Amnesty International pose au Cameroun une question à laquelle sont sujets tous les observateurs avisés sur les problématiques liées au terrorisme, notamment sur une guerre asymétrique telle que celle que mènent ses forces de sécurité contre Boko Haram.
En effet où mettre le curseur sur l’exigence de respect des Droits humains?
Peut-on laisser un pays multiplier ainsi des centres de torture et d’exécutions sommaires de simples suspects – comme ce que relève le rapport d’Amnesty ?
Doit-on le regarder séquestrer des acteurs politiques, des leaders d’opinion, des journalistes sous couvert de la nécessaire et impitoyable lutte à mener contre le terrorisme????
Voilà la question qui est posée de manière argumentée et documentée dans ces différents rapports des ONG aux dirigeants Camerounais. Les américains qui se sont vus reprocher les mêmes “bavures” en Irak notamment, n’ont jamais crié au complot des ONG et ont essayé de rectifier le tir.
Quel est donc ce pays où la culture du crime d’État a été banalisée au point où des crimes de guerre minutieusement répertoriés à l’issue d’une enquête fouillée d’Amnesty International (qui ne se mène pas, rassurons-nous, “assis derrière un bureau à Paris ou à Londres) ne semblent susciter la moindre indignation, et voient de respectables professionnels des médias enfourcher sans le dire la thèse officielle du complot ourdi par “l’odieuse ONG occidentale” contre le Cameroun?
Les bras m’en tombent.
Joël Didier Engo, Président du CL2P
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Cameroun : Opinion : Amnesty International victime d’un faux procès
Comme à chaque publication du rapport d’Amnesty international, le gouvernement camerounais adopte une attitude de déni des violations des droits humains dans le cadre de la lutte contre Boko Haram et agite la théorie du complot. Comme si un rapport suffisait pour déstabiliser un pays.
Dans son rapport rendu public le 20 juillet dernier et intitulé « Chambres de torture secrètes au Cameroun : Violations des droits humains et crimes de guerre dans la lutte contre Boko Haram », Amnesty international décrit de manière détaillée la vingtaine de méthodes de torture utilisées par le Bataillon d’intervention rapide(Bir), corps d’élite de l’armée camerounaise, et la Direction générale des renseignements extérieurs (Dgre), services secrets, contre des hommes, des femmes, des jeunes et moins des jeunes, des handicapés physiques ou mentaux, soupçonnés d’appartenir à la secte islamiste Boko Haram.
Tel une vierge outragée, il n’en fallait pas plus pour que le pouvoir camerounais ne pousse des cris d’orfraie. Que n’a-t-on pas entendu de la bouche du ministre de la Communication et porte-parole du gouvernement, Issa Tchiroma, au cours d’une conférence de presse le 21 juillet dernier à Yaoundé ? Des vertes et des pas mûres : « Amnesty International est désormais muée en une véritable officine de défense des intérêts terroristes », « Amnesty international est une organisation hostile au Cameroun », « nous sommes en face d’une véritable campagne de déstabilisation du Cameroun ».
Hors-sujet
Aussi surprenant que cela puisse paraître, la presse camerounaise dans toutes ses sensibilités, tel un orchestre philharmonique et mûe par un incroyable unanimisme, a repris en chœur cette rengaine officielle de la « déstabilisation » ou de la « complicité avec Boko Haram » : « quand Amnesty International soutient Boko Haram », « Pour qui roule Amnesty International ? », « Amnesty International complice de Boko Haram », « Amnesty International légitime Boko Haram », a-t-on lu ce lundi 24 juillet 2017 à la Une des journaux camerounais.
Au Cameroun, on a l’art d’être hors-sujet. Le souci d’Amnesty International est pourtant clair, sauf pour un pays réputé pour sa surdité à la raison, son caractère autoritaire et obscurantiste : oui pour la lutte contre Boko Haram mais dans le respect du droit international humanitaire. En termes simples, il est question pour le militaire camerounais non seulement de riposter face à un kamikaze ou à un terroriste armé mais aussi de mettre tout suspect à la disposition de la justice sans lui infliger des traitements cruels et dégradants. Les soldats camerounais qui subissent régulièrement des stages de recyclage en matière de droit international humanitaire le savent très bien.
Loi anti-terroriste
Mais de cela, Issa Tchiroma n’en a cure. Le porte-parole du gouvernement a choisi la voix du déni de la réalité et du faux procès. Des confrères camerounais aussi. Prétextant à chaque fois d’une guerre asymétrique où l’ennemi se fond dans la population. D’accord. Mais au nom la lutte contre de Boko Haram, doit-on agresser sexuellement des femmes interpellées ? Au nom de la lutte contre Boko Haram, doit-on enchaîner des mineurs de 7 ans dans des camps du Bir et les torturer ? Au nom de la lutte contre Boko Haram, doit-on détenir pendant des mois des citoyens fût-ils suspectés d’actes terroristes dans des lieux secrets, les ligotér et les bastonner avec des chaînes ou les noyer dans des fûts d’eau ?
Si un Etat, à travers son armée et ses services de renseignement, doit utiliser les méthodes de terroristes pour lutter contre le terrorisme, la loi anti-terroriste promulguée fin décembre 2014 c’est donc pour qui, les chiens où alors pour des opposants endurcis? Dans son rapport 2014 sur l’état des droits de l’homme au Cameroun, la Commission nationale des droits de l’homme et des peuples, organe gouvernemental, faisait état des multiples violations des droits humains commises par l’armée dans le cadre de la lutte contre Boko Haram. Dans ce cas, la Commission complote contre qui ?
Guantanamo
Pour le ministre de la Communication, quelques nationalistes camerounais de la 25e heure et les néo-panafricanistes, il y a comme un acharnement des officines occidentales contre le Cameroun. Que diront les autorités françaises épinglées dans le rapport annuel 2016/2017 d’Amnesty International pour avoir, après les attentats du 14 juillet 2016, « procédé à plus de 4 000 perquisitions domiciliaires sans autorisation judiciaire » et fait un « usage excessif de la force par la police au cours de perquisitions administratives effectuées dans le cadre des pouvoirs conférés par l’état d’urgence » ?
Que diront les autorités américaines qui, d’après le même rapport d’Amnesty, ont maintenus en détention 59 hommes au centre de détention de Guantanamo sans procès ni inculpation ? Le pouvoir de Yaoundé, plutôt que de crier au scandale à chaque dénonciation d’Amnesty international, gagnerait à soigner la fièvre plutôt que de casser le thermomètre.
Michel Biem Tong – hurinews.com
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Cameroun : Rapport d’Amnesty : Et si la CPI se saisit de l’affaire…
En parlant de crimes de guerre dans son dernier rapport, Amnesty International laisse croire que les auteurs, leur supérieur hiérarchique et même le chef de l’Etat, chef suprême des armées, sont passibles de poursuites judiciaires devant la Cour pénale internationale.
Pour Amnesty International, les actes de tortures perpétrés par le Bataillon d’intervention rapide (Bir) et la Direction générale de la recherche extérieure (Dgre) sur 101 détenus soupçonnés d’appartenir à Boko Haram sont constitutifs de crimes de guerre. Dans son rapport intitulé « Chambres de torture secrètes au Cameroun : Violations des droits humains et crimes de guerre dans la lutte contre Boko Haram », l’ONG évoque l’article 8(2)(c) du Statut de Rome sur la Cour pénale internationale (CPI).
Cette disposition énonce que « la torture constitue un crime de guerre lorsqu’elle est commise à l’encontre de personnes protégées par le droit international humanitaire, y compris les civils, les membres de forces armées qui ont déposé les armes et les personnes qui ont été mises hors de combat par maladie, blessure, détention ou par toute autre cause ».
Compétence de la CPI
Le Cameroun a signé le Statut de Rome de la Cour pénale internationale le 17 juillet 1998. Mais pour ne l’avoir pas ratifié, elle n’y est pas encore partie. Toutefois, rien n’empêche que les auteurs des actes de torture dénoncés par Amnesty International soient traduits devant la CPI.
En effet, le paragraphe 3 de l’article 12 du Statut dispose que « Si l’acceptation de la compétence de la Cour par un État qui n’est pas Partie au présent Statut est nécessaire …cet État peut, par déclaration déposée auprès du Greffier (de la CPI, ndlr), consentir à ce que la Cour exerce sa compétence à l’égard du crime dont il s’agit ».
Responsabilité pénale
Au regard des accusations contenues dans le rapport d’Amnesty international, qui mérite d’être poursuivi devant la CPI ? L’article 28 du Statut rend pénalement responsable les chefs militaires. Il s’agit en l’espèce du commandant du Bir de Maroua Salak et du directeur de la Dgre, Maxime Eko Eko.
L’article 25 quant à lui punit les auteurs du crime de guerre que sont des tortionnaires des camps du Bir et de la Dgre, tandis que l’article 27 rend le chef de l’Etat pénalement responsable de crime de guerre, peu importe l’immunité rattachée à sa fonction. Paul Biya, chef suprême des armées, risque gros.
hurinews.com