Il est la figure de l’opposition et elle est une ancienne proche de Robert Mugabe en rupture de ban. Malgré leurs différences, Morgan Tsvangirai et Joice Mujuru ont contracté, une improbable alliance politique avec l’ambition de faire tomber l’inamovible président âgé de 93 ans au pouvoir depuis presque trente ans.
Annoncé formellement lors d’une conférence de presse le 19 avril, l’accord électoral fait encore l’objet de tractations pour en fixer les détails. « Ce grand rapprochement au sein d’une même force démocratique va donner de la confiance à notre peuple. Les discussions se passent très bien », assure à l’AFP Mme Mujuru dans le jardin de sa grande maison de la banlieue chic de Harare. Cette alliance s’est fixé pour objectif de battre en 2018 dans les urnes le président Mugabe, qui entend bien prolonger son règne sans partage. Malgré son âge, le plus vieux chef d’Etat en exercice de la planète a déjà été investi candidat du parti au pouvoir, la Zanu-PF.
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Mais battre Robert Mugabe aux élections n’est pas une mince affaire au Zimbabwe. Par trois fois, Morgan Tsvangirai a essayé, par trois fois il s’est cassé les dents. En 2008, pourtant arrivé en tête du premier tour, il avait choisi de retirer sa candidature pour faire cesser la violente répression engagée par le régime contre ses partisans. Cinq ans plus tard, largement battu par M. Mugabe au premier tour, il avait dénoncé les fraudes de son adversaire.
« La Zanu-PF n’a pas gagné les élections ces dernières années, elle les a trafiquées. Je ne m’attends pas à ce que Mugabe dise “Je vais créer des conditions pour un scrutin libre et transparent”, déplore le chef de l’opposition, interrogé par l’AFP dans son bureau de la capitale zimbabwéenne. Mais s’il y a un verdict clair des urnes, personne ne pourra se mettre sur le chemin du peuple. »
« S’unir malgré des différences idéologiques »
Le Zimbabwe traverse depuis les années 2000 une grave crise économique qui l’a considérablement appauvri. En 2016, un ras-le-bol d’une ampleur rare avait secoué le pays, marqué par plusieurs grèves générales et manifestations finalement matées par le pouvoir.
L’opposition espère récolter les fruits de ce mécontentement pour parvenir enfin à déloger Robert Mugabe de son trône. Morgan Tsvangirai doit néanmoins convaincre ses partisans que Joice Mujuru, longtemps ministre puis vice-présidente jusqu’en 2014, peut être une partenaire fiable. Longtemps, cette femme de 62 ans a été considérée comme l’une des favorites à la succession de Robert Mugabe à la tête du parti au pouvoir. Elle a construit sa légende lors de la guerre pour l’indépendance du Zimbabwe, où, jeune guerillera, elle assure avoir elle-même abattu un hélicoptère. Mais, il y a trois ans, elle a été éjectée de la garde rapprochée du chef de l’Etat, accusée de vouloir le renverser. Elle dirige aujourd’hui le Parti national du peuple (PNP).
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Son ancienne proximité du sommet de l’Etat pourrait cependant permettre à l’opposition d’attirer d’anciens partisans du régime, comme les anciens combattants de la guerre d’indépendance devenus de plus en plus critiques envers le chef de l’Etat. « Tous ceux qui veulent mettre fin au régime de la Zanu-PF doivent s’unir malgré leurs différences idéologiques, plaide M. Tsvangirai. Je pense que Mme Mujuru a de bonnes intentions et moi aussi. Les gens vont comprendre que nous sommes tous les deux engagés dans la réussite de ce processus. »
Joice Mujuru et Morgan Tsvangirai ont d’ailleurs déjà travaillé ensemble, entre 2009 et 2013, lorsque ce dernier était le premier ministre d’un gouvernement d’union nationale. « Pour moi, c’était l’occasion de voir les Zimbabwéens travailler ensemble en harmonie, se souvient l’ex-numéro deux du pays. J’étais une des rares à être toujours à l’écoute des partis d’opposition. » Les deux nouveaux alliés rêvent désormais d’imiter l’exemple gambien, où une alliance d’opposition a réussi fin 2016 à battre Yahya Jammeh après vingt-deux ans de pouvoir.
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Il leur reste toutefois une décision importante à prendre. Choisir qui prendra la tête de l’alliance. Un Morgan Tsvangirai au profil rassembleur mais qui lutte contre un cancer ou une Joice Mujuru, mieux à même de regagner la confiance des investisseurs internationaux qui ont fui le pays ces dernières années ? Au-delà de ce choix, la question du soutien à cette union des figures de la société civile qui ont porté la vague de manifestations de 2016 s’annonce cruciale.
« M. Tsvangirai devrait être le chef, la question est de savoir de quels soutiens il bénéficiera de la part de ses alliés », souligne Ivor Jenkins, du mouvement pro-démocratie In Transformation qui tente d’aider les négociations au sein de l’opposition.
Le Monde.fr avec AFP