Ce que l’on sait de la situation au Zimbabwe, alors que l’armée dément tout coup d’Etat
Des officiers ont affirmé à la télévision d’Etat que le président Mugabe était sain et sauf. Ils ont en revanche déclaré viser des personnes de l’entourage du chef de l’Etat.
Que se passe-t-il exactement au Zimbabwe ? La confusion règne, mercredi 15 novembre au terme d’une nuit agitée qui a vu des militaires s’adresser au pays par l’intermédiaire de la télévision nationale, alors que des explosions étaient entendues dans la capitale, Harare, investie également par des blindés.
Pourquoi l’armée intervient-elle ?
« Ce n’est pas un coup d’Etat militaire contre le gouvernement », a déclaré un général dans une déclaration lue dans la nuit à la télévision nationale. « Nous assurons à la Nation que Son Excellence le président [Robert Mugabe] (…) et sa famille sont sains et saufs et que leur sécurité est garantie », a-t-il ajouté, cette opération visant « des criminels » de l’entourage du chef de l’Etat.
Une source gouvernementale, citée par l’agence Reuters, a affirmé que l’armée avait arrêté le ministre des finances Ignatius Chombo, un membre de premier plan de la « Génération 40 (G40) », une frange plus jeune de membres du parti au pouvoir Zanu-PF, emmenée par la femme du président Grace, qui entend succéder à son mari.
Déclaration du général SB Moyo, des forces de défense zimbabwéennes, lors d’une déclaration sur la la télévision d’Etat, le 15 novembre.
Quelle est la situation à Harare ?
Des soldats zimbabwéens ainsi que des véhicules blindés ont bloqué les routes menant aux principaux bureaux gouvernementaux, au Parlement et aux tribunaux dans le centre de Harare, a par ailleurs affirmé mercredi un témoin à l’agence Reuters. L’agence française de presse AFP relate, mercredi matin, que des barrages de blindés ont été installés autour du Parlement à Harare.
« Peu après 2 heures du matin, nous avons entendu environ 30 à 40 coups de feu tirés pendant trois à quatre minutes en provenance de la maison » de M. Mugabe, a déclaré sous couvert de l’anonymat à l’Agence France-Presse (AFP) un résident du quartier de Borrowdale.
Cette fusillade est intervenue au moment où un convoi de blindés était observé en mouvement près de la capitale du pays, nourrissant les rumeurs d’un coup d’Etat militaire en préparation contre le président, qui règne sans partage sur le Zimbabwe depuis son indépendance en 1980.
L’ambassade des Etats-Unis sur place recommandait dans la foulée à ses ressortissants de rester chez eux « à l’abri » en raison des « incertitudes politiques ».
Quel est le contexte politique ?
M. Mugabe, 93 ans, est engagé dans un bras de fer sans précédent avec le chef de l’armée qui a dénoncé, lundi, sa décision de limoger le vice-président du pays Emmerson Mnangagwa.
L’armée pourrait « intervenir » si cette « purge » ne cessait pas au sein du parti présidentiel, avait mis en garde devant la presse le chef d’état-major, le général Constantino Chiwenga.
Les tensions sont très vives dans le pays depuis la décision la semaine dernière du chef de l’Etat de révoquer M. Mnangagwa, longtemps pressenti comme son dauphin. « On voit très rarement des chars dans les rues. Normalement, ils se déplacent peu », a relevé auprès de l’AFP Derek Matyszak, analyste à l’Institut des études sécuritaires, basé à Pretoria.
« Chiwenga a lancé un défi à Mugabe (…) [Ce dernier] n’a pas répondu dans l’immédiat mais il serait opportun pour Chiwenga d’organiser des manœuvres militaires pour faire monter les enchères. »
Pour sa part, le parti du chef de l’Etat, la Zanu-PF, a accusé le chef de l’armée de « conduite relevant de la trahison » et dénoncé sa volonté de « perturber la paix nationale » et « encourager au soulèvement ». Mardi à Harare, les rumeurs allaient bon train sur une possible révocation par le président du général Constantino Chiwenga, qui est considéré comme un allié de M. Mnangagwa.
Le Mouvement pour le changement démocratique (MDC), fondé par Morgan Tsvangirai et principale force d’opposition au parti au pouvoir, a appelé, mercredi, à un retour pacifique à la démocratie constitutionnelle.
Dans son communiqué, le MDC dit aussi espérer que l’intervention militaire débouche sur « l’établissement d’un Etat-nation stable, démocratique et progressiste ».
Le Monde.fr avec AFP, AP et Reuters Le 15.11.2017
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