J’ai pris le temps du repos, celui d’un corps sollicité, parfois à l’extrême, par les mille contraintes de la vie et du quotidien. L’intérêt aussi, pour le tumulte et les rares lueurs de la vie citoyenne et politique au pays de Douala Manga Bell, Njoya et Um Nyobe ; les meandres de la quête de Renaissance Africaine.
Le repos, oui, mais pas le gel de nos consciences. Cette part de nous, horrifiée par les innommables sévices subis par Mamadou MOTA, pris dans la nasse de nos aveuglements.
Ceux qui voilent les yeux, comme des linceuls maculés de sang, sur la situation honteuse de nos prisons, construites pour 10 et pleines de 1000. Le mouroir de nos geôles, pleines comme des œufs en putréfaction, où l’on classe par alvéoles, les VIP, les sans grades et des Kosovars tropicaux.
Pourquoi torturer un citoyen qui vous ouvre les yeux ? Ces citoyens qui disent au ministre Esso et à son Secrétaire d’Etat à l’Administration pénitentiaire – totalement invisible – que la plus grande des dignités est la contrition devant la faute, l’humilité devant les ravages de l’incompétence et la lucidité devant les trombes d’inhumanité de nos bagnes.
On ne refroidit pas le chaudron de Kondengui en chauffant à blanc les barreaux de Yoko. On ne vide pas l’océan de misères de Buea avec ces cuillères qui alimentent les prisons secondaires. Aucune crosse, aucun coup de matraque ne seront alors suffisants pour réduire les MOTA et tous ces Camerounais, fiers de leurs luttes et combats, depuis nos premiers résistants, pour la liberté, la dignité , l’égalité et cette eau pour tous, au lieu des champagnes pour ceux qui peuvent aller à Genève. Y faire du vélo, y bénéficier de soins, y mourir. Aucun !
Penser qu’il faut une carte du MRC, un patronyme Bamileke, une résidence dans les Hauts-Plateaux ou le Nde, une inscription à un Njangui pour donner de la voix, crier de toutes ses forces contre ces injustices, cette ridicule détention pour tentative d’émigration clandestine de NDOKI ou de complicité imaginaire de KAMTO avec des casseurs, est un des triomphes de ce lavage des cerveaux. Celui hérité des Négriers accostant à Mbimbia avec leurs filets d’esclaves, de Nachtigal et ses traités iniques, des Français et Anglais de 1916 à Mora. Une souveraine victoire de la démagogie et de la mauvaise foi érigée en doctrine officielle et mode discursif d’expression des idées.
Celui qui instille dans la tête de nombre de Camerounais qu’on ne devrait, dans la vie citoyenne, réfléchir qu’en fonction de son village, de son roi ou chef, de sa tribu ou de son ethnie.
Celui qui fait qu’on ne pense pas aux valeurs, ce qui bâtit les ponts pour un peuple, avant son nombril. Celui qui enfouit les libertés sous le matelas des affinités, de la protection de ses titres et avantages.
Celui qui fait qu’on s’émeut à juste titre pour Mama Nguea mais ferme les yeux sur le sort de Valsero. Les battements du cœur plutôt que la paix de la conscience. Oubliant que, depuis la nuit des temps, c’est la détonation du silence qui tue plus que le crépitement des armes.
Celui qui fait qu’on peut foutre au cachot un Camerounais venu d’Allemagne juste parce qu’il détient dans ses bagages un livre de Maurice KAMTO. Celui qui fait qu’on peut garder dans des cellules miteuses un jeune Camerounais, en séjour au Cameroun, dont le seul tort est d’avoir été sur le trottoir en face de l’Ambassade du Cameroun, le jour de la casse.
A vous tous, prisonniers de nos aveuglements, de notre syndrome de Stockholm, de nos lâchetés, de notre refus du DIALOGUE NATIONAL, de la préférence à nos replis, du chant de cygne des libertés, je vous dis encore haut et fort :
Je serai, sans avoir besoin d’être de votre parti ou de partager totalement vos vues sur l’issue de la crise anglophone, comme toujours, aux côtés de ceux qui collectent des dons pour vous, pour vos enfants pour les rentrées scolaires. Ceux qui n’ont pas grand chose mais donnent pour alléger le supplice de votre séjour dans ces bagnes terribles.
De ceux qui n’ont pas besoin de marcher pour votre revendication de hold-up électoral pour réclamer le droit pour chaque Camerounais de marcher pacifiquement. Pour des causes qui ne doivent plus être décidées par le sous-prefet. Marcher comme les militants du Rdpc et leurs dignitaires sont autorisés à le faire, pour soutenir leur président national.
De ceux qui militent sans complexe pour votre libération, car votre place est à l’air libre pour que vous ayez comme chaque Camerounais, chaque Africain, le droit d’aspirer à proposer, partager des idées et diriger ce pays. Celui qui n’a aucune interdiction à Etoudi pour une tribu, une ethnie ou une région de notre pays.
De ceux qui pensent que l’urgence de la pensee doit être désormais celle de l’action et un impératif pour le DIALOGUE et la RÉCONCILIATION.