Au Zimbabwé, en s’accrochant déraisonnablement au pouvoir l’extrême vieillesse était devenu le seul réel opposant qui a fini par en éloigner Robert Mugabe définitivement…
Après Paul Kagamé qui a réussi à supprimer les limites du mandat présidentiel, Robert Mugabe était ainsi en bonne compagnie avec plusieurs autres chefs d’État africains tels que Yoweri Museveni au pouvoir depuis 1986, qui a notamment changé la constitution de son pays pour s’offrir un troisième mandat dès 2006. Quatre autres des chefs les plus anciens d ‘Afrique – Teodoro Obiang Nguema Mbasogo de la Guinée équatoriale, José Eduardo dos Santos, le Congolais Dénis Sassou Nguesso et le Camerounais Paul Biya – avaient aussi tous réussi à rester au pouvoir depuis plus de 35 ans en modifiant leurs constitutions respectives, Selon Human Right Watch (HRW).
Cela attire inévitablement notre attention sur un autre tyran sénile en Afrique centrale francophone, qui lui semble encore sauver les apparences en limitant au maximum ses apparitions et campagnes publiques. Pourtant tout porte à croire que pour lui aussi, l’illusion d’infatigabilité voire d’éternité ne durera que le temps du énième hold-up électoral qu’il prépare déjà sous couvert de la Coupe d’Afrique des Nations (CAN) prévue au Cameroun en 2019.
En réalité ces deux vieillards ont arrêté de travailler depuis des lustres. Pire ils ont abandonné la gouvernance des deux pays à des proches parents et autres gangsters du village qui rackettent sans scrupule toutes les administrations, les donateurs et investisseurs institutionnels en soutirant le moindre sou alloué aux projets de développement…parvenant surtout à endormir le despote sous des torrents de louanges flatteurs et flagorneurs, puis des motions de soutien qui ne trompent en réalité plus personne.
Comme il n’y a pas longtemps pour les Zimbabwéens, l’avenir de générations de Camerounais est ainsi littéralement hypothéqué par l’addiction au pouvoir d’un autre vieux dormeur invétéré et fatigué.
Ceux d’entre nous qui sommes opposés à ce genre de célébration obscène d’immortalité sont évidemment «trop endoctrinés par l’Occident». Nous sommes considérés comme trop détachés et éloignés des défis et des réalités d’un leader africain. Pour ces roitelets, la limitation des mandats présidentiels est comparable à un chasseur qui tue son gibier et à qui des voix non autorisées viennent demander de s’en séparer avant qu’il ne puisse manger une partie de la viande. De là découle l’argument maintes fois entendu selon lequel les droits de l’Homme, la dignité, et la démocratie sont un concept occidental imposé au continent africain. Par conséquent, l’idée que les droits de l’Homme et la démocratie ne sont pas pour les Africains parce que les pays africains en général avaient peu développé des notions de démocratie et les populations, n’étant jamais suffisamment matures sur un plan politique pour mener à bien leurs propres affaires.
En ce qui concerne les chefs africains, nous devons nous rappeler que ces rois et chefs africains sont ceux qui ont vendu leur peuple en esclavage dans les plantations de coton, de tabac et de cannes à sucre. Aujourd’hui, ces mêmes Africains constituent la grande majorité des embarcations de migrants qui ont transformé la Méditerranée en vaste cimetière, apportant là la preuve irréfutable de l’inefficacité des régimes qu’ils fuient.
C’est ainsi que le pouvoir devient l’outil de l’immortalité obscène car c’est un pouvoir basé sur la mort et le néant. Une puissance basée sur l’échec et la célébration de l’échec.
Comment ces dictateurs deviennent à la fois des figures de comédie et de tragédie comme le vieux nègre Meka du célèbre roman de Ferdinand Oyono Le Vieux Negre et la médaille. Meka est une créature coloniale qui ne sait plus à quel saint se vouer. Meka doit recevoir une médaille du maître colonial pour avoir été un bon nègre qui a tout raté jusqu’à sa propre mort. Meka est à la fois un objet de tragédie et de ridicule comme nos dictateurs africains.
Comme nos dictateurs Meka se rend compte que tout sur sa vie était faux: le pouvoir, la respectabilité, les honneurs et ainsi de suite. Sa vie était fausse du début à la fin et la contradiction ultime c’est que, bien que la vie du dictateur soit fausse, la nôtre est réelle et ce n’est pas une blague.
Nous ne pouvons pas nous permettre de nous amuser à la mort.
Par Olivier Tchouaffe PhD Porte-parole au CL2P et Joël Didier Engo Président du Cl2P