“Le président Biya n’a pas besoin des garanties de M. Kamto” (Grégoire Owona)
“J’ai reçu mission de tirer le penalty, je l’ai tiré et je l’ai marqué”, a déclaré Maurice Kamto à la presse à Yaoundé ce lundi devant ses supporters qui l’ont ovationné à tout rompre. “J’ai reçu du peuple un mandat clair que j’entends défendre jusqu’au bout”, a-t-il poursuivi.
Cette posture affichée n’est pas tout à fait surprenante. Puisque juste après la fermeture des bureaux de vote dimanche soir, les partisans de Maurice Kamto se montraient convaincus de la victoire de leur leader.
Pendant la campagne électorale, Maurice Kamto avait dénoncé de nombreuses irrégularités qui pourraient entachées la régularité de ce scrutin, qui a vu la participation de huit candidats, dont le président sortant, au pouvoir depuis 1982. “J’invite le président de la République à organiser les conditions d’une transition pacifique afin de mettre le Cameroun a l’abri d’une crise électorale dont notre pays n’a nullement besoin”, a ajouté le président du MRC, le Mouvement pour la renaissance du Cameroun, qui s’engage à garantir au président Paul Biya et à sa famille “toutes les garanties de sécurité, d’immunité et de respect dû à son statut.“
Réaction des autorités
Les propos de Maurice Kamto ont été pris très au sérieux par le pouvoir. Au cours d’une interview qu’il a accordée à la DW, Grégoire Owona, le secrétaire général adjoint du comité Central du RDPC, le Rassemblement démocratique du peuple camerounais au pouvoir a accusé Maurice Kamto d’être passé “outre toutes les lois de la république du Cameroun” et d’avoir invité “insolemment le président Paul Biya à organiser la passation du pouvoir !“. “Puis-je me permettre d’exhorter les populations camerounaises au calme et à l’attente des résultats conformément à la loi. Préservons notre pays et aimons-le !“, a affirmé, celui qui est aussi Ministre du Travail et de la sécurité sociale.
Vendredi soir, le ministre de l’Administration territoriale Paul Atanga-Nji, issue des provinces anglophones, avait invité “tous les acteurs politiques (…) à faire preuve d’un sens de responsabilité afin que le processus qui a si bien commencé se termine dans le même esprit“. Car, avait-il averti, “toute forme de remise en cause du verdict des urnes en dehors des voies légales ne sera pas tolérée“.
Risque de crise postélectorale
Selon la loi au Cameroun, c’est le Conseil constitutionnel qui est habilité à proclamer les résultats de la présidentielle. En se déclarant vainqueur de cette élection, Maurice Kamto ne fait-il pas le lit d’une crise postélectorale, comme ce fût le cas en Côte d’Ivoire entre 2010 et 2011 ?
Une telle situation s’était déjà produite dans le pays. En 1992, Ni John Fru Ndi, le leader du SDF, le Social démocratic Front était arrivé officiellement deuxième, à l’issue de la toute première élection présidentielle pluraliste du pays, avec 36% des voix, contre 40% pour le président Paul Biya. S’en était suivie une violente crise post-électorale qui a paralysé le pays. Ni John Fru Ndi ayant revendiqué sa victoire.
“Il peut y avoir une crise post-électorale, d’autant plus qu’on voit des images qui témoignent de fraudes ou d’irrégularités. Il y a déjà une crise de contestation de l’État central dans les provinces où Maurice Kamto a fait de bons scores, l’Ouest et le Littoral. Et c’était vraiment cet axe Nord-Ouest, Sud-ouest, Ouest, Littoral, qui avait contesté fortement le pouvoir, il y a 25 ans”, soutient le journaliste Théophile Kouamouo.
Qui est Maurice Kamto ?
Maurice Kamto, 64 ans, est né à Bafoussam, le chef-lieu de la région de l’Ouest, l’ouest du Cameroun, en pays Bamileké. Une communauté considérée comme détentrice du pouvoir économique. Ancien ministre délégué à la Justice entre 2004 et 2011, Maurice Kamto, a reçu un soutien de taille, vendredi. Celui d’un autre avocat international, Akeré Muna qui s’est donc désisté en sa faveur. Akeré Muna, natif du Nord ouest anglophone, est l’un des fils de Salomon Tandeng Muna, qui fut Premier ministre puis président de l’Assemblée nationale. Salomon Tandeng Muna est aussi l’un des artisans de la réunification du Cameroun intervenue le 20 mai 1972.
Violences dans les provinces anglophones
Dans les deux provinces anglophones du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, le vote de dimanche a été émaillé de violences. Il y a eu des attaques répétées des séparatistes et la riposte de l’armée nationale camerounaise. Les leaders sécessionnistes ont mis à exécution leur menace d’empêcher la tenue du scrutin dans ce qu’ils considèrent comme étant leurs territoires : le Nord-Ouest et le Sud-Ouest. Le bilan provisoire de dimanche soir, publié par les autorités de Yaoundé, faisait état de 9 morts. Ce climat d’insécurité a poussé des milliers de riverains à quitter ces deux provinces, comme cet habitant de Buea.
“Je ne peux pas rester ici, parce qu’à voir le nombre d’années que je viens de passer dans ce pays, en essayant de rendre mieux ma vie, rien ne change. Je devrais peut-être me rendre ailleurs pour voir si quelque chose change. Et je suis convaincu qu’ailleurs les choses seront meilleures que dans ce pays”, a-t-il confié à la DW.