Sarkozy et la Libye: une histoire tumultueuse qui en dit long sur la conception prébendière qu’un certain nombre d’hommes politiques français ont longtemps eu de la relation avec l’Afrique.
En écoutant en effet depuis hier nombre d’amis et de camarades politiques de Nicolas Sarkozy s’indigner contre sa garde à vue, en agitant presque la théorie d’un complot des juges et des journalistes gauchistes contre un « honnête homme », je me demande si d’autres anciens et actuels chefs d‘État africains (pour lesquels je n’ai pas une grande affection) ne sont pas ainsi braqués comme Kadhafi, gouvernant littéralement avec le pistolet automatique d’une certaine France officielle sur la tempe, au détriment des peuples du continent.
Certains élus de droite ont ainsi beau jeu de relativiser la gravité des accusations qui valent une garde à vue à un ancien président d’une grande démocratie, en minimisant ou en niant volontairement les conséquences en Afrique et particulièrement en Libye.
Peut-être auraient-ils la décence de se taire, par respect pour la mémoire de toutes ces personnes qui ont précisément péri depuis l’excursion militaire engagée par Nicolas Sarkozy avec l’aide médiatique d’un certain BHL dans ce pays, et dont les objectifs n’étaient pas tout à fait ceux qu’ils nous avaient présentés à travers une résolution votée au Conseil de Sécurité des Nations Unies, largement outrepassés sur le terrain, notamment par l’assassinat de Kadhafi. Maintenant nous savons pourquoi.
Mesdames et Messieurs, à défaut de respecter les africains et leurs dirigeants, laissez au moins la justice française travailler en toute sérénité.
Joël Didier Engo, Président du CL2P
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Sarkozy et la Libye: une histoire tumultueuse parsemée de zones d’ombre
Nicolas Sarkozy est en garde à vue depuis ce mardi 20 mars au matin. La justice tient à l’entendre sur le présumé financement libyen de sa campagne de 2007 sur lequel elle enquête depuis 5 ans. Nicolas Sarkozy est le président français qui a permis à la Libye de Kadhafi de sortir de son isolement international. Mais au vu des éléments qui s’accumulent dans ce dossier, difficile de ne pas regarder l’histoire récente des relations entre Paris et Tripoli a l’aune des soupçons de financements illicites.
Il y a d’abord les faits connus : alors que la Libye cherche à revenir dans le concert des Nations, le ministre français de l’Intérieur Nicolas Sarkozy, fait le voyage à Tripoli en 2005, un an après Jacques Chirac.
Ce qui bloque alors la normalisation des relations entre le Guide et la France est l’affaire des infirmières bulgares détenues en Libye depuis 1999. En mai 2007, Sarkozy est élu président et en juillet, Cécilia Sarkozy et Claude Guéant vont à Tripoli et reviennent avec les infirmières bulgares que Kadhafi a finalement accepté de libérer.
Réception en grande pompe à Paris
En décembre 2007, le Guide est reçu en grande pompe à Paris. Il plante sa tente à l’hôtel Marigny en face de l’Elysée. L’Elysée qui annonce 10 milliards d’euros de contrats signés avec la Libye que Mouammar Kadhafi n’honorera finalement pas.
Puis vient la guerre en 2011. Paris, Londres et Washington, sous mandat de l’ONU, prennent le parti des insurgés libyens à partir du 19 mars. Trois jours plus tôt le fils du Guide, Saïf al-Islam Kadhafi, accuse pour la première fois le président français d’avoir reçu de l’argent libyen. En octobre, Mouammar Kadhafi et un de ses fils sont tués à Syrte.
En 2012, Béchir Saleh, le grand argentier du régime libyen est exfiltré de Libye vers la France, puis, entre les deux tours de la présidentielle française, de la France vers le Niger puis l’Afrique du Sud ou il est toujours exilé.
Mediapart fait éclater l’affaire
L’affaire éclate ensuite en 2012 avec la publication par Mediapart d’une note attribuée à un dignitaire libyen, Moussa Koussa, accréditant la thèse d’un financement libyen de la campagne de Sarkozy en 2007.
En avril 2013, la justice française ouvre une enquête. Elle s’intéresse notamment au cas de Claude Guéant, ancien secrétaire général de l’Elysée, qui peine à justifier l’origine des 500 000 euros qui lui ont permis d’acheter un appartement à Paris en 2008.
Elle s’intéresse aussi au rôle qu’ont pu jouer les intermédiaires présumés Alexandre Djouhri et Ziad Takieddine. Ce dernier dit avoir transporté et remis à Nicolas Sarkozy fin 2006 – début 2007, trois valises contenant au total cinq millions d’euros, confirmant les propos tenus en 2012 par Abdallah Senoussi, l’ancien chef des renseignements militaires du régime libyen.
Djouhri et Takieddine, deux intermédiaires sulfureux
Par ailleurs, la justice a mis la main sur les carnets de l’ancien ministre libyen du Pétrole, Chokri Ghanem, mort en 2012 dans des circonstances troubles. Des carnets qui mentionnent l’existence de versements d’argents à destination de Nicolas Sarkozy.
En 2016, Takieddine est mis en examen. Quant à Alexandre Djourhi, la justice s’intéresse à une villa sur la Côte d’Azur qu’il a vendu en 2008 au fonds souverain libyen alors dirigé par Béchir Saleh. Une vente conclue pour plus de deux fois le prix estimé. Djouhri est arrêté à Londres en janvier dernier, et assigné à résidence, en attente d’une possible extradition vers la France.