Les autorités de la République démocratique du Congo (RDC) ont organisé une répression systématique contre les personnes qui s’opposent au fait que le président Joseph Kabila tente de conserver le pouvoir au-delà du nombre maximal de deux mandats que fixe la Constitution, a déclaré Amnesty International jeudi 15 septembre 2016.
Dans un nouveau rapport, intitulé « Ils veulent nous réduire au silence ». Report des élections et attaques contre l’opposition en République démocratique du Congo, Amnesty International indique que les autorités congolaises se servent des institutions publiques pour empêcher les personnes opposées au maintien au pouvoir du président Kabila de s’organiser et de s’exprimer.
« L’État bafoue les droits aux libertés d’expression, d’association et de réunion pacifique des personnalités politiques de l’opposition et des militants en faveur de la démocratie tout en expulsant des chercheurs étrangers et en menaçant de fermeture les organisations de défense des droits humains qui suivent ces violations, a déclaré Sarah Jackson, directrice adjointe du programme Afrique de l’Est, Corne de l’Afrique et Grands Lacs à Amnesty International.
« La campagne de harcèlement et d’intimidation des dissidents va à l’encontre de la Constitution, ainsi que des engagements internationaux de la RDC qui consistent à respecter, protéger et concrétiser les droits aux libertés d’expression, d’association et de réunion pacifique. »
À trois endroits, les autorités locales ont interdit toutes les manifestations et même mis fin à des réunions de partis politiques d’opposition qui ne se tenaient pas en extérieur. De nombreuses manifestations de l’opposition ont été déclarées interdites tandis que les sympathisants de la coalition au pouvoir ont pu se rassembler librement, avec l’aide de la police et des autorités locales.
Les responsables politiques ayant quitté la coalition à la suite du désaccord lié au nombre maximal de mandats ont été victimes de représailles.
Moise Katumbi, homme d’affaires et personnalité politique de premier plan, a été pris pour cible par les autorités peu après avoir déclaré son intention de se présenter face au président Kabila aux prochaines élections. Il a ensuite été inculpé d’avoir engagé des mercenaires et vendu une maison ne lui appartenant pas. Ayant quitté le pays pour raisons médicales, il a été condamné par contumace à trois ans d’emprisonnement et à une amende d’un montant équivalent à un million de dollars des États-Unis en juin 2016. Il vit toujours en exil.
Martin Fayulu, un député ayant joué un rôle de chef de file dans la campagne visant à dénoncer la possibilité pour le président Kabila de briguer un troisième mandat, a été arrêté en février 2016 alors qu’il incitait des habitants de Kinshasa, la capitale, à participer à une opération « ville morte » (grève générale organisée par l’opposition pour protester contre le report des élections). Il a été libéré le soir même mais a indiqué à Amnesty International que sa voiture, son matériel de campagne et les autres effets personnels saisis ne lui avaient pas été restitués.
« La RDC foule aux pieds ses obligations régionales et internationales en matière de droits humains. Priver des personnes du droit à la liberté d’expression pourrait engendrer des violences alors que le climat politique est déjà tendu, a déclaré Sarah Jackson.
« La communauté internationale, notamment les partenaires régionaux de la RDC, doivent encourager les autorités à mettre fin rapidement à la vague de répression, à libérer sans condition tous les prisonniers politiques et à abandonner les charges pesant sur eux. »
Complément d’information
Bien que le deuxième mandat du président Kabila se termine dans trois mois à peine, la Commission électorale nationale indépendante (CENI) n’a pas encore fixé de date pour les élections. Son président a déclaré que, pour des raisons techniques, le scrutin ne pourrait se dérouler dans les délais prévus.
En mai, la Cour constitutionnelle a statué que le président sortant pourrait continuer d’exercer ses fonctions en toute légalité tant que son successeur ne serait pas en place. L’opposition est en désaccord avec cette décision.
Un dialogue national, amorcé par le président Kabila, s’est ouvert début septembre. Cependant, la majorité des partis politiques d’opposition ont refusé d’y participer, accusant le médiateur nommé par l’Union africaine, Edem Kodjo, de manquer d’indépendance.