La France, pays dit des « droits de l’Homme », a-t-elle abandonné sciemment un de ses citoyens français dans un cachot de 7 m² pendant 17 ans pour ménager ses relations diplomatiques avec le Cameroun ? La France, pays dit des « Droits de l’Homme », peut-elle encore assurer que les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits, que nul homme ne peut être accusé, arrêté ni détenu que dans les cas déterminés par la loi, et selon les formes qu’elle a prescrites ? La détention arbitraire est la négation même de ce principe.
Cela a pourtant été le cas de Michel-Thierry Atangana, un citoyen français abandonné pendant 6 162 jours au Cameroun dans un cachot au sous-sol du Secrétariat d’État à la Défense de Yaoundé. Ni la mobilisation du département d’État américain, ni celles de des ONG Amnesty International et Freedom House, ni même le rapport accablant du groupe de travail sur la détention arbitraire de l’ONU demandant sa libération immédiate, n’avaient réussi à secouer les inerties des États pour mettre fin à son calvaire (cf. son livre-témoignage Otage judiciaire éditions Le Cherche Midi, Michel Thierry Atangana avec Anna Véronique El Baze, avril 2021).
Un millier de Français incarcérés
Au moment où nous écrivons cette tribune il a été libéré, grâce notamment à l’intervention du président François Hollande, mais attend toujours une réparation de son pays. Quand vous êtes innocent, quand on vous a abandonné, quand cet abandon a fait qu’on vous a volé 17 ans de votre vie, vous êtes en droit de demander que ce crime soit reconnu et réparé. Pourtant, sept ans après sa libération, Michel Thierry Atangana attend toujours.
Au-delà de ce cas terrible et tristement exemplaire, ce sont aujourd’hui un peu plus de 1 200 Français (étudiants, touristes, journalistes, entrepreneurs…) qui sont enfermés à l’étranger, et près de 600 d’entre eux sans cause connue.
Cela revient à dire que des centaines de Français présumés innocents vivent un calvaire au quotidien sans forcément avoir l’espoir que leur propre pays puisse leur apporter une aide. Cela revient-il à dire que des centaines de familles souffrent, seconde après seconde, de l’absence d’un des leurs et du silence de l’État ?
Comme le précisait sur RFI en août 2019 le diplomate Stéphane Gompertz qui a créé, avec le magistrat français Louis Joinet et l’avocat américain Reed Brody, le groupe de travail de l’ONU sur la détention arbitraire : « Quand on sauve des vies humaines, on ne perd pas son temps ». Notre responsabilité est de protéger nos citoyens et de leur permettre une égalité de traitement dans l’accès à leurs droits. Notre combat est de tout mettre en œuvre pour que les victimes ne se retrouvent pas face à un mur invisible et silencieux quand elles ont la chance de s’en sortir vivantes. Car l’ignorance est une forme de mort.
Avant d’envisager un recours contre l’État permettant de lever toutes les ambiguïtés sur ces affaires complexes et de clarifier les responsabilités de chacun, il serait opportun d’inscrire et d’étudier la proposition de loi N° 3429 visant à améliorer l’accompagnement et l’indemnisation des victimes de détention arbitraire, ainsi que de réfléchir à questionner le périmètre de l’action du défenseur des droits afin que ce type de cas puisse être détecté et accompagné avec une réelle prise en charge.
À un moment où 78 % de nos citoyens pensent que les droits de l’homme à l’international sont des éléments importants pour rassembler les Français, selon un sondage Le Parisien de février 2019, et où 2,5 millions de Français vivent à l’étranger, il est indispensable de renforcer la protection des Français.
Nous comptons sur la volonté politique du président Emmanuel Macron, du Premier Ministre Jean Castex, du garde des Sceaux, Éric Dupond-Moretti, et du ministre de l’Europe et des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, qui encouragent cette initiative parlementaire.
L’adoption de cette proposition de loi permettrait à la France de « rattraper » les erreurs du passé, de retrouver sa dignité, et de démontrer qu’elle n’abandonne pas ses citoyens lorsqu’ils sont dans la difficulté, et ce, quelles que soient leurs conditions et leur position géographique. La défense des Droits de l’Homme est la plus noble des causes et il est de notre devoir de tout mettre en œuvre afin de donner aux institutions les moyens d’agir avec force et justice pour en garantir le respect.
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